Près de 2000 participants sont attendus au Grand Rendez-vous de l’innovation québécoise, qui clôt la consultation lancée au printemps dernier en vue de l’élaboration de la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation (SQRI) 2022. Au cours de ces deux journées, les 18 et 19 novembre, à Montréal, plusieurs membres du gouvernement et leaders y présenteront leur vision de l’innovation pour le Québec.
Au moment où le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, annonce qu’une trentaine de projets de zones d’innovation sont à l’étude, Luc Sirois, Innovateur en chef du Québec a accepté d’évoquer avec nous les moments forts de ce Grand Rendez-vous.
CScience IA : Quels sont les moments forts du Grand Rendez-vous de l’innovation québécoise ?
Au cours de la première journée nous aurons le privilège de connaître les grandes orientations tirées par le gouvernement des consultations du printemps avec les allocutions du Premier ministre, François Legault, de Pierre Fitzgibbon, le ministre de l’Économie et de l’Innovation et des cinq autres ministres présents dont Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux.
Au cours de la deuxième journée, l’économiste français Philippe Aghion, professeur à l’INSEAD et au Collège de France, interviendra, à l’heure du repas, pour donner des pistes à l’écosystème pour favoriser l’innovation.
« Cette journée des forums, sera aussi l’occasion pour les différentes communautés de se réunir et de réfléchir ensemble à comment faire plus et mieux, sans attendre, en se donnant des moyens concrets, des éléments de plans d’action, pour performer et devenir meilleurs, innover plus et mieux, briller ici et à l’international. » – Luc Sirois, Innovateur en chef du Québec
Mon moment « chouchou » sera sûrement « Le pitch en 180 secondes » qui se tourne résolument vers l’avenir. Chaque porteur de forum [neuf en tout] présentera une ou deux idées dans neuf domaines dont l’innovation en entreprise, l’innovation sociale, la lutte contre le réchauffement climatique, l’innovation en santé, la Recherche, l’innovation pour le transfert des connaissances… et échangera avec M. Fitzgibbon.
CScience IA : Qu’attendez-vous de cet évènement ?
D’abord, j’ai assisté à trop de consultations où chacun souhaitait que seuls les gouvernants agissent, il me semble important que ce type d’évènement fasse germer l’idée que chacun peut se mettre au service de la culture d’innovation. Ensuite, il s’agit d’une bonne opportunité pour faire émerger des leaders engagés en faveur de l’innovation. Nous allons amplifier le désir de devenir innovant !
J’ai d’autres attentes : nous allons, d’une part, connaître la vision des membres du gouvernement et celle d’experts dans chacun de leur domaine. J’ai confiance qu’ils placeront le niveau d’ambition à la bonne place ; avec la deuxième journée, nous aurons ensuite des éléments de plans d’actions, des initiatives qui émergeront sans attendre la Stratégie qui verra le jour au printemps 2022 ; au Québec, nous sommes toujours confrontés à une vraie dualité entre l’économie et le développement social et durable.
Moi, je fais le pari qu’on peut faire les deux.
« C’est notre ADN ! L’innovation doit avoir un impact positif sur l’économie et sur la société. Notre place est unique dans le monde de ce point de vue et il faut propulser notre modèle de culture d’innovation. » – Luc Sirois, Innovateur en chef du Québec
CScience IA : Les PME sont incontournables dans l’écosystème québécois, comment innover dans les structures les plus petites ?
Beaucoup de PME sont innovantes, découvrent des solutions, parfois technologiques, parfois elles se contentent d’assembler des solutions innovantes.
Toujours, leur agilité fait progresser la société. Quant aux grandes entreprises, notamment celles qui évoluent dans l’industrie manufacturière, elles doivent comprendre que sans innovation ce sera la fin pour elle à échéance courte. À l’ horizon de cinq ans, elles risquent de mourir. Qui n’avance pas recule.
L’innovation doit être hissée au rang des priorités dans les grandes entreprises qui doivent investir en R&D. L’un des secrets : travailler avec les PME qui sont plus agiles et exécutent les solutions rapidement. Je pense que l’entreprise innovante à l’avenir sera constituée d’un réseau interconnecté jouant sur les forces de chaque entité.
C’est la raison pour laquelle, les PME ont tout intérêt à trouver des alliés commerciaux et à anticiper leur développement à l’international dès le début de leur activité.
CSCience IA : Quels sont, selon vous, les ressorts de l’innovation ?
En tant qu’être humain, nous avons tendance à l’inertie, à chercher la sécurité, le confort. Pour innover, il faut se mettre dans un certain état d’esprit et évoluer dans un cadre permettant l’innovation. L’innovation c’est aussi une affaire de culture.
On devrait pouvoir se dire : « Je peux et je dois être capable d’améliorer les choses. » Dans les organisations, se côtoient à la fois des profils créatifs, disruptifs qui vont de l’avant et d’autres plus conformistes qui ont besoin de rester dans le cadre et d’appliquer leur mission stricto sensu. Pour convaincre ce deuxième type de profil, il est nécessaire de mettre en place des expérimentations, des phases de validation… On ne peut pas décréter des changements organisationnels sans accompagnement, sans rassurer.
Néanmoins, il me semble qu’il faut aussi cultiver un certain état d’esprit, il faut instiller des graines révolutionnaires dans l’esprit de nos enfants. Toutefois, il s’agit d’une révolution tranquille et efficace. Même si « améliorer » n’est pas « innover », peut-être doit-on convaincre des profils frileux que l’innovation est avant toute chose une amélioration dans leur méthode de travail, dans leur quotidien… Il faudrait déguiser le loup en agneau.
CScience IA : Quelle place les partenariats public-privé doivent-ils prendre dans l’instauration d’une culture d’innovation ?
Le partenariat public-industrie est un levier fondamental. Investir dans la recherche appliquée et collaborative, c’est un atout immensément puissant. Par le passé, pour le gouvernement du Québec, j’ai financé ce type de collaborations. Si l’on souhaite apporter une valeur ajoutée distinctive, oui, le poste des partenariats public-industrie est à développer.
Et cela concerne au premier chef les deep tech [start-up proposant des produits ou des services sur la base d’innovations de rupture haute] dans le domaine de l’intelligence artificielle (IA), de l’optique-photonique, de l’informatique quantique… car toute entreprise de cette nature qui se crée aujourd’hui sera un géant de l’économie de demain.
Ces structures doivent inventer des protocoles et se connecter à des alliés, c’est juste une question de culture. Encore une fois, l’innovation est une affaire de culture. Avec la culture, on va plus loin qu’avec la seule intelligence.
Pour aller plus loin, dans certains secteurs, il serait judicieux d’aller au-delà du partenariat public-industrie. Le trio public-industrie-société serait plus approprié. C’est le cas, entre autres, dans les secteurs liés à la mobilité durable, où la question technologique devient secondaire par rapport à l’innovation sociale : dans ce cas, ce sont les façons de faire qui doivent changer.
Entretien réalisé par Nora Azouz
Rédactrice en chef de CScience IA