Le budget fédéral 2024 met l’emphase sur la valorisation du rôle économique de la génération Z et des millénariaux, et ce, non seulement dans le secteur de l’immobilier, mais aussi dans l’innovation et la recherche, ce qui ne passe pas inaperçu auprès de la communauté scientifique.
Pour le gouvernement Trudeau, « la génération Z et les millénariaux sont le moteur de notre économie. Plus le temps avance, plus ce sont eux qui créent, fabriquent, servent et vendent tout ce dont le Canada a besoin. Ce sont les jeunes parents, les étudiants faisant de la recherche de pointe, les jeunes entrepreneurs ayant des idées d’entreprise. »
Le montant total investi dans l’innovation et la recherche : plus de 4,6 milliards de dollars. Si des sommes impressionnantes telles que les 2,4 G$ qui seront investis dans le développement sécuritaire de l’intelligence artificielle au Canada attirent l’attention, d’autres injections, comme le 2,6 G$ destiné à la subvention de bourses d’études et de recherche, mérite tout autant d’attention.
Des chiffres qui surprennent la communauté
Des 2,6 G$ destinés aux études et à la recherche, 1,8 G$ seront destinés à la subvention de la recherche fondamentale, dans le but d’« aider des milliers d’étudiants des cycles supérieurs et de boursiers postdoctoraux dans leurs recherches, y compris leurs travaux sur la lutte contre les changements climatiques, les urgences sanitaires, l’intelligence artificielle et la santé psychologique ». Toujours inclus dans le 2,6 G$, 825 M$ sont destinés aux conseils subventionnaires dans le but d’« augmenter les montants annuels des bourses accordées aux étudiants de maîtrise et de doctorat », de faciliter l’accès aux mesures de soutien scolaire, et d’augmenter le nombre d’étudiants aux études supérieures ». Par ailleurs, 30 M$ sont destinés aux chercheurs autochtones.
À ces montants s’ajoutent 1,3 G$ destinés à garder l’enseignement postsecondaire abordable et 734 M$ investis dans les instituts et centres de recherche canadiens.
« Il y a un soutien direct pour les jeunes innovateurs dans le budget. »
– John Hepburn, chef de la direction et directeur scientifique chez Mitacs
John Hepburn, chef de la direction et directeur scientifique chez Mitacs, OBNL spécialisé dans le développement des entreprises et organismes de recherche au Canada, affirme que les investissements dans la jeunesse sont une bonne nouvelle, et se dit étonné du montant octroyé au secteur cette année. « Je pense qu’il y a un montant surprenant d’investissement dans la recherche et l’innovation. Je ne pense pas que les gens s’attendaient à cela, car [le budget] semblait avant tout miser sur la prudence financière, être responsable et serrer les écrous. Le montant des investissements dans l’innovation est réellement impressionnant, malgré les réticences que les gens peuvent avoir à son égard. » De plus, il ajoute qu’« il y a un soutien direct pour les jeunes innovateurs dans le budget », soulignant qu’« en recherche, la réalité est qu’avant tout, ce sont les étudiants et les boursiers postdoctoraux qui sont les principaux acteurs ». M. Hepburn rappelle que « les bourses d’étudiants en maîtrise étaient fondamentalement inférieures au salaire minimum ».
Dossier : Les défis de recrutement dans le secteur des technologies
Le recteur de l’Université de Montréal, Daniel Jutras, se montre aussi enthousiaste quant aux changements annoncés relativement aux bourses dans le budget, indiquant que « les bourses n’avaient pas été indexées depuis 2003 et il était temps de redresser la barre, ce qui est fait dans ce budget. La relève talentueuse et dynamique qu’on trouve sur nos campus mérite pleinement qu’on l’appuie. »
Le rapport de Frédéric Bouchard a-t-il porté ses fruits ?
Fondé en octobre 2022 dans le but de « conseiller le gouvernement du Canada sur la façon de moderniser le système fédéral de soutien à la recherche universitaire », le Comité consultatif sur le système fédéral de soutien à la recherche (CCSFSR), dirigé par Frédéric Bouchard, doyen de la Faculté des arts et des sciences de l’UdeM, avait publié un rapport soulignant de nombreuses améliorations à faire dans le secteur de la recherche. On y mentionnait entre autres un système trop fragmenté, des niveaux de financement n’ayant pas suivi l’évolution des besoins ainsi qu’une nécessité de favoriser des environnements de recherche plus inclusifs.
Hepburn croit que malgré le fait que les montants annoncés dans le budget ne soient pas aussi élevés que ce que M. Bouchard recommandait dans son rapport, le gouvernement fédéral fait un pas dans la bonne direction. L’attention particulière portée sur les bourses et le bien-être économique des étudiants, ainsi que sur la transformation des différentes organisations de financement de la recherche en une seule organisation-cadre, semble démontrer que les libéraux ont écouté les conseils qui leur ont été donnés.
Se réjouir avec prudence
Si le budget 2024 se démarque de celui de 2023, année au cours de laquelle « les montants des bourses étaient restés les mêmes, malgré les nombreuses pressions étudiantes en faveur de leur augmentation », tel que le pointe John Hepburn, il faut tout de même ne pas s’emballer trop vite. Selon le directeur de Mitacs, il y a des aspects du budget à surveiller, comme le fait que beaucoup d’annonces n’ont pas encore été concrétisées. « Cela a été souligné dans des discussions publiques sur le budget, il n’y a toujours pas de plan […] Par exemple, le budget prévoit, et ce n’est pas la première fois qu’on entend cela, qu’il y aura un comité consultatif sur les sciences et l’innovation. Ça avait déjà été annoncé il y a quelques années et ça ne s’est pas produit. Alors, est-ce que ça va réellement se faire cette fois-ci ? »
John Hepburn ajoute que « plusieurs augmentations et prises de décisions émergeront après les prochaines élections fédérales, soit en 2026 », ce qui met en doute la garantie de certaines promesses, car le gouvernement Trudeau n’a aucune certitude qu’il sera encore au pouvoir à ce moment-là. Cela dit, il espère que le comité consultatif sur les sciences et l’innovation annoncé sera mis sur pied rapidement, car comme mentionné dans le rapport du CCSFSR, le Canada a besoin d’un plan d’innovation concret, et rien n’est jamais garanti, « les gouvernements peuvent modifier les allocations de financement quand ils le souhaitent, qu’il s’agisse d’un nouveau gouvernement ou d’un gouvernement existant ».
Crédit Image à la Une : ThisisEngineering (Unsplash) et Mikhail Nilov (Pexels)