Penser la santé autrement : démystifier la santé durable

Penser la santé autrement : démystifier la santé durable

L’approche traditionnelle de la santé, axée sur le traitement des maladies, se voit aujourd’hui complétée par une vision plus holistique et tournée vers l’avenir : la santé durable. Cette approche élargie englobe non seulement la prévention et le traitement des maladies, mais aussi la promotion du bien-être physique, mental et social, tout en prenant en compte les impacts sur l’environnement et les générations futures.

Bien que la dimension propre aux habitudes et choix de vie – qui relève en grande partie de la responsabilisation sinon de la sensibilisation de l’individu – influe certainement sur l’état de santé, la santé durable implique une multitude d’autres facteurs à considérer selon l’approche « One Health » (une seule santé), précise la directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec – Santé, Carole Jabet, en entrevue avec CScience.

« La santé durable, c’est donner du sens à un ensemble d’informations. »

– Carole Jabet, directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec – Santé

Carole Jabet

« Quand on regarde l’état de santé d’un individu, on sait depuis très longtemps que beaucoup de facteurs interviennent, allant de celui le plus moléculaire de sa génétique, au facteur le plus externe et qui relève des politiques de santé issues de gouvernements ou d’entités publiques, en passant par la biologie cellulaire, la physiologie, les habitudes de vie, l’endroit où il vit, son environnement, etc. La santé durable, c’est donner du sens à un ensemble d’informations. Donc, parler de santé globale, ce n’est pas seulement prendre en compte un maillon défectueux à réparer et qui serait en cause dans la maladie, mais c’est aussi voir si l’on est en mesure d’assimiler l’ensemble des effets de tous les acteurs identifiés et qui fixent son état de santé. »

Jean-Pierre Després

Jean-Pierre Després, cotitulaire scientifique de la Chaire de recherche en santé durable créée par les Fonds de recherche du Québec (FRQ), et professeur au Département de kinésiologie de la Faculté de médecine de l’Université Laval, abonde dans le même sens : « La santé, ce n’est pas seulement gérer la maladie. C’est déterminé par nos environnements, nos milieux de vie, notre niveau socio-économique. Notre système de gestion de la maladie est responsable d’une portion minoritaire de ce qui détermine la trajectoire de vie que l’on mène en étant en santé ou malade. » Un principe qui n’est pas sans résonner auprès de la population, qui l’aurait déjà intégré, selon le chercheur, même si du chemin reste à faire pour y adapter les pratiques et modèles socio-économiques.

« Pour les citoyens consultés, la santé durable, c’est un esprit sain, dans un corps sain, dans un milieu de vie et un environnement sains, sur une planète en santé. »

– Jean-Pierre Després, cotitulaire scientifique de la Chaire de recherche en santé durable

Sur le terrain

Au fil des années, dans le cadre de ses recherches, le professeur Després a en effet été amené à échanger avec le public au cours de consultations citoyennes. « Ce qui en est ressorti, c’est une définition qu’ils ont embrassée. Pour les citoyens consultés, la santé durable, c’est un esprit sain, dans un corps sain, dans un milieu de vie et un environnement sains, sur une planète en santé », décrit celui qui est aussi directeur scientifique de VITAM – Centre de recherche en santé durable du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) de la Capitale-Nationale affilié à l’Université Laval. « à VITAM, nous organisons une panoplie d’activités et de conversations citoyennes. Les citoyens y tiennent mêmes des rôles à la direction, et s’impliquent à tous les paliers et comités. » Il soutient que c’est justement par l’implication des citoyens à tous les niveaux que passe la transition vers une santé plus durable.

Diffuser le message

Joanne Castonguay et les Drs Horacio Arruda et Julie St-Pierre au Sommet de la santé durable.

Interpellés par CScience au Sommet de la santé durable de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) quant aux difficultés potentielles de renforcer le message, qui promeut l’approche préventive et la promotion de la santé globale plutôt que l’amélioration des soins et la gestion de la maladie, les panélistes Horacio Arruda, Julie St-Pierre, David Raynaud, Joanne Castonguay et Thomas Bastien ont insisté sur l’importance de changer le discours médiatique et d’encourager la population à adopter de saines habitudes.

« Il faut mieux communiquer et utiliser les médias pour faire passer le message et promouvoir la santé jusqu’à susciter l’éveil des gens. »

– Dre Julie St-Pierre, pédiatre, lipidologue et directrice de la Maison de Santé Prévention de Montréal

« Il faut être sur la place publique. Il faut mieux communiquer et utiliser les médias pour faire passer le message et promouvoir la santé jusqu’à susciter l’éveil des gens », a suggéré la Dre Julie St-Pierre, pédiatre, lipidologue et directrice de la Maison de Santé Prévention de Montréal.

Pour le Dr Arruda, sous-ministre adjoint au ministère de la Santé et des Services sociaux, « Il faut que le débat se fasse sur la place publique ». Selon le sous-ministre, il s’agit surtout « d’informer et d’instrumenter les gens, pour qu’ils puissent faire les bons choix, comprendre la teneur des enjeux qui s’imposent et le fait que l’on ne pourra pas, comme système gouvernemental, ni comme finances, continuer de croître sans arrêt et fermer toutes les autres missions de l’État ».

« On n’a pas le choix (…) la promotion de la santé fait partie de la solution (…) C’est l’opportunité parfaite de changer la façon dont on fait les choses, en impliquant l’ensemble des acteurs, et il y a vraiment une volonté de passer à l’action », a renchéri la Commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay.

« On n’a pas le choix (…) la promotion de la santé fait partie de la solution (…) »

– Joanne Castonguay, Commissaire à la santé et au bien-être

Enfin, le directeur général de l’ASPQ, Thomas Bastien, n’a pas manqué d’ajouter que bien qu’ils aient davantage « un appétit pour la gestion de la maladie que pour sa prévention », « les médias ont un rôle à jouer dans ce changement de posture publique ».

Dans l’optique de démocratiser l’information relative à la promotion de la santé, au moyen d’outils de communication gratuits et accessibles, l’ASPQ a dévoilé au début de l’année son Livre de la réduction de la maladie au Québec, téléchargeable à partir de son site web. Elle y dresse un bilan des causes évitables de maladie, en plus d’y proposer des solutions concrètes pour agir en amont, telles que la mise à jour et le développement de politiques en matière de prévention, tant à l’échelle provinciale qu’à celle des municipalités.


Pour en savoir plus, consultez le dossier thématique de CScience consacré à la santé durable, propulsé par les Fonds de recherche du Québec (FRQ) :

[Dossier] Pour une santé globale, durable et préventive

Crédit Image à la Une : Montage CScience