Le 20 février dernier, dans les locaux d’AlayaCare à Montréal, en partenariat avec Numana, se tenait le tournage d’une émission C+ Clair sur la thématique « Nos aînés sont-ils dépassés par les technologies ? », une idée préconçue que nos invités ont pu déconstruire.
L’émission s’est déroulée en compagnie de l’animateur Philippe Régnoux, directeur de publication de CScience, de la jeune Victoria qui, du haut de ses neuf ans, a co-animé avec lui, de la rédactrice en chef de l’émission et du magazine CScience, Chloé-Anne Touma, de l’Innovateur en chef du Québec, Luc Sirois, et de la Directrice générale de la Fondation Berthiaume-Du-Tremblay ainsi que du Quartier des générations, Nicole Ouellet.
« Il y a plusieurs générations de retraités. C’est pour la tranche d’âges des 85 ans et plus que l’utilisation des technologies commence à être plus difficile pour certains », a commenté Mme Ouellet, en début d’émission.
« Il y a plusieurs générations de retraités. C’est pour la tranche d’âges des 85 ans et plus que l’utilisation des technologies commence à être plus difficile pour certains. »
– Nicole Ouellet, Directrice générale de la Fondation Berthiaume-Du-Tremblay ainsi que du Quartier des générations
Mais pour une bonne proportion d’aînés, l’utilisation quotidienne des technologies est une nécessité, puisque au Québec, pas moins de 27 % d’entre eux utilisent les applications mobiles pour suivre leur état de santé, et que 80 % des Canadiens âgés de 65 ans et plus pensent que les technologies peuvent les aider à rester à domicile plus longtemps et en sécurité. C’est ce que nous a appris la rédactrice en chef sur le plateau.
3 axes de discussion
Pendant une heure répartie en trois blocs de 20 minutes, les invités se sont relayés aux micros pour aborder les enjeux propres au bien-être des aînés et de leurs proches aidants, à l’épanouissement des aînés, au rapport que ces derniers entretiennent avec les technologies et à la fracture numérique. Ils ont également pu interagir avec le public lors d’une période d’échange et de questions.
« On parle de connecter le proche aidant principal, pour améliorer sa qualité de vie. Parce qu’un aidant seul en est un qui s’affaiblit vite. »
– Julie Magnan, PDG et co-fondatrice de MedOClock®
1. Améliorer le quotidien des aînés et le suivi des soins
Julie Magnan, PDG et co-fondatrice de MedOClock®, a présenté cette application innovante destinée aux proches aidants. Sa mission ? « Sortir le proche aidant de son isolement » et « améliorer sa qualité de vie », en le connectant au réseau d’intérêt et de soins pour l’aidé. « On parle de connecter le proche aidant principal, pour améliorer sa qualité de vie. Parce qu’un aidant seul en est un qui s’affaiblit vite », a commenté Mme Magnan.
Ainsi, l’application MedOClock® centralise tout le réseau de contacts d’un aîné/aidé. Le proche aidant peut y créer un ou plusieurs profils d’aidé, et gérer le compte des personnes dont il a la tutelle. On peut, à partir de MedOClock®, choisir à qui partager l’information ou le dossier, optimiser et surveiller la prise de médicaments, et communiquer avec les médecins suivant l’aidé.
« Quand on dit, ‘est-ce que les aînés sont dépassés par les technologies’, j’aimerais dire que les technologies ne sont pas encore arrivées chez les aînés, mais que ça s’en vient ! »
– Roger Simard, expert-conseil en santé numérique à la Fondation AGES
Roger Simard, expert-conseil en santé numérique à la Fondation AGES, pionnier de la transformation numérique de l’éducation médicale et père de la « Pharmacie 3.0 », a parlé des bénéfices de combiner les soins pharmaceutiques, la pharmacogénomique et la santé numérique, et du retard d’adoption que cette innovation rencontre dans le milieu institutionnel, qui aurait pourtant du connaître une accélération durant la pandémie.
« Quand on dit, ‘est-ce que les aînés sont dépassés par les technologies’, j’aimerais dire que les technologies ne sont pas encore arrivées chez les aînés, mais que ça s’en vient ! », a lancé M. Simard.
