Ce 19 octobre, à l’occasion du Congrès annuel de l’Association pour l’enseignement de la science et de la technologie au Québec (AESTQ), se tenait le tournage d’une émission C+Clair sur le rôle de l’éducation dans la lutte contre le réchauffement climatique.
L’émission s’est déroulée en compagnie de l’animateur Stéphane Ricoul, ainsi que de la rédactrice en chef de l’émission et du magazine CScience, Chloé-Anne Touma, et de la professeure titulaire de didactique des sciences et de la technologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières, Audrey Groleau.
3 enjeux et axes de discussion
Pendant une heure répartie en trois blocs de 20 minutes, les invités se sont relayés aux micros pour aborder les défis et solutions liés à l’innovation des approches d’enseignement des enjeux climatiques.
1. Sensibiliser et éduquer les élèves
Dans le premier segment de l’émission, axé sur la sensibilisation au enjeux climatique, notre rédactrice en chef a notamment dressé un portrait de l’écoanxiété des jeunes, citant les conclusions d’une étude de 2023 publiée dans le Journal of Climate Change and Health, qui révèle que le réchauffement climatique affecte la santé mentale de 78 % des Canadiens de 16 à 25 ans, souvent du fait de se sentir impuissants face au problème. Elle a également rapporté que bien que les jeunes soient plus sensibilisés que les générations précédentes aux enjeux qui s’y rapportent, ils sont aussi plus exposés que jamais au discours climatosceptique, qui gagne notamment du terrain sur les plateformes sociales au Canada, où la proportion de nouvelles vérifiées des médias d’information s’est vue réduire en raison des conséquences de l’adoption du projet de loi c-18.
78 % des Canadiens de 16 à 25 ans dont la santé mentale est affectée par le changement climatique
– Étude de Lindsay P. Galway et Ellen Field, publiée dans The Journal of Climate Change and Health, 2023
Une expérience menée par les journalistes Marco Silva et Maryam Ahmed de la BBC en 2023 a d’ailleurs révélé que 95 % des vidéos qui nient le réchauffement climatique ou véhiculent du contenu désinformatif sur le sujet n’étaient pas retirées de la plateforme TikTok lorsque signalées.
« Il n’est pas possible de retirer du web toutes les vidéos qui sont problématiques, mais on peut amener les jeunes à être en mesure de les identifier, et de réfléchir aux raisons pour lesquelles elles ont été publiées. En tant qu’internaute ayant le pouvoir de partager du contenu, on peut aussi être sensibilisé à ce qu’on peut faire pour faire circuler la bonne information », a réagi Audrey Groleau.
Pour illustrer l’innovation qui a permis de développer des modèles innovants pour éduquer aux enjeux environnementaux, sans générer une écoanxiété toxique pour les élèves, deux invités ont pris la parole pour aborder les solutions proposées par le Laboratoire d’innovations sociales et environnementales (Lab22) et la Coop FA.
Les conseillers du Lab22 accompagnent et soutiennent ainsi pas moins d’une quarantaine d’écoles secondaires dans leur démarche de transition écologique, dans sept régions du Québec.
« Le Lab22 est un laboratoire d’innovation sociale et environnementale basé à Montréal, a entamé Claudine Auger-St-Onge, conseillère à la transition écologique au Lab22. Notre mission est d’interpeller la population, et plus particulièrement les jeunes, quant aux enjeux sociaux et environnementaux pour générer collectivement des solutions novatrices qui auront des retombées durables sur nos sociétés. » Les conseillers du Lab22 accompagnent et soutiennent ainsi pas moins d’une quarantaine d’écoles secondaires dans leur démarche de transition écologique, dans sept régions du Québec.
Elle invite les intéressés à découvrir et soutenir le Pacte de l’école québécoise, qui se veut « un appel à l’engagement pour le réseau éducatif et pour toutes les citoyennes et citoyens », ainsi qu’ « une feuille de route pour accompagner la transition écologique à l’école ». « Il s’agit d’un document clé pour comprendre notre projet, sa genèse et appuyer notre démarche ! »
Vincent Jean-Lévesque, coordonnateur de projets TI à la Coop FA, a décrit son organisation comme étant « une coopérative en éducation relative à l’environnement. Sa mission est de déployer des solutions positives et créatives dans le contexte scolaire, au travers de programmes clés en main, en vue d’inspirer l’action écoresponsable, pour contribuer au développement durable de la société. Les programmes phares de la Coop FA sont Carbone Scol’ERE, les Écolabs et les Défi Gestes. »
2. Inspirer le changement à l’école
70 % des élèves du primaire souhaitent que l’on parle des enjeux environnementaux davantage à l’école. C’est ce qu’indiquent les résultats du sondage mené par le comité Éducation aux enjeux environnementaux (E3), présentés dans le deuxième axe de discussion de l’émission, qui portait sur les solutions pour inspirer le changement dans le cadre scolaire.
