La santé préventive, au cœur des priorités du ministère de la Santé québécois, est également un sujet central pour les chercheurs et médecins universitaires qui appellent à une collaboration interinstitutionnelle pour prévenir efficacement les maladies. Quelles initiatives pourraient concrètement être mises en place pour y parvenir?
Prévention des maladies : l’impact des comportements délétères sur la santé
Sollicité par CScience lors du colloque sur la santé préventive tenu par l’Association Pour la Santé Publique du Québec (ASPQ) le 1er novembre dernier, Fabrice Brunet a tiré quelques leçons de son expérience de médecin cardiologue, qu’il peut aujourd’hui mettre en œuvre en tant que vice-recteur associé au Développement des sciences de la santé à l’UQAM.
Pour l’ancien président-directeur général du CHUM, il est essentiel d’intervenir en amont afin d’améliorer les chances de guérison et prévenir les traitements tardifs dans la détection de maladies graves.
« Jusque là, mon métier c’était la maladie, aller vers la prévention c’était un changement d’orientation. »
– Fabrice Brunet, vice-recteur associé au Développement des sciences de la santé à l’UQAM
« Jusque là, mon métier c’était la maladie, aller vers la prévention c’était un changement d’orientation. » La prévention de l’obésité chez les enfants, des cancers ou encore des maladies cardio-métaboliques chez l’adulte dépend ainsi de facteurs externes, comme l’exposition à l’environnement ou les habitudes de vie, selon M. Brunet.
Pour prévenir ces risques, il souligne la nécessité de réduire l’impact délétère des facteurs environnementaux sur la santé, en adoptant dès l’enfance des habitudes de vie bénéfiques pour la santé.
Il cite notamment un projet sur lequel il travaille en collaboration avec des équipes italiennes, visant à développer une application destinée à encourager les enfants à choisir des aliments sains lors de leurs achats en épicerie. « Ce qu’on veut, c’est mettre le curseur vers la santé préventive plutôt que de partir de la maladie, et ça, c’est assez révolutionnaire parce que ça revient au concept d’âge de la santé, c’est ce qu’on appelle la physiologie avec tous les mécanismes compensateurs dans un environnement donné avec la possibilité de jouer sur cet environnement. »
« Ce qu’on veut, c’est mettre le curseur vers la santé préventive plutôt que de partir de la maladie, et ça, c’est assez révolutionnaire (…) »
– Fabrice Brunet, vice-recteur associé au Développement des sciences de la santé à l’UQAM
Selon les intervenants, cette prévention est considérée comme un besoin essentiel, surtout à la lumière des chiffres montrant l’impact des comportements humains néfastes, responsables de nombreuses maladies.
Kim Lavoie, Professeure au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal, indique notamment que plus de 70% des décès au monde sont dus aux maladies chroniques. Cette dernière évoque ainsi les causes principales sous-jacentes aux maladies chroniques, relatives non pas à des facteurs biologiques, mais bien à des comportements humains néfastes. Elle indique qu’« Au Canada, 18% des gens fument, 80% des adultes sont physiquement inactifs et 70% des Canadiens ont une mauvaise alimentation. »
« Au Canada, 18% des gens fument, 80% des adultes sont physiquement inactifs et 70% des Canadiens ont une mauvaise alimentation. »
– Kim Lavoie, Professeure, Département de psychologie, Université du Québec à Montréal
Parmi les facteurs contribuant aux maladies, l’intervenante mentionne notamment la non-adhésion aux traitements médicamenteux et l’hésitation à se faire vacciner, des comportements souvent observés dans des « conditions sociodémographiques mal adressées par le système de santé. »
Une collaboration académique essentielle
Selon Fabrice Brunet, cette collaboration interinstitutionnelle entre les établissements d’enseignement supérieur et les centres de santé est essentielle pour parvenir à apporter des connaissances élaborées de façon scientifique et responsable avec une certaine rigueur académique.
Cette expertise interdisciplinaire est ainsi ce qui a poussé à créer cette faculté des sciences de la santé à l’UQAM, où l’objectif est « de combler d’importantes lacunes de notre système de santé en créant un pôle d’expertise unique en matière de recherche et de formation dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé », comme l’explique Kim Lavoie.
Cette vision globale multidisciplinaire, Fabrice Brunet la soutient également en citant toutes les parties prenantes et outils mis en place pour permettre une approche humaine et réaliste face aux enjeux du système de santé actuel.
« Depuis plusieurs années, on a des chercheurs et des enseignants dans le milieu de la technologie, de l’intelligence artificielle, de la réalité alternative, étendue, virtuelle ainsi que les sciences de la vie, la biologie, la génétique… Et cela va faire partie des programmes de formations qu’on va mettre en place. On va aussi parler des sciences humaines parce que les personnes sont des personnes, ce n’est pas juste la maladie. Donc on va parler de cette approche humaine avec l’institut de santé et de société de l’UQAM, également. »
Quelles innovations médicales pour le milieu académique ?
Au vu de l’évolution rapide des technologies et de leur rôle croissant au quotidien, Fabrice Brunet les décrit comme « l’épine dorsale » de ce qui va être mis en place prochainement dans le milieu académique. « Nous parlons actuellement de mettre en place, pour interagir durant toute la durée de la vie de la personne, un réseau neuronal de santé apprenant. Et qui dit ‘réseau’ dit intégration de plusieurs équipes collaboratives ; ‘Neuronal’ implique qu’on utilise l’IA dans toutes ses formes ; ‘santé’ au sens large, incluant la maladie mais ne s’y limitant pas ; et « apprenant » parce qu’il va être dynamique et va évoluer tout au long des connaissances qui vont évoluer. C’est l’ambition de l’UQAM de lancer cela. »
« Nous parlons actuellement de mettre en place pour interagir durant toute la durée de la vie de la personne, un réseau neuronal de santé apprenant. »
– Fabrice Brunet, vice-recteur associé au Développement des sciences de la santé à l’UQAM
Pourtant, ces innovations médicales existent déjà dans d’autres écoles étrangères, notamment à l’école de santé numérique de Montpellier en France, qui marque également l’importance de la collaboration avec tout un ensemble d’acteurs, comme des médecins ou des ingénieurs pour trouver des solutions innovantes.
Maurice Hayot, directeur de l’École de santé numérique, et médecin au CHU de Montpellier, est venu évoquer les quelques projets pilotes pédagogiques mis en place. Il a notamment mis de l’avant la conception d’un dispositif médical numérique qui permet d’assurer la rééducation dans le cas d’une personne qui a fait un accident vasculaire cérébral.
Maurice Hayot imagine ainsi un campus numérique immersif en évoquant d’autres exemples, comme la capsule d’évaluation ou la bande-dessinée, qui permettent de partager des connaissances sur les sciences cognitives ou la télésanté grâce à des outils numériques, essentiels pour le futur de la santé préventive, selon l’intervenant.
Crédit Image à la Une : Colloque sur une nouvelle vision de la santé. (Photo : Sacha Israël)
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