Municipalités : valoriser les données et la transparence au bénéfice des citoyens

Municipalités : valoriser les données et la transparence au bénéfice des citoyens

De même qu’un compas oriente le navigateur en mer – sans quoi il risquerait de s’égarer -, les données jouent un rôle clé pour les entreprises et les organisations, les guidant à travers la prise de décisions stratégiques, et leur permettant de naviguer dans un environnement complexe. Or, bien que la collecte, le suivi et l’analyse réguliers de données fournissent aux organismes des informations déterminantes, par exemple, lorsqu’ils sollicitent l’appui de décisionnaires pour des politiques, programmes ou initiatives, une majorité d’entre eux accusent un retard en ce sens, attribuable tantôt à un manque de connaissances et de compétences numériques, tantôt à la méfiance qu’engendre le traitement des données. Si c’est aussi un problème pour les instances gouvernementales, dont celles du pallier municipal, certaines Villes entament la transition, adoptant une stratégie de valorisation de données axée sur la transparence.

C’est le cas de la Ville de Montréal qui, à travers son équipe des données ouvertes et stratégie de données, rend accessible à la population une panoplie de renseignements collectés et analysés, sur l’agriculture, les entreprises, l’environnement, la justice, le tourisme, la santé, le transport et les infrastructures.

« Concrètement, c’est quoi les données ouvertes? Et à quoi ça sert? Les données ouvertes sont des données en forme de fichiers numériques mises à la disposition de la communauté gratuitement. Elles peuvent être utilisées pour différentes analyses ou encore pour la création d’applications », explique la conseillère en planification de l’équipe de cette division, Miranda Sculthorp, dans une publication destinée à sensibiliser le public quant au rôle des données municipales.

L’efficacité

Lorsque l’on développe une stratégie de données, on peut s’y fier pour orienter ses décisions de sorte à améliorer la qualité de vie des citoyens. On peut également se doter de technologies avancées pour optimiser certaines opérations.

Imaginez pouvoir cartographier votre ville sous forme de jumeau numérique, son patrimoine naturel, faire l’inventaire des arbres remarquables grâce à une solution comme Jakarto, ou encore, analyser l’état et l’achalandage des réseaux routiers, tout cela grâce à l’intelligence artificielle.

La solution Jakarto, présentée à l’émission En Mode Solution.

Mme Sculthorp donne justement l’exemple des comptages de vélos sur les pistes cyclables. « Grâce à ces données, nous sommes capables de calculer le nombre de passages quotidiens de vélos, et de répondre à des questions concrètes comme : Quelles sont les pistes cyclables les plus achalandées à Montréal? Comment l’utilisation des pistes cyclables a-t-elle évolué depuis la dernière année? Ces données précises et chiffrées nourrissent nos réflexions sur le transport actif, et permettent à la Ville de prendre des décisions éclairées pour améliorer la mobilité durable. »

Interviewée par CScience il y a quelques mois, la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier, abondait dans le même sens, rappelant le rôle crucial des données « pour prendre de meilleures décisions » dans l’intérêt des citoyens, dans plusieurs domaines dont dépend leur qualité de vie, comme l’environnement et la santé.

La mairesse de Longueuil. Catherine Fournier, en entrevue avec CScience.

Devant un taux d’adoption de l’IA – secteur hautement subventionné – de seulement 5 % des entreprises –, comment rentabiliser le capital et où investir les efforts pour encourager les milieux preneurs, comme les municipalités, dans leur intégration de l’intelligence artificielle ? En entrevue avec CScience, en mars dernier, l’Innovateur en chef du Québec, Luc Sirois, suggérait plusieurs pistes à explorer, dont la valorisation des données. Quitte à déplaire, il déclarait qu’il ne lésinerait pas sur la publication de brevets, ni sur la création supplémentaire de centres, consortiums et laboratoires dans le réseau de la recherche pour accélérer le processus.

« D’un côté, si l’on n’a pas des données québécoises pour alimenter les grands modèles de langage, et s’assurer d’avoir une grande représentation de la connaissance, de la culture, de l’expression de la diversité culturelle, de l’ensemble des sous-cultures, on n’aura jamais de modèle de langage qui va refléter correctement ce qu’on veut. Mais d’un autre côté, on a toujours eu des réserves et des craintes relatives à la confidentialité et au respect de la vie privée. »

Données municipales : je t’aime, moi non plus

La transparence

M. Sirois rappelait d’ailleurs que « Dans la dernière année, en Europe, on a vu la réflexion avancer. Ici, des travaux de recherche menés par Québec VITAE sur l’opinion des patients quant à l’usage et le partage des données de santé montrent que les gens ont une ouverture et une perspective progressiste de la question, mais qu’il souhaitent demeurer en contrôle de leurs données, et savoir qui en fait l’usage et à quelle fin. Si l’on se fie à l’échantillon, on parle d’une accessibilité sociale qui grimpe au plafond! Je pense donc qu’on est sur la bonne piste, mais qu’il reste à déterminer comment implanter tout ça. »

L’Innovateur en chef a évoqué la solution misant sur les données synthétiques, soit celles qui permettent de constituer une base de données reproduisant les caractéristiques d’une population mais sous forme fictive, à défaut d’en constituer le jumeau numérique. « Ces données permettent aussi de trouver des médicaments, d’identifier des signaux faibles qui autrement passeraient inaperçus, d’optimiser les flots de traitement, de comprendre l’applicabilité des traitements à différentes populations, etc. »

Primaël-Marie Sodonon, directeur des laboratoires urbains chez IVÉO, au plateau d’En Mode Solution.

Reçu au plateau de notre émission En Mode Solution, le 5 juin 2023,  Primaël-Marie Sodonon, directeur des laboratoires urbains chez IVÉO, avait quant à lui martelé que « la compréhension des données et la capacité à les interpréter » étaient les principaux freins contre lesquels lutter.

Constitués de plusieurs villes participantes, ces laboratoires vivants ont pour objectif de dégager les enjeux auxquels sont confrontés les villes, d’identifier leurs besoins et leur complexité et, grâce au réseau de partenaires d’IVÉO – des entreprises et leurs solutions -, d’apporter aux municipalités des innovations technologiques « que l’on peut tester chez elles ».

Autre invité au plateau d’En Mode Solution, Bertrand Milot, Président et co-fondateur de l’entreprise de cyberdéfense et d’innovation Bradley & Rollins, évoquait le « besoin de transparence (…) sur les données collectées », afin de permettre aux citoyens de suivre leur collecte, et de savoir si la Ville ne fait pas « une boulimie de données ».

Pour en savoir plus :

[En mode solution] Réinventer nos villes et mieux gérer les données municipales

Crédit Image à la Une : Buffik (Pixabay)