Comment peut-on attirer et garder l’attention d’élèves du secondaire quand le matériel pédagogique est cruellement manquant ? En intégrant l’apprentissage théorique à des connaissances pratiques transmises par leurs aînés ! Et quand c’est livré dans une capsule vidéo, c’est encore mieux ! Dans cette lignée, l’Université des Premières Nations du Canada a élaboré de nouvelles ressources éducatives, disponibles sur un site connexe pour des cours de science au secondaire, dans lesquels la science moderne est associée à des connaissances autochtones.
Lutter contre la fracture numérique
Une étude de 2019 de l’Institut Brookfield démontre que la participation des Autochtones aux métiers des sciences et technologies est inférieure à celle de la population non autochtone du Canada, résultant en un manque de travailleurs autochtones dans des domaines comme la recherche et la télémédecine. Une fracture numérique qui s’explique notamment par le manque d’accès à certaines infrastructures, et à une connexion Internet à large bande rapide et fiable dans de nombreuses communautés autochtones. Cette inégalité est reflétée dans le contexte académique.
« Je suis conscient des défis auxquels sont confrontées les écoles rurales dans la prestation de cours de sciences. Beaucoup d’entre elles n’ont pas de laboratoires scientifiques bien équipés. »
– Dr Arzu Sardali, professeur de mathématiques à l’Université des Premières Nations du Canada
Dans l’idée d’aider à pallier ce problème, l’Université des Premières Nations du Canada a lancé l’initiative intitulée « National Science Laboratory Video Lessons for Indigenous Youth » (Leçons vidéo du Laboratoire national des sciences pour les jeunes Autochtones), qui se présente sous forme de capsules vidéo. Voyant le manque de ressources pédagogiques pour les cours de science dans les écoles rurales, les chercheurs de l’Université des Premières Nations ont eu l’idée de développer du matériel vidéo engageant. Et pour les intéresser davantage, les savoirs autochtones y sont également mis de l’avant.
« Je suis conscient des défis auxquels sont confrontées les écoles rurales dans la prestation de cours de sciences. Beaucoup d’entre elles n’ont pas de laboratoires scientifiques bien équipés. C’est pourquoi j’ai décidé de développer du matériel pédagogique pour les lycées. J’ai pensé que les leçons de laboratoire en format vidéo seraient utiles pour les enseignants du secondaire », a commenté le responsable du projet, le Dr Arzu Sardali, professeur de mathématiques à l’Université des Premières Nations du Canada.
Une initiative impliquant des membres de la communauté
« Pour rendre le matériel plus attrayant et motivant pour les jeunes Autochtones, j’ai invité des élèves autochtones du secondaire de la Carlton Comprehensive High School (Prince Albert, Saskatchewan, Canada) à effectuer les expériences en laboratoire », raconte le responsable du projet.
Plusieurs savoirs autochtones peuvent d’ailleurs être facilement associés à la science. « Par exemple, grâce aux entretiens avec les aînés, nous savons comment les peuples autochtones pouvaient conserver la chaleur dans le tipi. Et maintenant, en utilisant les lois de la physique, nous pouvons expliquer comment cela s’est produit. Ainsi, nous pouvons améliorer cela dans nos maisons modernes », explique le Dr Sardarli.
Les capsules vidéo comprennent donc des expériences exécutées par des étudiants. De cette façon, même les étudiants des écoles sans laboratoire disponible peuvent voir les expériences exécutées dans les capsules en même temps de comprendre les notions.
En plus des expériences, le projet comprend aussi des interviews avec des aînés autochtones qui partagent leurs connaissances qui ont été transmises de génération en génération. Cet apprentissage combine donc plusieurs techniques d’apprentissage : des expériences aux témoignages.
Un savoir déjà impliqué dans les apprentissages à l’université
Si l’initiative attire l’attention, il faut comprendre que les savoirs autochtones sont intégrés depuis longtemps à l’Université. « L’Université des Premières Nations du Canada offre de nombreux cours sur le savoir autochtone depuis de nombreuses années. Nous enseignons également des cours de sciences et de mathématiques comme d’autres universités canadiennes », relativise le Dr Sardali. « J’utilise les résultats de mes projets communautaires autochtones dans mes cours de physique, de mathématique et de statistique enseignés à l’Université des Premières Nations du Canada. À l’heure actuelle, mes collègues de l’Université de Regina et moi-même travaillons à la rédaction de manuels universitaires de statistique et de physique. Les deux livres contiendront des
éléments autochtones. »
« Mes cours de chimie ont tous des connaissances autochtones dans le matériel de base (…) »
– Vincent Ziffle, professeur-assistant en chimie
En plus des cours de sciences, d’autres savoirs autochtones sont perpétués au campus de Régina. « Mes cours de chimie ont tous des connaissances autochtones dans le matériel de base, en particulier CHEM 101 : Chimie des aliments et de la cuisine, qui repose sur les traditions et la science alimentaires autochtones. Le cours comprend un laboratoire alimentaire novateur où l’on peut manger ses expériences et aussi travailler aux côtés de cuisiniers et de chefs autochtones et apprendre d’eux », ajoute Vincent Ziffle, professeur-assistant en chimie.
Bien que l’Université offre ce type d’association des savoirs depuis plusieurs années, le caractère original de cette initiative réside donc dans deux facteurs. Premièrement, le fait de rejoindre des communautés éloignées qui ont peu de matériel pédagogique grâce au format vidéo des capsules. Et ensuite, d’associer directement les deux savoirs avec des exemples concrets de la
vie autochtone dans l’apprentissage aux élèves du secondaire.
La technologie comme aide à l’enseignement
Les capsules vidéo permettent certes de rejoindre les élèves des communautés autochtones éloignées, mais d’autres initiatives en ce sens apparaissent peu à peu sans nécessairement que l’éloignement ou le manque de ressources en soit la cause. Alliant la technologie à l’enseignement, le projet de recherche intitulé Consortium international autochtone des formateurs d’enseignants, Résurgence autochtone et technologies numériques dans la formation des enseignants, est lui aussi porteur d’avenir. Comme on le constate depuis plusieurs années, la technologie peut apporter beaucoup d’avantages pour l’enseignement.
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Crédit Image à la Une : Edward Jenner