70 % des élèves du primaire souhaitent que l’on parle des enjeux environnementaux davantage à l’école
– Sondage mené par le comité Éducation aux enjeux environnementaux (E3)
« Cela reflète ce qu’on constate dans ma pratique ainsi que dans les écoles. Il y a plusieurs prises intéressantes à considérer pour parler d’environnement dans les classes, au primaire et au secondaire. La question de l’environnement est transversale et peut être abordée sous différentes dimensions : en enseignement des sciences ou de culture et de la citoyenneté québécoise, sous l’aspect des domaines généraux de formation en environnement et consommation. Or, ces prises sont sous-exploitées, d’où la proportion élevée de jeunes pour lesquels les discussions environnementales en classe se veulent encore insuffisantes », a justifié Mme Groleau.
« La question de l’environnement est transversale et peut être abordée sous différentes dimensions : en enseignement des sciences ou de culture et de la citoyenneté québécoise, sous l’aspect des domaines généraux de formation en environnement et consommation. »
– Audrey Groleau, professeure titulaire de didactique des sciences et de la technologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières
« Le rôle de l’éducation face au changement climatique est d’engager les élèves dans un pouvoir agir, qui leur permet de passer à l’action à un moment donné, et de dépasser la question des émotions potentiellement négatives par ce passage à l’action, nourri d’une littératie climatique qui assure une compréhension des enjeux, et qui part vraiment d’un esprit scientifique éclairé », a souligné Simon Klein, médiateur scientifique à l’Office for Climate Education (OCE).
Le travail de l’OCE consiste à produire des ressources pour les enseignants des niveaux primaire et secondaire, tels que des manuels, complètement gratuites et offertes sur son site internet. Le développement de ces outils se fonde sur les rapports du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), soit l’organe des Nations unies responsable de l’évaluation des travaux et données scientifiques relatives aux changements climatiques. « Nous avons un conseil scientifique et pédagogique qui nous permet de valider le contenu de nos ressources, et de travailler étroitement avec des chercheurs, notamment en didactique, pour en garantir la qualité. Elles sont toutes testées en classe au travers d’un protocole rigoureux. D’abord assez universelles, ces ressources prennent ensuite le format adapté pour permettre aux enseignants de se les approprier », a a précisé M. Klein dans les coulisses de l’émission.
La responsable du développement des affaires de Vireo, Laury Brousseau, a fait état des bénéfices engendrés par les solutions innovantes de cette entreprise, conçue par des enseignants, pour des enseignants. Ce sont pas moins de 8 000 élèves qui ont pu en faire l’expérience, au travers d’une approche novatrice visant à stimuler leur engagement par l’intégration d’activités pratiques dans les programmes scolaires, incluant l’entretien d’un jardin hydroponique clé en main à l’année longue, et l’accès à sa plateforme en ligne.
« Vireo va aussi donner les légumes du potager que nous avions pendant le congrès au Comptoir Alimentaire Drummond. Nous offrons également un accompagnement personnalisé pour chaque école, et un suivi assuré par une coordinatrice pédagogique », a a complété Mme Brousseau.
3. Mettre les apprentissages en pratique
Enfin, dans le troisième segment de l’émission, la rédactrice en chef de CScience et les invités au plateau de l’émission ont fait connaître des projets et initiatives concrets pour passer de la théorie à la pratique, et avoir des retombées positives sur la communauté, soit jusqu’à dépasser le cadre scolaire.
« Le Groupe d’aide pour la recherche et l’aménagement de la faune (GARAF) a été fondé en 2000, avec l’objectif de mobiliser les apprentissages pour répondre à des problématiques environnementales locales. Souvent, lorsqu’on enseigne, on montre des exemples d’ailleurs, et non locaux. Nous, ce que nous faisons, c’est que nous allons au-delà de l’exemple, en répondant à une problématique », a expliqué le fondateur du GARAF, coordinateur et enseignant en science et technologie, Pablo Desfossés.
