Fini le dentiste de notre enfance, armé de sa roulette, prêt à en découdre avec nos caries ! À la gestion de la douleur, les cabinets dentaires ont aujourd’hui ajouté les dernières technologies pour soigner nos dents : modélisation en 3D, simulateurs de chirurgie, intelligence artificielle, nos bouches sont devenues le champ d’application des dernières innovations en dentisterie.
Selon une enquête menée en 2019 dans sept pays auprès de 7 000 personnes, deux patients sur trois se disent prêts à changer pour un dentiste équipé de matériel technologiquement avancé. 72% des patients déclarent avoir eu une expérience positive avec un dentiste utilisant de nouvelles technologies, contre 38% avec un dentiste utilisant des technologies dépassées.
Les innovations technologiques et l’incursion de l’intelligence artificielle (IA) dans les cabinets dentaires est en train de changer notre expérience avec notre dentiste.
« La dentisterie, c’est comme l’informatique, ça évolue beaucoup », explique un chirurgien-dentiste de Montréal, qui préfère conserver l’anonymat. Passionné de technologie, il s’intéresse très tôt à la chirurgie guidée pour poser des implants. « Avant, on mesurait à la règle, au millimètre et on posait l’implant à mains levées », s’amuse celui qui a déjà 20 ans de pratique.
Dès 2005, il investit dans un logiciel couteux, qui récupère les données du scanner 3D du patient, ainsi qu’une empreinte physique, et reconstitue une mâchoire en 3D. Il opère ainsi virtuellement et génère un guide qui lui permet ensuite une opération réelle avec une précision inégalée. Aujourd’hui ces logiciels sont en accès libre sur internet.
« On ne peut pas se permettre d’avoir une erreur d’un millimètre, surtout si l’os est fin », justifie le professionnel.
La réalité augmentée est également utilisée par les étudiants du Collège de médecine dentaire de l’Université de la Saskatchewan, qui a réalisé un investissement d’un million de dollars. Dix simulateurs très réalistes de la compagnie néerlandaise SIMtoCARE leur permettent de soigner des caries, pratiquer l’implantologie ou encore la dentisterie opératoire.
L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE DANS LA BOUCHE ?
Depuis près de 30 ans, l’IA fait de plus en plus d’incursion dans la dentisterie. L’enjeu reste la disponibilités des données pour alimenter les algorithmes. Les données médicales et dentaires ne sont pas aussi disponibles que d’autres données.
En 1995, un dentiste britannique publie une étude sur son utilisation pour dépister des cancers de la bouche.
En 2009, des scientifiques coréens mettent au point un système prédictif de douleurs dentaires à partir des données telles que la fréquence et les horaires de brossage de dents, l’utilisation de fil dentaire, l’état de la brosse à dents, l’alimentation… La même année, des scientifiques finlandais déterminent la longévité de différents matériaux de restauration dentaire en analysant les données de plus de 1600 patients et près de 20 000 actes.
Aujourd’hui, l’IA percole dans tous les domaines de la dentisterie : diagnostic, gestion des patients, radiologie, prothèses, orthodontie, …
On peut par exemple identifier des déviations structurelles invisibles à l’œil humain, analyser des lésions buccales précoces, prédire le mouvement des dents et mesurer les pressions et directions, fabriquer des implants sur mesure, réaliser des empreintes dentaires avec des caméras numériques, ou encore analyser et interpréter plus finement des radiologies.
Une expérience a montré que 50% seulement des caries dentaires détectées par une intelligence artificielle sur une radiographie, avaient été détectées par un groupe de dentistes.
L’IA POURRA-T-ELLE REMPLACER LE DENTISTE ?
Adopter l’intelligence artificielle dans sa pratique ?
Le dentiste montréalais est plus circonspect. « La bouche est une partie intime, j’ai besoin de gagner la confiance du patient, ce qu’un robot ne saura pas faire », plaide le praticien. Il concède que l’algorithme pourra être une aide dans certains domaines.
C’est par exemple ce que propose l’algorithme Allisone, mis au point par une compagnie française en 2021, qui, grâce au deep learning, permet de mettre en évidence les éléments présents sur une radio, grâce à des codes couleurs, afin d’améliorer la compréhension du patient. Selon l’entreprise, 9 patients sur 10 se disent satisfaits de cette technologie, qui vise à “aider le praticien et non le remplacer”, précise l’entreprise.
Pourtant, les Chinois ont déjà franchi le Rubicon avec le robot dentiste Yomi, capable de poser des implants sans intervention humaine. Utilisé aux États-Unis, Yomi assiste le praticien et permet de gagner en précision. Avec un taux d’erreur de 0,2 mm pour la pose d’un implant, Yomi sait également, en utilisant de petits instruments réaliser des chirurgies mini-invasives, plus faciles à cicatriser.
La téléconsultation en cas d’urgence pourrait également bénéficier des progrès de l’IA dans ce domaine, selon certains spécialistes.
Cette éventualité est balayée d’un revers de main par le dentiste montréalais. « J’ai mal aux dents, ça veut tout dire et rien dire! On a besoin de voir et de tester », explique-t-il.
Crédit Image à la Une : Pexels – Andrea Piacquadio