Alors que le monde se mobilise face à la crise climatique, les matériaux avancés se révèlent essentiels pour réduire les émissions de carbone. Grâce à leurs propriétés innovantes et au progrès technologique, ces matériaux ouvrent des perspectives prometteuses pour divers secteurs industriels. Matières premières, écoconception, recyclage, décontamination et circularité… La filière des matériaux avancés s’emploie activement à offrir des solutions permettant aux industries de décarboner.
Dans ce deuxième article d’une série de reportages propulsés par PRIMA Québec, pôle de recherche et d’innovation en matériaux avancés du Québec, CScience s’entretient avec des experts en la matière pour dresser le portrait des avancées actuelles et attendues.
Des propriétés innovantes pour une industrie plus verte
Les matériaux avancés sont conçus pour surpasser les matériaux traditionnels en termes de résistance, conductivité, durabilité, légèreté et recyclabilité. Leurs applications vont de l’aérospatiale à l’automobile, en passant par l’électronique et les énergies renouvelables, jouant un rôle essentiel dans la transition vers une économie à faible émission de carbone.
« En adoptant de nouvelles technologies, les matériaux avancés permettent de réduire les émissions de carbone des industries polluantes comme le plastique jusqu’à 80 %. »
– Virginie Bussières, vice-présidente des Affaires externes et des Partenariats chez Polystyvert
L’un des domaines où ces matériaux montrent leur potentiel est la fabrication des polymères. Par exemple, les procédés industriels tels que le moulage par injection et l’extrusion, qui sont essentiels à la production de plastiques, peuvent être considérablement optimisés grâce aux matériaux avancés. Ces techniques, qui chauffent et modèlent les plastiques, bénéficient grandement des propriétés améliorées de ces nouveaux matériaux, réduisant la consommation d’énergie et augmentant la durabilité des produits finis.
« En adoptant de nouvelles technologies, les matériaux avancés permettent de réduire les émissions de carbone des industries polluantes comme le plastique jusqu’à 80 %. Cela inclut l’économie circulaire, évitant l’extraction continue de matières premières et réduisant ainsi l’impact environnemental et énergétique », explique Virginie Bussières, vice-présidente des Affaires externes et des Partenariats chez Polystyvert.
Une technologie de pointe au service de la durabilité
Les matériaux avancés ne se contentent pas d’améliorer les procédés de fabrication ; ils rehaussent également les propriétés des matériaux recyclés, augmentant leur utilisation dans les formulations industrielles.
« Passer de 50 % à 80 % de plastique recyclé dans les composés automobiles est désormais possible grâce aux matériaux avancés (…) »
– Virginie Bussières, vice-présidente des Affaires externes et des Partenariats chez Polystyvert
En effet, les matériaux avancés permettent d’incorporer une plus grande proportion de matières recyclées, sans compromettre la qualité ou la performance des produits.
« Passer de 50 % à 80 % de plastique recyclé dans les composés automobiles est désormais possible grâce aux matériaux avancés, un progrès significatif pour la durabilité », souligne Mme Buissières.
Un exemple en particulier est l’utilisation de GrapheneBlack, une poudre de graphène produite par NanoXplore au Québec. Récompensé par un prix Nobel de physique en 2010, le graphène, une forme spéciale de carbone, se distingue par ses propriétés exceptionnelles : conductivité électrique et thermique, résistance mécanique et légèreté.
« GrapheneBlack présente une intensité d’émission de carbone de 0,4, contre 3 pour les noirs de carbone couramment utilisés, offrant une économie directe de plus de 85 % par tonne remplacée », précise Nima Moghimian, directeur global de la R&D chez NanoXplore.
Applications variées et performances élevées
Les matériaux avancés trouvent des applications bien au-delà des industries traditionnelles. Ils se retrouvent dans des produits aussi variés que les casques de vélo, les emballages alimentaires et les battes de softball composite. Leur polyvalence et leurs performances élevées ouvrent de nouvelles possibilités pour le développement de produits plus durables et efficaces.
« Les innovations incluent des procédés pour dissoudre et purifier les résines plastiques, permettant de retirer les contaminants et d’obtenir une résine équivalente à la résine vierge », détaille Virginie Bussières. Elle ajoute : « Cette technologie est actuellement en phase de commercialisation avec des capacités industrielles croissantes. » L’intégration du GrapheneBlack dans les tubes de frein de véhicules, une innovation récompensée par le prix PACE, en est une illustration. « Cette reconnaissance montre que les matériaux avancés ne sont pas seulement théoriques, mais qu’ils ont des applications pratiques et commercialisables », souligne Nima Moghimian.
Vers une adoption à grande échelle ?
Malgré leurs nombreux avantages, l’adoption des matériaux avancés rencontre des obstacles tels que la certification et la mise sur le marché, qui peuvent être longs et coûteux. « Avec le temps et une adoption généralisée, ces matériaux deviendront plus abordables et désirables », anticipe M. Moghimian.
Les politiques publiques jouent un rôle clé dans cette adoption. « Les incitations pour les véhicules électriques ont accéléré leur adoption, et les mêmes modèles fonctionneront pour les matériaux avancés. Des mesures comme la taxe carbone pourraient stimuler leur utilisation », conclut-il.
Virginie Bussières insiste quant à elle sur l’importance du soutien gouvernemental pour commercialiser ces innovations. « Subventions, projets pilotes et partenariats sont essentiels. Le Canada est reconnu pour son soutien à l’innovation, mais des efforts supplémentaires sont nécessaires pour une commercialisation à grande échelle. »
L’avenir des matériaux avancés au Québec
Pour que les matériaux avancés s’épanouissent pleinement au Québec, il est crucial de renforcer les partenariats, d’initier des projets pilotes et de démontrer leur viabilité industrielle. La formation des professionnels et l’intégration des principes de chimie verte dans les curriculums universitaires sont également indispensables. Les matériaux avancés représentent une opportunité majeure pour la décarbonation de l’économie. Malgré les défis propres à leur adoption, les avantages environnementaux, économiques et sociaux qu’ils offrent sont considérables.
En effet, les économies d’échelle, combinées aux innovations continues, devraient considérablement réduire les coûts de production, rendant ces matériaux plus accessibles.
« La nouvelle génération a un rôle crucial à jouer en exigeant et en adoptant des pratiques durables, dès maintenant. Les solutions existent, et il est de notre devoir de les promouvoir et de les adopter », soutient Virginie Bussières.
Crédit Image à la Une : Siège social et usine de NanoXplore, à Montréal. (Crédit : NanoXplore)
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