La Chine fait grandir des “bébés éprouvettes” avec l’IA

La Chine fait grandir des “bébés éprouvettes” avec l’IA

Jusqu’où s’arrêtera la Chine ? L’empire du Milieu, qui ambitionne de devenir le leader mondial en IA, vient de mettre au point un utérus artificiel piloté par l’IA. Le secteur de l’e-santé est prioritaire pour le géant chinois qui veut en conquérir la première place.

Une grossesse dans une petite poche en plastique. C’est l’expérience menée par des chercheurs chinois de l’Institut de génie biomédical et de technologie de Suzhou sur des embryons de souris. Les fluides nécessaires au développement de l’embryon sont apportés par une série de tubes et gérés par l’IA, capables d’ajuster les flux de dioxyde de carbone et d’éléments nutritifs.

Le système va plus loin puisqu’il est capable, avec ses trois modules optiques et en un temps record, de détecter les anomalies et de classer les embryons en fonction de leur état de santé et de leur potentiel de développement. S’il présente une déficience majeure ou meurt, le système alerte le technicien qui le sort de l’utérus artificiel.

De plus, l’utérus artificiel peut accueillir des lignes de plusieurs embryons surveillés par l’IA. En effet, la machine peut déceler tout changement infime dans le développement et ajuster les flux de nutriments et de dioxyde de carbone, alors que la surveillance manuelle d’un seul embryon est très difficile.

Uterus articiel

Schéma de l’utérus artificiel mis au point par les chercheurs chinois – crédit: Institut de génie et de technologie biomédicaux de Suzhou

Le développement d’utérus artificiel n’est pas nouveau. En 2017, des chercheurs américains ont ainsi développé des fœtus d’agneau durant quatre semaines. En 2019, une équipe de recherche de l’Institut de zoologie de Pékin a amené un embryon de singe au stade de la formation d’organes dans un utérus synthétique. Mais cette fois-ci, l’IA est aux commandes.

LE DÉVELOPPEMENT D’EMBRYONS HUMAINS EN DEHORS DU CORPS ?

« Cette technologie pourrait éviter à une femme de porter son bébé (en cas de risques liés à la grossesse), permettant au fœtus de se développer de manière plus sûre et plus efficace en dehors de son corps », explique le professeur Sun Haixuan, dans le Journal of Biomedical Engineering, qui a publié l’étude en décembre 2021.

Toutefois, la durée de développement d’un embryon humain à l’extérieur d’un utérus naturel, ne doit pas excéder 14 jours. La loi internationale des 14 jours, adoptée par 12 pays, est apparue en 1978 après la naissance du premier « bébé éprouvette ». Le 15e jour, c’est le moment où l’embryon s’allonge et développe un canal qui deviendra la moelle épinière.

Pourtant, les Chinois rêvent de dépasser ce 14e jour.

« Il existe encore de nombreux mystères non résolus sur la physiologie du développement embryonnaire humain typique »  Professeur Sun Haixuan

La technologie « aiderait non seulement à mieux comprendre l’origine de la vie et du développement embryonnaire des humains, mais fournirait également une base théorique pour résoudre les malformations congénitales et d’autres problèmes majeurs de santé reproductive », justifie-t-il.

D’ailleurs, des scientifiques néerlandais travaillent à la mise au point d’un utérus artificiel pour sauver des grands prématurés.
Même si cette technique pourrait résoudre la baisse de la natalité en Chine, un chercheur chinois déclarait le mois dernier au média South China Morning Post, qu’elle soulève des enjeux juridiques et éthiques et rappelle que la maternité de substitution est interdite en Chine.

L’IA DANS LE DOMAINE MÉDICAL, UNE PRIORITÉ CHINOISE

Cette avancée traduit la volonté de la Chine de conquérir la première place dans l’e-santé. Alors qu’en Europe, l’IA en médecine vient appuyer un système traditionnel (lecture et interprétation d’images), en Chine, l’e-santé tend à prendre une place prépondérante.

Confrontée au vieillissement de la population (l’espérance de vie est passée de 44 ans en 1960 à 77 ans en 2019), au développement des maladies chroniques, la Chine, qui ne compte que 12 millions de médecins pour 1,4 milliards d’habitants, voit ses dépenses de santé exploser (5,35 % du PIB en 2018).

La Chine investit massivement dans l’IA dans le secteur médical. Le pays se classe en 1re position en matière d’investissement et dans les trois premiers en qualité de recherche. Le secteur de l’imagerie médicale connaît un taux de croissance de plus de 40 % et atteindra 2.5 milliards de dollars américains en 2024.

Tencent Medical Enlightenment (ME) Summit – crédit: Tencent

Assistants virtuels, robotique médicale ou détection de maladie chronique, la Chine développe massivement dans ces domaines. Wan Gang, ministre des Sciences et de la Technologie, a d’ailleurs appelé les trois grands chinois, que sont Baidu, Alibaba et Tencent à investir massivement dans les domaines de la santé publique ou du transport autonome.

Le marché mondial de l’IA dans le domaine de la santé représentait 4,3 milliards d’euros en 2020. Son taux de croissance devrait continuer de progresser annuellement de 50 % et le marché devrait ainsi peser près de 45 milliards d’euros en 2027 (Allisone.ai – novembre 2021).

(photo: Embryons de souris élevés par l’utérus artificiel chinois – crédit : Institut de génie et de technologie biomédicaux de Suzhou)