Dans la bataille contre la COVID-19, l’intelligence artificielle est de plus en plus sollicitée, non seulement dans la recherche d’un traitement, mais aussi dans la création d’outils permettant de guider les médecins dans leurs décisions cliniques.
Une équipe de chercheurs du Mila, dirigée par Joseph Paul Cohen, a en effet décidé de se pencher sur les pneumonies associées à la COVID-19. En effet, grâce à l’IA, ils ont créé un outil qui pourrait prévoir l’évolution de la gravité de cette pathologie.
LA QUÊTE D’IMAGES
L’algorithme d’IA fait appel à des images de radiographies thoraciques. Cet outil d’imagerie est rapide, non invasif et, lorsque le système est portable, il peut être utilisé au chevet des patients. Il les expose également à un niveau plus faible de radiations, en comparaison avec la tomodensitométrie, autre outil commun.
Au départ, l’obtention des images de radiographies thoraciques pour les patients atteints de la COVID-19 représentait un défi de taille. La Chine ne les rendait pas publiques et la plupart des hôpitaux avec qui les chercheurs étaient en contact n’avaient pas encore de cas. Les chercheurs ont donc dû se tourner vers une autre solution.
« Nous avons constaté que beaucoup d’articles publiés dans les revues médicales contenaient des images de radiographies pulmonaires de patients atteints de la COVID-19, » explique M. Cohen. Vu leur provenance, les chercheurs savaient que ces données étaient vérifiées, authentiques et obtenues de façon éthique. Ils ont ainsi construit leur base de données, aujourd’hui constituée d’environ 400 radiographies.
L’équipe recueille d’autres informations complémentaires sur les patients. « Durant leur séjour à l’hôpital, se sont-ils rendus aux soins intensifs ? Ont-ils été intubés ? […] Nous savons s’ils ont survécu ou s’ils se sont complètement rétablis, » souligne M. Cohen.
COMMENT ÇA FONCTIONNE ?
Les chercheurs utilisent une technologie déjà existante, appelée Chester, mise au point en 2019 par M. Cohen et ses collègues. Soumis à des millions de radiographies de partout dans le monde, l’outil est entraîné à reconnaître plusieurs maladies pulmonaires, telles que l’emphysème et la pneumonie.
Pour la COVID-19, les chercheurs ont présenté à des experts 70 radiographies pulmonaires de patients positifs à la maladie. Ceux-ci ont dû donner un score de gravité pour chacune de ces images selon l’étendue géographique (avec une plage de 0 à 8, 8 étant plus sévère) et selon l’opacité pulmonaire (avec une plage de 0 à 6, 6 étant plus sévère).
Grâce à ces nouvelles données et à ses capacités déjà existantes, Chester est en mesure de prédire les scores de gravité des pneumonies associées à la COVID-19. L’outil est disponible gratuitement en ligne.
Lan Dao, étudiante en médecine à l’Université de Montréal et membre de l’équipe de M. Cohen, souligne l’importance de considérer l’outil comme une aide à la décision. « Nous préférons ne pas utiliser l’outil à des fins de diagnostic, puisqu’il s’agit du travail du médecin, et nous ne voulons en aucun cas empiéter sur cet aspect, » précise-t-elle.
UN OUTIL DE PRÉDICTION
Éventuellement, ce système d’IA pourrait permettre d’établir des trajectoires pour les patients. Pour ce faire, les chercheurs utilisent une UMAP. Chaque point sur la carte représenterait une radiographie, et son positionnement dépendrait de la sévérité du cas. Plus il est sévère, plus il se trouve dans une zone foncée.
La couleur des points est également importante. Un point vert représente une personne ayant survécu, et un point rouge représente une personne décédée.
Les trajectoires, soit les points reliés par des flèches, permettraient aux médecins d’observer le cheminement de certains patients, du début à la fin de leur séjour à l’hôpital.
« Nous aimerions créer un modèle nous permettant d’explorer certaines hypothèses et de comprendre certains liens que nous ne trouverions pas par les méthodes de recherche conventionnelles, » explique Mme Dao.
UNE AIDE À LA DÉCISION
Ainsi, lorsqu’un patient est hospitalisé, si ses radiographies ou ses conditions sont semblables à celles d’un autre patient dont les données sont répertoriées sur la carte, les professionnels de la santé pourraient utiliser la trajectoire de ce patient pour guider leurs décisions.
Il serait donc possible d’observer ce qui a lui permis de survivre. Quelles interventions ont été effectuées ? Est-ce que le fait de ne pas être mis sous respirateur fonctionne mieux dans ce type de situation ?
« C’est comme une aide à la décision, mais très interactive. Nous avons besoin de plus de données pour en tirer de belles conclusions, mais j’aimerais en arriver au point où nous pouvons mettre des patients sous traitement, et où vous pouvez voir qu’un certain nombre d’entre eux partent, et d’autres non, pour montrer l’efficacité du médicament, » mentionne M. Cohen.
LE BLOGUE MILA
La semaine dernière, Mila a lancé son tout nouveau blogue. Cette plateforme permettra principalement de faire connaître les recherches effectuées à l’institut. Pour l’instant, deux articles sont disponibles sur le site Internet.
« C’est une grande communauté et il est un peu difficile de suivre ce que tout le monde fait. Alors, le fait d’avoir accès à ces informations sera utile pour toute la communauté et pour le public, » explique Mme Dao.