Assis dans le public, Olivier Beauchet, médecin, professeur à l’Université de Montréal et directeur scientifique de l’Observatoire québécois de la proche aidance, a pris la parole au micro pour rappeler qu’ « On a peu de données au Québec sur les proches aidants, mais ce qu’on sait aujourd’hui, selon les données de l’Enquête sociale générale canadienne, c’est qu’entre 2012 et 2018, (les proches aidants) ont augmenté de 32 %. Le profil type d’un proche aidant, c’est une femme de 50 à 55 ans qui accompagne ses parents ou beaux-parents âgés à domicile, et qui va remplir des actes de soins médicaux ou de soins sociaux. Alors s’intéresser à leur santé pour qu’ils accompagnent mieux les aînés, c’est central. Les amener vers ces technologies d’autoévaluation, de prise en charge, c’est crucial. » « Et, cette femme est encore au travail, et on veut l’y garder! », a renchéri Mme Magnan.
2. Le virtuel comme vecteur d’épanouissement
La Fondatrice et Directrice générale de l’entreprise mathiassoise Web Or, Dale Hanley, a présenté les services qu’elle offre aux aînés en RPA ainsi qu’à domicile : des cours, activités et conférences, tantôt en temps réel, tantôt par visioconférence ou virtuellement au moyen d’enregistrements. Idéal pour les intervenants en loisirs, les milieux d’hébergement et les centres communautaires, sa formule de cours est adaptée au milieu de la clientèle, et les contenus sont renouvelés sur une base hebdomadaire. Web Or a même lancé l’initiative « LAISSEZ BRILLER VOTRE TALENT! », un concours de talents par visioconférence destiné aux aînés.
« En tant que fondatrice de Web Or, mais également spécialiste en conditionnement physique pour aînés, de les voir garder la forme, autant physiquement que cognitivement ou mentalement, c’est ma mission de vie ! Pour ce faire, chez Web Or, on fait bouger les aînés et on les fait interagir. Les grands cris de joie, les loisirs, ça fait partie de l’équation pour les garder en bonne santé ! »
« On peine à imaginer, lorsqu’on mène une vie typique, qu’un jour, des expériences aussi banales qu’aller là où on veut, on ne pourra plus en vivre, sinon de façon très restreinte. Avec notre technologie, on a permis à des utilisateurs d’aller à la plage pour la première fois de leur vie. »
– Jean-François Malouin, directeur général et cofondateur de Super Sublime
Le directeur général et cofondateur de Super Sublime, Jean-François Malouin, a fait connaître les services de l’OBNL en matière de conception et de démocratisation d’applications immersives innovantes, visant à améliorer la qualité de vie par la réalité virtuelle, dans les secteurs des soins de santé, de la santé mentale, des soins palliatifs et dans le milieu culturel. Il a notamment été question de « Toujours Dimanche », une application de réalité virtuelle qui apporte la nature aux personnes qui ne peuvent y aller (en CHSLD, en résidences pour aînés, en soins palliatifs, etc.).
« On peine à imaginer, lorsqu’on mène une vie typique, qu’un jour, des expériences aussi banales qu’aller là où on veut, on ne pourra plus en vivre, sinon de façon très restreinte. Avec notre technologie, on a permis à des utilisateurs d’aller à la plage pour la première fois de leur vie », a illustré M. Malouin.
3. L’accessibilité et la démocratisation des technologies
Enfin, Sylvie Blanchard, directrice générale du Centre communautaire l’Entraide Plus, à Chambly, qui couvre le territoire des MRC de la Vallée-du-Richelieu et de Rouville, a abordé, dans un premier temps, les conséquences que peut avoir l’isolement sur les aînés, et les services que propose son organisme pour lutter contre ce fléau, et, dans un deuxième temps, l’accès restreint du milieu communautaire aux nouvelles ressources technologiques.
L’Entraide Plus dessert une clientèle âgée de 50 ans et plus depuis maintenant 36 ans, en lui offrant un milieu de vie et de rencontre, et diverses activités dans le but de contrer l’isolement. L’organisme propose des dîners du lundi au vendredi, des repas congelés en livraison ou sur place, des cours et ateliers, de l’accompagnement aux proches aidants, du répit à domicile ou à la « halte répit » dans ses locaux pour les personnes âgées en perte d’autonomie. Depuis la pandémie, l’organisme offre un service rare et précieux : les cours « Web Aînés » (maintenant « Web Aînés 2.0 »), pour familiariser les aînés avec l’usage d’Internet sur divers appareils.
