Ce lundi, le Consortium Santé Numérique a réuni trois spécialistes pour parler du Projet de loi 19 qui concerne notre dossier patient numérique et son évolution.
Le Consortium Santé Numérique de l’Université de Montréal rassemble différents organismes, centres de recherche et facultés liés à la santé numérique. Il a pour mission de partager les meilleures pratiques et d’encourager le développement des technologies. Aude Motulsky, directrice adjointe du Consortium, animait le panel de discussion.
Le panel était composé de Cécile Petitgand, coordonnatrice de l’initiative Accès aux données de la Table nationale des directeurs de la recherche (CRCHUM, FRQS), Maitre Olivia Toussaint-Martin, conseillère en stratégie juridique (MSSS) et de Pier Tremblay, directeur de la gouvernance des données (MSS).
VALORISER LES RENSEIGNEMENTS
Ce Projet de loi 19, proposé par le ministre Christian Dubé en décembre 2021, vise à établir une seule loi pour les questions d’« accès et de protection des renseignements de santé et de services sociaux. » Tentons de comprendre pourquoi cette unité est nécessaire et comment elle s’est formée.
« La notion même de recherche est évolutive, surtout en matière de valorisation des données. » – Cécile Petitgand, coordonnatrice de l’initiative Accès aux données de la Table nationale des directeurs de la recherche (CRCHUM, FRQS)
Le Projet de loi 19 s’intègre dans une transformation numérique globale de notre système de santé. Il s’inscrit dans le cadre du Projet de loi 14 (Loi favorisant la transformation numérique de l’administration publique) et propose un certain nombre de modifications sur l’accès et la protection des renseignements personnels.
QUE DEVIENT LA CONFIDENTIALITÉ ?
La confidentialité, ou le serment d’Hippocrate prend une toute autre valeur à l’ère du numérique. Dans la constitution de notre dossier patient, plusieurs données biomédicales sont colligées. Dans quel but ? Pour favoriser l’échange entre spécialistes de la santé et pour établir notre historique médical. Mais aussi, pour faire avancer la science.
C’est à travers cette dernière optique qu’il faut bien comprendre pourquoi nous avons besoin de nouvelles lois. La confidentialité, qui se résumait autrefois au silence du médecin, a maintenant deux aspects indissociables, mais distincts d’un point de vue éthique. Examinons-les.
L’ACCÈS ET LA PROTECTION
Deux notions qui s’opposent naturellement. D’une part, l’accès aux données alimente les algorithmes et permet aux chercheurs de développer de nouvelles applications plus performantes et plus personnalisées. D’autre part, le citoyen est en droit d’exiger la confidentialité et le respect de ses informations personnelles.
Or, il s’agit vraisemblablement de deux directions opposées. L’une visant à favoriser l’accès aux données, l’autre visant à protéger ces mêmes données. L’accès et le non-accès, on pourrait dire.
Maitre Olivia Toussaint-Martin précise que les enjeux concernés par l’accès aux données sont :
- la confidentialité;
- la limitation de la collecte et de l’utilisation des données;
- la non-discrimination;
- la mobilité de l’information;
- la transparence;
- la neutralité technologique.
Cécile Petitgand note qu’il faut faire en sorte que « nos critères et bonnes pratiques s’appliquent à l’ensemble des projets qui reposent sur l’utilisation de données de santé identifiantes ou potentiellement identificatoires. »
LES LIMITES DE NOS IDENTITÉS NUMÉRIQUES
Examinons ces propos par rapport à notre identité numérique. Celle-ci a un spectre beaucoup plus large que notre dossier santé. Elle se rapporte à l’ensemble de nos interactions numériques (réseaux sociaux, achats…). Notre dossier patient ne représente qu’une branche de l’arbre de nos données numériques.
Comment résoudre cette tension alors ? Comment faire en sorte que la mobilité ne nuise pas à la limitation, que la transparence ne nuise pas à la confidentialité et enfin que la neutralité technologique s’arrime avec la non-discrimination?
Puis, on peut se demander sur quoi repose cette tension. Vraisemblablement, sur la distinction entre la personne publique et la personne dans sa vie privée. Et l’identité dans tout ça ? Si la distinction demeure, alors on a naturellement une identité publique et une identité liée à notre vie privée. Il nous revient donc, à tous, d’établir nos propres limites entre ces deux sphères.
UN PROJET À SUIVRE
Cécile Petitgand mentionne le rôle important du Comité du FRQS (Fonds de Recherche du Québec – Santé) quant à la gouvernance des données. Elle appuie la mission du Consortium qui cherche à établir des règles de gouvernance qui « deviendront des modèles de référence pour orienter les politiques, procédures, cadres et pratiques de gestion des données des établissements, centres de recherche et autres organismes publics. »
Par ailleurs, le Projet de loi 19 respecte les principes FAIR (Findable, Accessible, Interoperable, Reusable). Ces principes sont en lien avec la mobilité de l’information.
Crédit photo image de Une : Pexels / Cottonbro