De la réduction des déchets à la réutilisation des ressources, en passant par la valorisation des matières recyclables, les principes d’économie circulaire façonnent désormais notre quotidien. CScience s’entretient avec des experts et vous fait plonger au cœur d’exemples inspirants, qui illustrent comment la recherche relevant de l’économie circulaire se traduit en actions tangibles, transformant progressivement le Québec et son paysage économique et environnemental en une société plus durable et résiliente.
L’économie circulaire ne se limite pas à une simple théorie, mais se matérialise à travers une multitude d’initiatives et d’exemples concrets au cœur de la société québécoise, accessibles à tout un chacun. Certains se tournent vers des services de location de voitures comme Communauto, d’autres se procurent des vêtements et des jouets usagés, d’autres cultivent leurs fruits et légumes dans leur jardin. En tant que directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) — acteur phare de la convergence et de la synergie entre les parties prenantes de la mise en place de cette économie durable —, Louise Poissant en est bien au fait.
Changer ses pratiques : l’affaire de tous
L’agriculture urbaine à l’échelle des villes et établissements
« Cela se traduit aussi par un changement des pratiques de l’architecture, de l’urbanisme et des réglementations, pour réaménager le territoire et les bâtiments », d’indiquer la directrice scientifique, qui se réjouit d’observer un changement de mentalité en faveur d’une telle transition, puisque l’on parle désormais d’agriculture urbaine, « alors qu’avant, l’agriculture n’était pratiquée et pensée qu’à l’extérieur de la ville. À Montréal, il y en a de beaux exemples. Pensons au toit vert du Palais des congrès, où des installations sont dédiées à l’agriculture urbaine à des fins d’auto-approvisionnement. Plus loin, la ville de Détroit, où de gros problèmes liés à la fermeture des grandes usines automobiles ont émergé, s’est reconvertie en ville où l’agriculture urbaine est un modèle mondial de production, exportable à plus petite échelle, soit à celle de la famille lorsqu’on dispose d’un bout de terrain qui s’y prête. Les nouveaux hôpitaux qui sont construits, quant à eux, disposent d’aires pour y produire des herbes médicinales, aussi folklorique que cela puisse paraître ! », d’illustrer Mme Poissant.
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À l’échelle des entreprises manufacturières
En production, l’économie circulaire se décline en trois axes stratégiques : 1) la conception et la production de produits plus économes en ressources, ces dernières idéalement renouvelables, 2) l’usage de composantes récupérables et moins toxiques dans la production de produits qui soient démontables, réparables et plus résistants et partageables, et 3) la production additive, à partir de poudres de polymères.
« Ensuite, une fois que le produit arrive sur le marché, il faut en intensifier l’usage en favorisant son partage entre différents usagers, afin d’éviter la production d’unités supplémentaires qui seront elles-mêmes sous-utilisées », suggère Daniel Normandin, directeur exécutif du Réseau de recherche en économie circulaire du Québec (RRECQ) et directeur du Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC).
