Les défis et le potentiel de l’IA pour sauver le climat

Les défis et le potentiel de l’IA pour sauver le climat

Ce Vendredi 22 avril dernier, un webinaire organisé par IVADO a permis à trois experts et chercheurs travaillant dans le monde des données, de l’IA et de la lutte contre les changements climatiques d’échanger sur les progrès et les problématiques de l’utilisation de l’IA dans les efforts de sauvegarde écologique. 

Ils ont cherché à répondre à des questions complexes : Quel est le potentiel des solutions d’IA pour lutter contre les changements climatiques? Quels sont les plus grands défis de l’application de l’IA dans le domaine de la recherche scientifique en écologie et du développement durable des entreprises? Quels sont les impacts écologiques de l’IA ?

Webinaire CHangement climatique et IA

Webinaire IVADO – Changements climatiques et IA

LE DÉFI DES DONNÉES

L’un des plus grands défis de l’intelligence artificielle dans la lutte contre les changements climatiques se situe au niveau des données, explique Abdé Essaidi, vice-président exécutif d’Axionable, une organisation qui aide les entreprises à comprendre, concevoir et effectuer leur transition environnementale, entre autres grâce à la modélisation de risques climatiques. Malgré la disponibilité grandissante de données ouvertes de toutes sortes (physiques, géospatiales, satellites, géologiques, etc), la qualité de celle-ci n’est pas toujours au rendez-vous, et si elles ne sont pas standardisées, il devient difficile de les superposer et de les utiliser adéquatement pour faire des prédictions de risques écologiques à court et long terme. 

Pour Emmanuelle Tavernier, fondatrice et CEO d’Oxia Initiative, une organisation qui quantifie les gaz à effets de serre dans le secteur financier privé, il existe un gros problème de comptabilité carbone chez les entreprises. La collecte de données sur les activités d’une entreprise, comme celles concernant sa chaîne d’approvisionnement (le nombre d’employés ou la source et la quantité des matières premières utilisées, par exemple), est essentielle pour déterminer avec précision l’empreinte carbone des entreprises. Malheureusement, sans obligation gouvernementale, la plupart des entreprises n’iront jamais recueillir de telles données, se désole-t-elle.

Camille Rondeau Saint-Jean, ex-étudiante en musicologie reconvertie en chercheuse en écologie, est catégorique : dans le monde incroyablement riche de la nature, les données ne manquent pas. Le défi, c’est de trouver la bonne manière de les traiter. L’IA permet d’accélérer la recherche en traitant d’immenses quantités de données en très peu de temps, et d’automatiser de longues tâches fastidieuses pour les humains. L’étude des migrations d’oiseaux, par exemple, est facilitée par l’utilisation de senseurs autonomes qui remplacent le besoin d’affecter des chercheurs en poste d’observation pendant de longues périodes de temps sur le terrain. 

L’IMPACT ÉCOLOGIQUE DES TECHNOLOGIES, UN ASPECT À NE PAS NÉGLIGER

Le coût énergétique des solutions technologiques et du traitement de données peut être énorme, affirme Abdé Essaidi. Le monde hautement dématérialisé de la finance, qui repose sur une utilisation constante de systèmes informatiques, est extrêmement énergivore.

« Le coût énergétique des solutions technologiques et du traitement de données peut être énorme » – Abdé Essaidi, VP exécutif, Axionable

Le traitement des données effectué par l’IA n’échappe pas à cette consommation énergétique : il faut faire attention à ne pas implanter des solutions d’IA qui finiront pas utiliser encore plus d’énergie.

Optimiser le code informatique, être frugal dans l’utilisation des données (ne pas utiliser plus de données que nécessaire) et éviter d’utiliser l’IA quand on peut simplement utiliser des méthodes classiques sont trois solutions tangibles pour répondre à ce problème.

Cette inquiétude est partagée par Emmanuelle Tavernier, qui insiste sur la nécessité de mesurer l’impact environnemental de tout changement technologique mis en place dans une entreprise. 

Camille Rondeau Saint-Jean nous met en garde contre le solutionnisme technologique : « Une machine qui absorbe du dioxyde de carbone et qui recrache de l’oxygène, ça existe déjà : on appelle ça un arbre ». La chercheuse rappelle que malgré l’engouement entourant le développement de nouvelles technologies, il ne faut pas perdre de vue que les solutions climatiques sont la plupart du temps d’une simplicité désarmante. 

LA MULTIDISCIPLINARITÉ, UNE NÉCESSITÉ DANS LE DOMAINE DE L’IA ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES

La recherche de solutions en IA pour la sauvegarde de l’environnement repose sur la coopération de chercheurs et d’experts issus de différents milieux. Une telle diversité de talents, essentielle pour adresser toutes les facettes de la recherche et du développement de solutions climatiques, n’est pas toujours facile à gérer. 

« Le plus grand enjeu, c’est de définir un objectif commun, pour rassembler les différents profils vers une même finalité. » – Emmanuelle Tavernier, Fondatrice et PDG, Oxia Initiative

Une idée partagée par Abdé Essaidi : « J’ai observé que les climatologues fonctionnent avec des simulations climatiques, tandis que les scientifiques de données réfléchissent plutôt par approche statistiques. Les deux n’arrivent pas toujours à s’entendre, à se parler, à traiter le même problème. Trouver un juste milieu entre le technique et le scientifique, c’est tout un art ! » 

Camille Rondeau Saint-Jean abonde dans le même sens : « Tout le monde doit apprendre à bien communiquer ses attentes et ses contraintes ». Les biologistes qui ne sont pas familiers avec l’IA n’y reconnaissent pas nécessairement ses limites, son potentiel et ses enjeux éthiques. De l’autre côté, les chercheurs en IA ont parfois de la difficulté à saisir les subtilités des différentes espèces et des différents écosystèmes.

La communication et l’échange entre les différents profils et les différents types d’expertise sont toujours de mise.

Crédit Image à la Une : Callum Shaw / Unsplash