On entend souvent que le secteur de la musique est parmi les bons élèves du passage au numérique. Pas faux, mais du chemin reste à faire pour ne pas laisser l’avenir de la musique québécoise entre les mains des grandes plateformes de diffusion. Heureusement, l’industrie s’organise et souhaiterait pouvoir utiliser les possibilités de l’intelligence artificielle pour faire rayonner davantage la culture d’ici.
Aujourd’hui, pour se faire connaître, un artiste doit être présent sur les plateformes de streaming comme Spotify, Apple, YouTube… Mais ça ne suffit pas, il faut également être « découvrable », un maître-mot qui circule sur toutes les bouches du milieu. Un produit culturel comme la musique doit être en mesure de ressortir dans une playlist.
Pour y parvenir, chaque morceau doit être documenté par ce qu’on appelle des métadonnées : des champs descriptifs qui se retrouvaient autrefois dans les pochettes d’albums et qui, de nos jours, sont lues ou créés par des algorithmes.
L’IMPORTANCE DE DOCUMENTER LA MUSIQUE QUÉBÉCOISE
Plusieurs travaux de recherche ont fait le constat d’un retard concernant la maîtrise des données pour le secteur de la musique au Québec. Pour répondre à ces grands enjeux liés aux métadonnées, l’industrie s’est concertée et a, entre autres, donné naissance au projet MétaMusique : une plateforme « innovante » qui accompagnera tout le parcours d’une musique depuis sa création jusqu’à sa diffusion.
Ce « guichet unique », en cours de développement, va s’adresser aux créateurs et aux différents contributeurs impliqués dans la création d’un contenu musical.
« L’objectif est que MétaMusique soit interconnecté aux API des sociétés de gestion québécoises et à d’autres parties prenantes de l’industrie musicale. Il va permettre de renseigner à la même place, toute l’information d’une musique selon les standards d’indexation. De la tracer pour faciliter l’accès aux droits et aussi de mieux la faire découvrir » – Jovanny Savoie, administrateur de Métamusique.
Il s’agit « d’ un projet d’envergure qui se concrétise après plusieurs années de travail et de concertation en différentes étapes » ajoute Pascal Dumont-Julien, Directeur Général de MétaMusique.
TRAVAILLER SUR UN SOCLE COMMUN DE DONNÉES GRÂCE À LA CONCERTATION ENTRE ACTEURS
Une des premières étapes du projet MétaMusique a été de se doter d’un référentiel de métadonnées descriptives, autrement dit, d’un socle commun de données. Une étape « complexe » qui a reposé sur un travail de comparaison et d’alignement sur les autres référentiels métadonnées des plateformes mais également « sur la façon dont les différents acteurs voulaient définir les genres musicaux d’ici » explique Clément Laberge, consultant pour le secteur culturel.
Selon lui, « au Québec, on possède certaines métadonnées (le nom des albums, les styles, les dates…) mais les grandes plateformes internationales en génèrent des plus détaillées grâce à l’intelligence artificielle. Par exemple : les ambiances, les rythmes, la présence d’instruments de musique ou encore les activités sur lesquelles on peut écouter tel type de musique. Ce qui les aide à constituer des playlists ».
« Le souhait de l’industrie, c’est d’avoir la capacité de faire ces regroupements-là. A long terme, on ne peut imaginer céder le terrain de l’IA sur la musique à des acteurs étrangers. Cela poserait trop d’enjeux sur la reconnaissance des spécificités de la musique d’ici » ajoute-t-il.
Le référentiel de données commun ouvre également un champ des possibles « l’intelligence artificielle pourra faciliter l’interconnexion avec les autres secteurs culturels : cinéma, livre, arts de la scène…» précise Pascal Dumont-Julien.
L’ÉTAPE INCONTOURNABLE DE LA GOUVERNANCE DES DONNÉES
Considéré comme un levier industriel pour aborder l’intelligence artificielle, le projet participe à la littératie des acteurs. Mais un important travail de concertation reste à faire, notamment sur la question de la gouvernance des données.
À terme, la plateforme sera en mesure de compiler des informations sur la façon dont la musique québécoise est consommée. « Des données essentielles pour l’intelligence d’affaires du secteur cependant, à ce stade-ci se projeter sur leur utilisation précise est trop prématuré» précise Pascal Dumont-Julien.
Afin de guider les organisations dans leurs réflexions en la matière, Nord Ouvert, en partenariat avec Synapse C et le Laboratoire d’innovation urbaine de Montréal, vient de publier un rapport sur les partenariats de données numériques.
Les principes directeurs qu’ils proposent de suivre pour la construction d’une gouvernance des données partagées sont la « collaboration, la responsabilité, l’efficacité et l’imputabilité ».
Pour en savoir plus sur le projet MétaMusique et accéder à la liste des différents collaborateurs et partenaires, rendez-vous sur le site.
Pour accéder au rapport de Nord Ouvert, cliquez ici.
Image par Gordon Johnson de Pixabay