L’économie circulaire est aussi impliquée dans l’instauration d’autres formes connexes d’économies, comme celle de performance, de fonctionnalité et de mutualisation. « Dans ce contexte, des entreprises comme Xerox Canada décident de ne plus vendre leurs machines et de les louer », ce qui agit comme incitatif commercial pour miser sur la durabilité et la performance d’une technologie plutôt que son obsolescence programmée. Ce modèle est exportable dans plusieurs domaines, comme l’industrie des pneus, l’agriculture, ou encore la location d’outils et de véhicules de transport. « Communauto en est un bon exemple. »
Elle salue des initiatives relevant de l’innovation sociale, comme la chaîne Renaissance, une sorte de Village des valeurs, mais québécois, qui contribue à la recircularisation de produits permettant notamment de se vêtir en fonction des principes circulaires. « C’est une chaîne d’économie sociale, mais qui est aussi une chaîne de récupération, où les travailleurs ont un vrai métier et ne font pas du bénévolat, bien qu’il y ait des dons dans l’équation. »
À l’échelle du citoyen
Or, le plus gros problème réside dans le manque d’acceptabilité et d’adhésion sociales, pensent les deux experts. « Là où le bas blesse, c’est dans la façon d’établir le coût des ressources, puisque les réflexes sont malheureusement de considérer essentiellement les coûts économiques et non environnementaux ou sociaux, ce qui crée un décalage entre le puits réel et celui de nos ressources, et revient à vivre à crédit, pense M. Normandin. Les générations qui nous succéderont en paieront le gros prix. Cela s’illustre par des situations absurdes, où le fait de faire réparer un produit brisé en coûtera plus cher que de le remplacer par un neuf, parce qu’on ne paie pas le coût réel des ressources pour le produire, et qu’il aura probablement été fait en Chine, où le coût de la main-d’œuvre est très bas, ce qui n’a pas pour effet d’encourager la circularité. Or, si l’on internalise les coûts environnemental et social dans le prix des ressources, ce dernier décuple, entraînant une consommation beaucoup plus modérée. »
Mais dans le modèle linéaire dominant qui mène notre économie, générateur de surconsommation, les coûts des ressources n’intègrent pas ceux qui relèvent de l’environnement et de l’aspect social. « Cela s’illustre par des situations absurdes, où le fait de faire réparer un produit brisé en coûtera plus cher que de le remplacer par un neuf, parce qu’on ne paie pas le coût réel des ressources pour le produire, et qu’il aura probablement été fait en Chine, où le coût de la main-d’œuvre est très bas, ce qui n’a pas pour effet d’encourager la circularité », de remarquer le directeur du CERIEC.
C’est pourquoi « Il est important d’engager les citoyens en amont, parce que si l’on est partie prenante de la solution, on y adhère plus facilement. Il faut impliquer le citoyen dès le début du processus de changement pour de nouvelles façons de faire, et cela passe par la pédagogie et la sensibilisation en éducation, mais aussi par la valorisation de nos succès. Heureusement, on peut beaucoup miser sur les jeunes générations, qui ont développé une sensibilité et une prise de conscience à l’égard des enjeux environnementaux », de conclure la directrice scientifique.
En bref, les actions que peuvent mener les citoyens à leur échelle, dans cette instauration d’un modèle économique circulaire, sont nombreuses, et vont bien au-delà du simple fait de recycler…
- Privilégier l’achat local et l’économie de proximité : En favorisant les produits fabriqués localement, les Québécois réduisent l’empreinte écologique liée au transport des marchandises. Cela peut se traduire par le choix de fruits et légumes de saison provenant de fermes locales, l’achat de vêtements confectionnés au Québec ou encore la préférence pour les commerces de quartier plutôt que les grandes chaînes. En soutenant les entreprises locales, les citoyens participent activement à la dynamisation de l’économie régionale tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
- Réduire, réutiliser et recycler les déchets : Adopter une approche plus responsable en matière de gestion des déchets est essentiel pour promouvoir l’économie circulaire. Les Québécois peuvent réduire leur consommation en optant pour des produits durables et en évitant les emballages superflus. De plus, la réutilisation des objets et le recyclage des matériaux sont des pratiques cruciales. Cela peut passer par la réparation d’appareils électroniques au lieu de les jeter, le don d’objets encore utilisables ou encore le tri sélectif des déchets pour favoriser leur recyclage.
- S’engager dans des initiatives communautaires et des projets collaboratifs : Les citoyens québécois peuvent également s’impliquer dans des initiatives locales visant à promouvoir l’économie circulaire. Cela peut prendre la forme de jardins communautaires favorisant la production alimentaire locale, de groupes d’achat collectif privilégiant les produits en vrac et éco-responsables, ou encore de plateformes d’échange et de partage de biens entre voisins. En participant à ces projets collaboratifs, les individus contribuent à créer des systèmes plus durables et solidaires au sein de leur communauté.
Pour consulter notre dossier spécial sur l’économie circulaire :
Crédit Image à la Une : Communauto