[ÉDITORIAL] Quand la surinformation conduit à l’indécision

[ÉDITORIAL] Quand la surinformation conduit à l’indécision

Alors qu’une nouvelle vague d’épidémie de COVID-19 frappe de manière massive nos populations et met à rude épreuve l’ensemble des pays industrialisés, le pouvoir de décision des gouvernants n’a jamais semblé aussi incertain. Ce, alors même que nous n’avons jamais été aussi informés. Là, se concentrerait-il le mal profond de nos sociétés modernes et l’un des enjeux importants de cette nouvelle année 2022 ?

Il y a encore quelques semaines, nous pensions que la pandémie était derrière nous, que nous pouvions préparer sereinement les fêtes et programmer la relance dès janvier en nous disant que finalement nous n’avions pas si mal géré que cela la crise sanitaire et sociale qui s’en est suivie. Et patatras !

Le tsunami COVID a de nouveau frappé avec une vitesse et une fulgurance que nous ne lui avions jamais connues.

Toutes les prévisions, même les plus pessimistes, n’avaient pas prévu un tel retour de bâton. Les gouvernements, pris de rapidité et par surprise, ont réagi sous la pression soudaine, donnant plus l’impression de paniquer que de maîtriser la situation. 

Or, nous n’avons sans doute jamais été aussi informés sur la personnalité d’un virus qu’avec la COVID-19.

Nous sommes abreuvés chaque jour de diverses analyses de toutes natures, de données scientifiques toutes plus commentées les unes que les autres sur les méfaits de cette maladie et ses conséquences sur les individus autant que sur la désorganisation sociale qu’elle entraîne. Et pourtant…

Après plus de vingt mois d’épidémie, en plus du virus, c’est l’incertitude qui règne en maître dans nos sociétés surinformées.   

NOS SOCIÉTÉS VICTIMES D’INFOBÉSITÉ

Le problème réside dans un mal qui nous ronge depuis plus de 50 ans : celui de la surconsommation. Incontestablement, la menace la plus sérieuse qui pèse sur l’équilibre fragile de notre monde en ce 21e siècle, la surconsommation, à l’image de nos régimes alimentaires trop riches en sucre et en gras, touche aussi nos modes de communication.

Nous sommes victimes d’infobésité.

Même si le terme d’infobésité a été inventé dans les années 70, la réalité de son emprise n’a jamais été aussi forte depuis que la dématérialisation de l’information est devenue la norme, ne cessant depuis les années 90 de prendre une vitesse et une ampleur inégalées.

Le sociologue français Edgar Morin entrevoyait déjà dans les années 80 les méfaits de la surcharge d’un « nuage informationnel » sur les esprits et sur la prise de décision collective.

Le spécialiste des médias Dominique Wolton allait même jusqu’à dire dans un article au magazine Le Point daté de 2012 que « l’information accessible » était « devenue une tyrannie ».  

« La globalisation et la rapidité d’expansion des phénomènes qu’a mis en exergue la pandémie rendent plus complexe la prise de décision, mais aussi tendent à déresponsabiliser certains décideurs. » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

Car, avec cette masse d’informations déversée chaque jour tous azimuts sur les multiples canaux et plateformes que nous utilisons, c’est notre capacité d’assimilation de l’information qui est mise à l’épreuve. Or cette capacité-là n’est pas illimitée.

L’abondance crée à la fois la dépendance aux flux d’information ainsi qu’un sentiment d’impuissance face à l’absence de prise de recul nécessaire à l’assimilation de toutes ces données. L’information en continu provoque un sentiment d’urgence permanent accru par la rapidité d’exécution grandissante de nos différents outils de communication. 

Au lieu de tout connaître et de tout comprendre, c’est au contraire le sentiment d’incertitude qui prédomine. 

LA PARADOXALE INCERTITUDE DES SOCIÉTÉS SÛRES D’ELLES-MÊMES

Dans un rapport daté d’avril 2020, donc publié au début de la pandémie de COVID-19, la firme Deloitte au Canada prévoyait déjà que cette crise planétaire d’une ampleur inédite nous forçait à appréhender une “nouvelle conception de l’incertitude”.

La globalisation et la rapidité d’expansion des phénomènes qu’a mis en exergue la pandémie rendent plus complexe la prise de décision, mais aussi tendent à déresponsabiliser certains décideurs qui invoquent des paramètres “hors de leur contrôle” pour justifier soit une absence de prise de décision soit une décision non assumée.

« L’abondance d’information crée à la fois la dépendance aux flux d’information ainsi qu’un sentiment d’impuissance. » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

La surabondance d’informations explique un tel comportement et accroît le sentiment d’incertitude ; incertitude qui conduit soit à la paralysie dans la prise de décision, à une prise de décision erratique ou au contraire à un excès de confiance basé sur une analyse superficielle des informations reçues.

Dans tous les cas, c’est l’absence d’analyse, de prise de recul, et de schématisation des risques et opportunités qui font de la surinformation un frein à la saine décision plutôt qu’un accélérateur.  

FACE À L’INCERTITUDE, MODÉLISER DES SCÉNARIOS

Une des solutions les plus efficaces devant un tel niveau d’incertitude résiderait, selon les experts du rapport Deloitte cité plus avant, dans notre capacité à concevoir différents types de scénarios en classant par degré de priorité et d’importance les informations reçues. 

Un schéma plutôt simple à imaginer et à mettre en œuvre quand le nombre d’informations à traiter s’avère relativement modeste. La chose devient, au contraire, plus périlleuse et complexe lorsque le volume d’informations est massif et son flux quasi discontinu.

Les esprits humains, même les plus brillants, n’ont ni la capacité de résister à la complexité de traitement que ce volume entraîne ni au stress que la pression de ce traitement engendre. 

« Les crises que nous vivons ne sont pas pires que par le passé, mais leurs effets semblent artificiellement amplifiés par la surabondance d’informations qui les concernent. » – Philippe Régnoux, Directeur de publication CScience IA

La situation actuelle nécessite des outils de modélisations puissants pour nous accompagner dans la consommation et la gestion de données d’information massives.

Des outils qui permettent de classer, trier, certes, mais aussi de faire valoir des points de vue différents et de faire émerger des indicateurs pertinents. 

POUR UNE PRISE DE DÉCISIONS ÉCLAIRÉE

Si nous souhaitons transformer l’année 2022 et les années qui s’ensuivent en périodes de maîtrise collective des défis plutôt qu’en une suite répétée de réactions en mode panique face aux crises, nous devrons accepter l’appui de solutions technologiques douées d’une capacité de calculs puissants.

Car les crises que nous vivons ne sont pas pires que par le passé, mais leurs effets semblent artificiellement amplifiés par la surabondance d’informations. Cela crée le climat anxiogène que nous vivons individuellement et collectivement.

Des solutions existent déjà. L’exemple d’applications telles que celle proposée par la firme québécoise Waverly, que nous avions présentée lors de notre dernière émission C+Clair du 29 novembre dernier (à 26 minutes dans la vidéo ci-dessus) et qui permettent de mieux gérer l’utilisation des flux de recommandation d’informations, ouvre la voie à ces outils nécessaires à la prise de décision éclairée.       

En attendant, et au nom de toute l’équipe de CScience IA, je nous souhaite une année 2022 moins incertaine et plus responsable !  

 

Philippe Régnoux
Directeur de publication, CScience IA
p.regnoux@galamedia.ca

Crédits photo : Pexels / Khoa-Võ