Quand l’intelligence artificielle s’attaque aux problèmes d’itinérance

Quand l’intelligence artificielle s’attaque aux problèmes d’itinérance

Les administrations de villes canadiennes sollicitent la recherche en intelligence artificielle (IA) pour les assister dans leur gestion du problème d’itinérance.

Le Québec compte plus de 10 000 personnes itinérantes, dont la moitié à Montréal, selon les données du ministère de la Santé et des Services sociaux. Dans tout le Canada, on en recense au moins 235 000, dont plus de 30 % considérées comme étant « chroniquement sans-abri », parce qu’elles fréquentent des logements d’urgence ou des refuges sur une période de plus de 180 jours par an, indique Statistique Canada. S’attardant au problème, un chercheur de l’Université Carleton collabore actuellement avec la Ville d’Ottawa pour développer une solution d’IA prédictive, visant à optimiser la gestion de ce fléau.

Identifier en amont les sans-abris chroniques potentiels

« En 2020, Ottawa est devenue la première ville au Canada à déclarer une urgence en matière de logement et d’itinérance, alors qu’une moyenne de 1 900 personnes, y compris des enfants, passaient la nuit dans un refuge », nous apprend l’Université Carleton.

« L’outil aidera les travailleurs des services sociaux à fournir les ressources nécessaires en temps opportun pour stabiliser leur logement, améliorer l’inclusion sociale et, de façon ultime, réduire la probabilité de récurrence de l’itinérance. »

– Majid Komeili, chercheur et professeur en sciences informatiques à l’Université Carleton

Grâce aux travaux de recherche menés par Majid Komeili, professeur associé au département de sciences informatiques de l’université, la Ville d’Ottawa entend avoir recours à un système d’IA qui permettra de prédire le risque pour une personne d’être en situation d’itinérance chronique, en fonction de renseignements collectés sur elle, comme le nombre de fois que les services d’un refuge lui ont été refusés, son âge, son genre, le fait d’être autochtone ou non, citoyenne canadienne ou non, et d’avoir ou non une famille. L’analyse se fondera sur une base de données constituée d’informations relatives au portrait de l’itinérance, qui intègrera également des facteurs météorologiques et saisonniers, et des indicateurs économiques comme les taux de chômage, l’inflation et le PIB.

Majid Komeili, chercheur et professeur en sciences informatiques à l”Université Carleton. (Photo : Université Carleton)

« L’outil aidera les travailleurs des services sociaux à fournir les ressources nécessaires en temps opportun pour stabiliser leur logement, améliorer l’inclusion sociale et, de manière ultime, réduire la probabilité de récurrence de l’itinérance », explique le chercheur, ajoutant qu’« Il est important de comprendre ce qui cause l’itinérance afin de déterminer qui a un besoin urgent de ces ressources », puisque « Cela peut aussi aider à la prévenir à long terme ».

« Le système n’est pas le décideur final. C’est un outil de dépistage et une deuxième opinion qui peuvent aider à atténuer les biais. »

– Majid Komeili, chercheur et professeur en sciences informatiques à l’Université Carleton

« Aucun intervenant, organisme ou niveau de gouvernement ne peut à lui seul résoudre la crise locale du logement et de l’itinérance, déclare Vinh Nguyen, gestionnaire des politiques sociales, de la recherche et de l’analyse pour la Ville. En travaillant avec des universitaires et en évaluant les solutions par la recherche, nous pouvons travailler à rendre notre système de logement et d’itinérance plus réactif, flexible et adapté aux besoins émergents de la communauté. »

Ottawa emboîte ainsi le pas à d’autres villes, comme London (Ontario) et Los Angeles (Californie, États-Unis), où des projets homologues ont été lancés, non pas sans soulever des inquiétudes relatives au respect de la vie privée et de la confidentialité des données. Ce à quoi les responsables du projet répondent que l’outil aura pour seule application de déterminer qui pourrait avoir besoin d’aide, et que la mise en place d’un système alimenté par l’apprentissage automatique pourrait empêcher à la fois les biais humains et les erreurs d’interférer avec les soins potentiels. « Un système d’IA peut aider à uniformiser les processus et à standardiser la manière dont les gens reçoivent des services de soutien, indépendamment de l’opinion de quiconque examine ces dossiers. Le système n’est pas le décideur final. C’est un outil de dépistage et une deuxième opinion qui peuvent aider à atténuer les biais », de préciser le professeur Komeili.

Le début des discussions entre l’équipe de recherche et le secteur de soutien aux personnes itinérantes est prévu à l’automne 2024.

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Crédit Image à la Une : Microsoft Designer (IA)