« La fameuse fracture numérique existe vraiment. Les organismes doivent faire preuve de beaucoup de créativité pour arriver à se mettre à jour sur le plan technologique. »
– Sylvie Blanchard, directrice générale du Centre communautaire l’Entraide Plus
« La fameuse fracture numérique existe vraiment. Les organismes doivent faire preuve de beaucoup de créativité pour arriver à se mettre à jour sur le plan technologique. Les ressources financières couvrent à peine les salaires, et lorsque nous parlons de financement à la mission, cela n’inclut jamais la technologie », a fait valoir Mme Blanchard, qui était accompagnée d’André Dussault, informaticien âgé de 82 ans, et toujours aussi technophile ! « C’est notre technicien en informatique depuis de nombreuses années, il nous fournit en matériel, et c’est grâce à lui qu’on a réussi à se maintenir à flot », a commenté la directrice, avant d’envoyer la balle à M. Dussault, à qui la petite Victoria a aussitôt passé le micro.
« On voit que les aînés ont besoin d’apprendre. Dans le temps, ils se retrouvaient dans les RPA et attendaient la visite des enfants les fins de semaine. Aujourd’hui, les nouvelles technologies changent tout. Je suis informaticien. De 2002 à 2006, j’ai aidé les aînés de la FADOQ de Chambly et de l’Entraide Plus en donnant des cours. Ce fut une très belle expérience pour les aînés. Il suffit de parler dans un langage qu’ils comprennent et non pas en langage technique », a apporté l’informaticien.
Geneviève Michaud, directrice du Living Lab Lanaudière, a parlé de comment cette initiative contribue à transformer la région de Lanaudière en zone d’expérimentation réelle où les acteurs de l’innovation collaborent pour la co-création, l’expérimentation et l’innovation des technologies de demain.
« Sur le territoire de la MRC de Joliette, on a la municipalité de Saint-Charles-Borromée, dont le taux de vieillissement de la population est comparable à celui qu’aura atteint tout le Québec dans dix ans. Elle est suivie de Joliette. Ce qui fait qu’on y a un terrain d’expérimentation en environnement réel qui est fabuleux ! »
– Geneviève Michaud, directrice du Living Lab Lanaudière
« La nature d’un Living Lab, c’est de mettre au cœur du processus de la création, de la conception, l’usager final. Au départ, notre Living Lab émanait d’une réflexion relevant de la Corporation de développement économique de la MRC de Joliette, mais on s’est vite rendu compte qu’on devenait un levier très intéressant, justement, pour permettre un accès dé-risqué à de l’innovation (…) Sur le territoire de la MRC de Joliette, on a la municipalité de Saint-Charles-Borromée, dont le taux de vieillissement de la population est comparable à celui qu’aura atteint tout le Québec dans dix ans. Elle est suivie de Joliette. Ce qui fait qu’on y a un terrain d’expérimentation en environnement réel qui est fabuleux ! », a souligné Mme Michaud, qui était accompagnée de deux invités assis dans le public, soit Sébastien Buisson et Marie-Michèle Lord, des partenaires impliqués dans de dépôt d’un projet commun auprès des Fonds de recherche du Québec, dans le but de mobiliser des ressources pour mieux soutenir les aînés isolés dans la région de Lanaudière.
Professeure et chercheure au département d’ergothérapie à l’Université du Québec à Trois-Rivières, Marie-Michèle Lord a abordé le « continuum de développement technologique, dans lequel il y a les inventeurs, les concepteurs et ceux qui prescrivent la technologie, mais aussi les décideurs, qui orientent le développement des technologies, et les utilisateurs finaux qui ici sont les aînés ». Elle a pointé le progrès observé en cinq ans : « Un immense pas a été fait parce que le gouvernement oriente davantage le développement (des gérontechnologies) et fait davantage appel à la recherche dans le domaine. »
M. Buisson a quant à lui parlé des retombées du projet mené avec le Living Lab aux Habitations Bordeleau, établissement dont il est le directeur général adjoint, et qui est aussi l’un des premiers milieux adoptants des technologies déployées grâce au Living Lab. « Les Habitiations Bordeleau sont devenues la première résidence intelligente au monde, grâce à l’intégration de capteurs Evey et de domotique par wifi et intelligence artificielle. On parle de 203 appartements équipés pour le contrôle thermostat, la détection de chute ou de dégât d’eau, l’émission d’alertes pour la prise de médicaments sur les téléviseurs, et d’alertes sur les téléphones des préposés en lien avec le suivi des signes vitaux, etc. »
Pour consulter la fiche complète de l’émission, ou pour voir d’autres épisodes de C+ Clair : https://www.cscience.ca/cclair/
Crédit photos : GALA MEDIA