L’IA et la fabrication additive : transformer l’industrie, une couche à la fois

L’IA et la fabrication additive : transformer l’industrie, une couche à la fois

Dans ce 3ème article d’une série de reportages propulsés par le CQFA – Carrefour québécois de la fabrication additive (CQFA), CScience s’attarde sur l’alliance entre l’intelligence artificielle (IA) et la fabrication additive (impression 3D), qui redéfinit les bases de la production industrielle. Ensemble, ces technologies permettent de concevoir et de produire des pièces complexes, tout en optimisant les processus pour les rendre plus rapides, précis et durables. Alors que la fabrication additive étend ses applications au-delà du prototypage, l’IA amplifie son impact en rendant cette technologie plus performante à chaque étape. 

L’automatisation : clé d’un passage à l’échelle industrielle

Historiquement cantonnée au prototypage et à la production en petite série, la fabrication additive doit relever de nombreux défis pour se déployer à une échelle industrielle.

Pour Karim Belmokhtar, cette transition repose sur l’intégration de technologies avancées. « Porter la fabrication additive à une échelle industrielle nécessite d’automatiser les processus. Cela passe par la robotique, la vision industrielle et l’intelligence artificielle, qui garantissent une qualité constante tout en augmentant la productivité et en réduisant les coûts », explique-t-il.

L’IA intervient dès la phase de conception pour maximiser l’efficacité du processus. Saïd Elkoun met en avant l’importance des algorithmes de conception générative, qui permettent de repenser la structure des pièces. « Grâce à l’IA, nous pouvons optimiser les structures pour réduire leur poids tout en augmentant leur résistance. Cela élimine de nombreuses itérations coûteuses et accélère la mise en production », explique-t-il.

Ces outils permettent également de prédire les propriétés des matériaux avant même leur fabrication, offrant un avantage considérable en termes de gain de temps et de réduction des déchets.

PUBLICITÉ

Relever les défis d’intégration

Si l’impact potentiel de l’IA est immense, son adoption n’est pas exempte d’obstacles. Le professeur Belmokhtar identifie trois types de défis : techniques, financiers et organisationnels. Sur le plan financier, il explique que « la mise en place d’infrastructures robustes et la formation des équipes exigent des investissements importants, un défi particulièrement lourd pour les petites et moyennes entreprises ».

Les freins organisationnels sont tout aussi critiques. « L’adoption de l’IA demande un changement culturel profond au sein des entreprises. Les employés peuvent craindre de perdre leur emploi ou de voir leur rôle marginalisé, tandis que les silos organisationnels freinent souvent l’implémentation de technologies transversales », poursuit-il. 

Sur le plan technique, le manque de standardisation des formats de données complique l’interopérabilité des systèmes, tandis que l’intégration dans des infrastructures existantes peut s’avérer complexe. « L’un des grands défis techniques est de garantir que les données utilisées soient de haute qualité. Sans cela, la précision des modèles d’IA et leur efficacité sont grandement compromises. », confirme Said Elkoun.

Applications concrètes : le succès des pionniers

Des entreprises comme Siemens, BMW, Airbus et GE Aerospace montrent déjà comment l’IA et la fabrication additive peuvent transformer les processus industriels. « Chez Siemens, l’IA est utilisée pour optimiser la fabrication de composants pour turbines à gaz, améliorant leur durabilité tout en réduisant les coûts de production », illustre le Pr. Belmokhtar. 

BMW utilise des algorithmes d’apprentissage automatique pour ajuster les paramètres d’impression en temps réel, assurant ainsi une qualité constante et minimisant les déchets. Airbus, de son côté, produit des composants structurels légers et robustes, contribuant à l’efficacité énergétique de ses avions. Quant à GE Aerospace, elle a intégré l’IA dans la conception et la fabrication additive de pièces de moteurs d’avion, réduisant leur poids tout en augmentant leur performance.

« Ces entreprises ne se contentent pas d’améliorer la productivité : elles redéfinissent la manière dont les produits sont conçus et fabriqués. L’IA offre une flexibilité inégalée, permettant d’adapter les designs et les procédés aux besoins spécifiques de chaque industrie, » explique le Pr. Elkoun, pour qui ces exemples illustrent la capacité de l’IA à aller au-delà de la simple optimisation des processus.

Une fabrication plus durable grâce à l’IA

Au-delà des performances techniques, l’IA joue un rôle crucial dans la réduction de l’impact environnemental de la fabrication additive. « Grâce aux algorithmes de contrôle qualité en temps réel, l’IA limite les déchets générés lors de la production », explique Karim Belmokhtar. 

En optimisant la conception des pièces, elle réduit également la quantité de matériaux utilisés, contribuant ainsi à une gestion plus durable des ressources.

L’IA facilite également la maintenance prédictive des équipements. « Une panne non anticipée peut entraîner des interruptions coûteuses. En analysant les données des capteurs, l’IA permet d’identifier les pannes potentielles et d’allonger la durée de vie des imprimantes, ce qui réduit les besoins de remplacement et améliore l’efficacité énergétique », détaille Said Elkoun. Cette approche, combinée à l’intégration de matériaux recyclés et biosourcés, ouvre la voie à une production plus respectueuse de l’environnement.

Le professeur Elkoun souligne que la fabrication additive a un autre atout environnemental unique : la capacité de produire uniquement ce qui est nécessaire, éliminant ainsi le gaspillage de matériaux. « L’IA nous permet de concevoir et de fabriquer avec une précision qui rend la surproduction inutile. Cela représente une avancée majeure dans la lutte contre le gaspillage industriel. »

Transformer les métiers et les compétences

L’intégration de l’IA dans la fabrication additive redéfinit également les compétences nécessaires dans le secteur. « Le développement d’algorithmes d’IA exige des connaissances en programmation et en science des données, des compétences qui n’étaient pas essentielles dans le passé », explique le Pr. Belmokhtar. 

En parallèle, la cybersécurité devient un enjeu clé pour protéger les infrastructures et les données sensibles.

Pour le professeur Elkoun, la formation continue est indispensable. « Avec l’évolution rapide des technologies, il est crucial que les employés bénéficient de programmes de formation réguliers pour rester compétitifs. L’IA n’est pas là pour remplacer les humains, mais pour leur permettre de se concentrer sur des tâches plus complexes et stratégiques. »

Cette collaboration entre l’humain et la machine valorise les compétences humaines, tout en renforçant les capacités des systèmes automatisés. « Ce n’est pas une compétition entre l’IA et l’homme, mais une symbiose qui maximise les forces de chacun. L’avenir de la fabrication additive enrichie par l’IA est prometteur », conclut Said Elkoun.

Crédit Image à la Une : Archives