L’apprentissage continu : la prochaine frontière de l’IA

L’apprentissage continu : la prochaine frontière de l’IA

Grâce à l’apprentissage automatique, les machines peuvent désormais reconnaître un visage, détecter des tumeurs sur des radiographies ou vaincre des maîtres du jeu d’échecs. Cependant, même si l’intelligence artificielle (IA) a récemment fait des bonds de géants, elle est encore loin d’être capable d’apprendre de la même façon que les humains le font, c’est-à-dire de passer d’une expérience à l’autre et d’en tirer une connaissance globale. Pis encore, certains modèles font face à une faille fatale lorsqu’ils doivent passer d’un jeu de données à un autre : l’oubli catastrophique. La solution? Une nouvelle branche de l’IA qui se nomme l’apprentissage continu.

Irina Rish, une chercheuse à l’institut québécois d’IA (Mila) et détentrice d’une chaire IA Canada-CIFAR, s’intéresse à ces questions et nous dévoile les prochaines frontières qu’elle tente de repousser avec ses collègues.

« Mes recherches ont pour objectif de créer un pont entre les modèles d’IA tels que nous les connaissons aujourd’hui et l’intelligence humaine. Afin d’y parvenir, nous nous penchons sur l’apprentissage continu et robuste », explique-t-elle

Ce domaine de l’apprentissage automatique vise à enseigner aux modèles d’IA de façon séquentielle de nouvelles tâches avec des jeux de données changeants, que ce soit dans des contextes ou des environnements différents.

« Idéalement, on veut que les modèles puissent apprendre tout au long de leur « vie » » -Irina Rish, chercheuse, Mila

Prenons l’exemple des véhicules autonomes : si une équipe d’ingénieurs conçoit un modèle capable de se déplacer et de reconnaître la signalisation ainsi qu’une variété d’obstacles à partir de données recueillies dans un environnement urbain, rien ne garantit que ce même modèle sera efficace dans un environnement à la campagne.

Irina Rish, chercheuse au Mila. Crédit photo: gracieuseté Mila

De nouveaux obstacles pourraient ne pas être reconnus par la machine, par exemple des animaux qui ne sont pas présents en ville.

Cependant, une partie de l’information apprise par le modèle durant son entraînement urbain pourrait lui être utile.

Malheureusement, les ingénieurs informatiques frappent souvent un mur lorsqu’ils veulent réentraîner leur modèle avec un nouveau jeu de données. La machine oublie de façon catastrophique ses expériences passées.

« C’est un problème majeur en IA, surtout dans les réseaux de neurones. Lorsque certains modèles déjà entraînés absorbent un nouveau jeu de données, leur performance se dégrade de façon importante lors de l’exécution de tâches dans lesquelles ils étaient performants préalablement », affirme Mme Rish.

DES MODÈLES PLUS FLEXIBLES

L’apprentissage continu permettrait donc de contrer cette faille en rendant les modèles moins « inflexibles », selon la chercheuse.

En imitant la façon dont les humains apprennent et oublient les informations qui leur sont non essentielles, on augmenterait ainsi la durée de vie et la résilience des algorithmes.

En effet, les recherches de Mme Rish sont à cheval entre les sciences informatiques et les neurosciences.

Au-delà des découvertes dans le domaine de l’IA, la scientifique espère aussi que le domaine de l’apprentissage continu puisse un jour élucider les mystères du cerveau humain.

Mais tous ces efforts ne porteront pas seulement leurs fruits dans le monde académique, car avant tout, des percées dans cette branche pourraient offrir un avantage important à l’industrie de l’IA.

« Lorsque j’étais chercheuse chez IBM à New York, certains de mes collègues travaillaient au développement d’agents conversationnels. Ceux-ci étaient frustrés par le fait qu’à chaque fois qu’ils obtenaient un contrat avec un nouveau client, il était plus simple de repartir à zéro et de créer un nouveau modèle conversationnel, plutôt que de réentraîner un modèle déjà existant. Des découvertes en apprentissage continu pourraient leur éviter de faire table rase au début de chaque projet », souligne Mme Rish.

Celle-ci indique que les domaines de la robotique et de l’imagerie médicale pourraient aussi tirer profit de technologies issues de ses recherches.

Car après tout, l’objectif premier de l’IA n’est-il pas de nous épargner les tâches répétitives et laborieuses?

Crédit photo: Pexels/Tara Winstead