En ces temps de pandémie de COVID-19, il est facile d’oublier que le cancer demeure la cause de mortalité principale au Québec. Cette autre « épidémie » est pourtant un enjeu majeur que le réseau de la santé se doit d’affronter, selon les acteurs du milieu. Heureusement, une nouvelle arme a été ajoutée à l’arsenal des chercheurs : l’intelligence artificielle (IA).
Lancé au début de l’année, le concours des données omiques contre le cancer permettra de financer cinq projets de recherche utilisant l’IA pour les deux prochaines années. Cette initiative est le fruit d’une toute première collaboration entre l’Institut de valorisation des données (IVADO), Oncopole et Génome Québec.
Chacune des équipes de chercheurs s’est vu accorder une somme de 300 000 $ afin de développer de nouveaux outils dans le développement de traitements ou dans la détection de certaines formes de cancer. Ces scientifiques feront usage de bases de données déjà existantes comme point de départ à leurs travaux, un atout non négligeable.
« Partir de zéro, c’est extrêmement coûteux et fastidieux. Nous possédons d’énormes jeux de données liés au cancer produits dans le milieu de la santé qui dorment, qui ne sont pas exploités. C’est une occasion à ne pas rater », souligne Hélène Fournier, directrice stratégique des affaires scientifiques chez Génome Québec.
La capacité de l’IA à gérer une quantité massive d’informations en un temps record pourrait ainsi offrir une avenue à la création de médicaments mieux adaptés aux besoins des patients ou à déceler plus finement la présence de masses cancéreuses en imagerie par exemple.
« L’IA apporte des possibilités diverses dans le combat contre le cancer. On peut espérer raffiner les traitements et personnaliser la médecine. On est loin du « one size fits all », ces traitements à l’emporte-pièce qu’on avait il y a 30 ans, où l’on se servait de la chimiothérapie comme d’un bazooka », indique Maxime Dumais, gestionnaire de projet pour Oncopole.
Les données omiques : une possible clef de voûte pour la recherche?
L’intelligence artificielle n’est qu’une partie de l’équation dans ces efforts scientifiques. L’autre, c’est l’exploitation des données omiques.
Celles-ci regroupent les informations pouvant être collectées en génomique, en transcriptomique, en protéomique et en métabolomique.
De façon générale, ces secteurs de la médecine étudient les gènes, leurs transformations face aux pathologies et les interactions biochimiques qui se produisent dans les cellules.
Ce qu’il faut comprendre dans tout cela, c’est qu’on se retrouve dans un territoire aux limites de nos connaissances en biologie, là où les précédents modèles statistiques formulés par les humains ne suffisent plus et où l’apprentissage machine peut venir à notre rescousse.
«Nous possédons d’énormes jeux de données liés au cancer produits dans le milieu de la santé qui dorment, qui ne sont pas exploités. C’est une occasion à ne pas rater» – Hélène Fournier, directrice stratégique des affaires scientifiques chez Génome Québec.
C’est du moins ce que tentent d’accomplir des scientifiques tels que Sébastien Lemieux. Diplômé en biologie et en informatique et chercheur principal à l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie, il est l’un des cinq récipiendaires d’une bourse de recherche dans le cadre du concours.
Ses travaux portent sur le développement de nouvelles représentations vectorielles réduites pour l’utilisation de données transcriptomiques et chimiques en leucémie myéloïde aiguë.
« Essentiellement, il s’agit d’intégrer à l’IA les données concernant l’acide ribonucléique (RNA), sujet d’étude de la transcriptomique, ainsi que sur la structure chimique des médicaments utilisés pour combattre cette forme de leucémie », indique M. Lemieux.
Or, selon ce dernier, il s’agit-là d’informations qui s’insèrent encore difficilement dans les modèles d’IA. Le chercheur propose donc de développer de nouvelles représentations pour les profils d’expression et la structure chimique de médicaments.
Selon M. Lemieux, le mariage entre l’IA et la recherche en cancer pourrait permettre d’accélérer le développement de nouveaux traitements et de les rendre plus efficaces.
« Ce partenariat entre IVADO. Oncopole et Génome Québec est génial, car rassembler nos efforts nous donne l’occasion de mettre de l’avant des projets qui seront sans aucun doute porteurs », insiste-t-il.
Le cancer: première cause de mortalité au Québec
M. Dumais rappelle que le cancer reste la cause de décès au Québec et que cette maladie pose un sérieux problème à notre système de santé.
« La capacité du réseau est limitée, la pandémie de COVID-19 l’a bien démontré. Le vieillissement de la population et la hausse du nombre de cas de cancer pourraient être dangereux dans les prochaines années. Il faut tirer profit de tous les outils à notre disposition », martèle-t-il.
En effet, selon la Fondation québécoise du cancer, en 2020, au Québec, « on prévoit que 56 800 Québécois recevront un diagnostic de cancer, ce qui représente 156 nouveaux cas par jour. Ce nombre est en hausse depuis plusieurs années et on estime qu’il augmentera encore dans les années à venir. Il est dû au vieillissement et à l’accroissement de la population. On estime aussi qu’en 2020, 22 400 personnes seront emportées par un cancer dans la province, soit 61 décès par jour. »
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