« Des organismes nous soumettent une problématique, et nous amenons les élèves à développer les apprentissages et compétences nécessaires pour y répondre, et ce, tout en respectant le programme de formation de l’école québécoise. »
– Pablo Desfossés, fondateur du GARAF, coordinateur et enseignant en science et technologie
« Des organismes nous soumettent une problématique, et nous amenons les élèves à développer les apprentissages et compétences nécessaires pour y répondre, et ce, tout en respectant le programme de formation de l’école québécoise. » Au fil du temps, le GARAF est ainsi devenu « une entreprise qui offre des services en environnement mais avec des jeunes en apprentissage », a décrit celui qui était accompagné de plusieurs membres de son équipe, incluant Sarah Prévost, qui chapeaute de nombreux projets du GARAF. « C’est aussi la première technicienne en bioécologie de l’histoire du Québec ! », n’a pas manqué de souligné M. Desfossés.
« Le technicien en bioécologie au GARAF va vraiment offrir différents types d’appui, dont le soutien scientifique, en apportant de bonnes méthodes à utiliser pour les élèves, pour garantir la rigueur de l’application des apprentissages. C’est notamment ce qui fait la force du GARAF, et qui fait en sorte que les gens nous fassent confiance. Puis, il y a tout le soutien apporté à l’enseignant, tant sur le plan de la formation que sur celui de la pédagogie. Pensons à l’équipement utilisé, aux techniques sollicitées, etc. », a expliqué Mme Prévost, assise dans le public.
« En tant qu’élève, je peux attester du fait qu’au GARAF, on fait du travail concret, en allant sur le terrain, au lieu de se faire bombarder d’information en classe (…) apprendre en le faisant, c’est cent fois mieux, et en plus, on en voit les effets positifs sur la communauté, à Drummondville, où tous nos partenaires nous font confiance. C’est là qu’on voit qu’on peut vraiment changer les choses, et que ce ne sont pas que des paroles en l’air! »
– Livia Fortier, étudiante du programme du GARAF
Le micro a ensuite été passé à Livia Fortier, une étudiante qui a pu jouir du programme : « En tant qu’élève, je peux attester du fait qu’au GARAF, on fait du travail concret, en allant sur le terrain, au lieu de se faire bombarder d’information en classe. Personnellement, je trouve que d’apprendre en le faisant, c’est cent fois mieux, et en plus, on en voit les effets positifs sur la communauté, à Drummondville, où tous nos partenaires nous font confiance. C’est là qu’on voit qu’on peut vraiment changer les choses, et que ce ne sont pas que des paroles en l’air! », a lancé la jeune fille, dont le témoignage a eu forte résonance. « À titre d’exemple, nous sommes allés au Parc national de la Yamaska, prendre des échantillons d’eau dans la rivière afin de vérifier qu’il n’y avait pas de trace de la moule zébrée, une espèce invasive originaire d’Asie. Nous devions déceler toute présence de calcium, puisque cela aurait indiqué la formation de coquilles de moule zébrée. Le fait de ne pas en avoir détecté était une bonne nouvelle, puisque cette espèce se reproduit assez vite pour laisser rapidement des traces de calcium », a relaté la jeune fille.
Antoine Marchal, coordinateur de projets TI à la Coop FA, a quant à lui parlé plus en profondeur des retombées concrètes des initiatives mentionnées par son collègue Vincent Jean-Lévesque, soit du programme Carbone Scol’ERE et des Défi Gestes.
13 000 jeunes du Québec et de la France ont relevé les défis du programme Carbone Scol’ERE de la Coop FA, évitant l’émission de 8 500 000 kg de GES
« Carbone Scol’ERE est notre programme le plus établi, et ayant eu le plus grand impact jusqu’à présent », a d’ailleurs mentionné M. Marchal à la rédaction de CScience. Rien que l’année dernière, 13 000 jeunes y ont participé, non seulement à travers le Québec, mais aussi en France, relevant plus de 25 000 défis pour un total de 8 500 000 kg d’émissions de GES évitées.
Pour consulter la fiche complète de l’émission, ou pour voir d’autres épisodes de C+Clair : https://www.cscience.ca/cclair/
Crédit photos : CScience Média