Les projets du Laboratoire de cyberjustice portent leurs fruits

Les projets du Laboratoire de cyberjustice portent leurs fruits

L’automatisation dans le domaine juridique, lorsqu’elle est utilisée à bon escient, permet un meilleur accès aux informations en droit et mène à un meilleur système judiciaire. C’est ce que semblent démontrer les projets mis de l’avant par le Laboratoire de cyberjustice depuis de nombreuses années.

Moins de temps passé en cours, moins de délais et, de façon générale, moins de stress pour toutes les parties impliquées ; voilà ce qu’a donné la Plateforme d’aide au règlement des litiges en ligne (PARLe), lancée en 2016.

Fruits des efforts du laboratoire pour créer un outil destiné à l’Office de la protection du consommateur, après avoir fait ses preuves, cette plateforme « vole maintenant de ses propres ailes », souligne le professeur titulaire de l’Université de Montréal et directeur du Laboratoire de cyberjustice, Karim Benyekhlef.

RÉDUIRE LES DÉLAIS

En effet, selon les plus récentes statistiques de l’Office depuis avril 2021, PARLe a assuré la fermeture de 236 dossiers sur 395 ouverts. Qui plus est, 91 % de ceux-ci se sont terminés en ententes à la suite de négociations.

Dans l’ensemble, le taux de règlement était aussi plutôt élevé, atteignant les 86 %, avec un délai de traitement des dossiers moyen de 12 jours.

« C’est une statistique que je trouve merveilleuse, lorsqu’on sait que les délais moyens à la Cour des petites créances sont de 12 à 18 mois. » – Karim Benyekhlef, professeur titulaire de l’Université de Montréal et directeur du Laboratoire de cyberjustice

Évidemment, pouvoir régler électroniquement un différend avec une compagnie pour un souci lié à un produit de consommation facilite la vie au citoyen lambda qui n’a plus à se déplacer en cour de justice et à manquer une journée de travail pour des processus juridiques qui peuvent s’étirer en longueur.

Mais cela est aussi salutaire pour les procureurs et juges des diverses cours administratives qui vivent d’énormes pressions à rendre des jugements rapides, note l’expert.

Ainsi, la plateforme est aussi à l’essai à la Commission canadienne des droits de la personne en matière d’équité salariale et on prépare des « expériences » à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, confie le directeur du Laboratoire.

COMMENT AUTOMATISER LA JUSTICE?

PARLe est conçue de manière à identifier les différentes parties d’un litige, à catégoriser un problème lié au produit de consommation et à proposer des solutions, soit des règlements de litiges qui sont souvent des compensations monétaires. Cette proposition est ensuite envoyée au manufacturier dont il est question, qui peut l’accepter ou faire une contre-proposition.

Lorsqu’un arbitrage est nécessaire, la plateforme offre automatiquement un médiateur aux parties.

« Jamais je n’imaginerais qu’on mette en place un outil qui viendrait rendre une décision à la place d’un humain. » – Karim Benyekhlef, professeur titulaire de l’Université de Montréal et directeur du Laboratoire de cyberjustice

À cet outil, un autre, lui aussi développé par le Laboratoire, pourrait bientôt s’ajouter au processus.

Justice bot est un agent conversationnel qui est actuellement à l’essai au Tribunal administratif du logement.

Les locataires et propriétaires peuvent ainsi trouver des réponses à certaines questions juridiques en matière de logement grâce à un petit questionnaire.

Lorsque la rubrique est identifiée et que la source du litige est cernée par le l’agent conversationnel, ce dernier offre quelques cas similaires tirés de la jurisprudence qui pourraient guider les requérants dans leurs démarches en prédisant quel genre de règlement ils peuvent anticiper en fin de cause.

Ce type d’application numérique pour automatiser la justice s’applique plutôt bien dans « le domaine des conflits de basse intensité », comme aux petites créances, insiste le professeur Benyekhlef.

LA MACHINE JURISTE

Pour ce qui est de l’automatisation des jugements rendus, on est encore loin de la coupe aux lèvres, croit-il.

« C’est un exercice qui est très difficile », résume le directeur du Laboratoire de cyberjustice.

Remplacer un juge ou un procureur par une machine pose évidemment une gamme de problèmes techniques qui se trouvent encore bien au-delà de nos capacités techniques actuelles.

Un texte publié au début du mois de février par Rémi Slama, auxiliaire de recherche au Laboratoire, soulève plusieurs enjeux techniques et éthiques dans un texte qui explore le cas de system 206, une intelligence artificielle (IA) développée par le parquet de Shanghai.

Soi-disant fiable à 97 % dans ses jugements après avoir été testée sur près de 17,000 dossiers entre 2015 et 2020, cette IA pourrait un jour remplacer les juges et offrir une justice plutôt expéditive.

Mais à savoir si une telle « innovation » pourrait voir le jour au Canada, M. Benyekhlef se veut plutôt rassurant.

« Jamais je n’imaginerais qu’on mette en place un outil qui viendrait rendre une décision à la place d’un humain. Un jugement ne se base pas seulement sur la jurisprudence, sur les cas précédents, mais aussi sur le contexte social et historique dans lequel évoluent les juristes. Une machine en est incapable. Ce qu’on veut développer, ce sont des outils d’intelligence augmentée, qui aident à la décision », conclut-il.

Crédit photo: Laboratoire de cyberjustice