Mae Jemison : valoriser la recherche fondamentale de l’espace, et la contribution des femmes

Mae Jemison : valoriser la recherche fondamentale de l’espace, et la contribution des femmes

La Dre Mae Jemison relance le débat sur la valorisation de la recherche et de l’exploration propres à l’espace, et sur la représentation des femmes dans la communauté scientifique, dans le cadre de la série d’événements Leaders internationaux.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain accueillait la Dre Mae Jemison au Théâtre St-James il y a quelques semaines. Reconnue comme la toute première femme de couleur à avoir passé plus d’une semaine en orbite à bord de la navette spatiale Endeavour en 1992, Mme Jemison a participé à une discussion dans le cadre de la série Leaders internationaux, en présence d’acteurs de l’écosystème des affaires et de la rédaction de CScience.

La science d’aujourd’hui

S’adressant à un public d’environ 600 personnes, dont 200 étudiants et étudiantes en STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), la Dre Jemison a fait part de ses impressions sur les défis auxquels la communauté scientifique et technologique est confrontée aujourd’hui.

Parmi les sujets d’intérêt, elle a abordé la montée fulgurante de l’intelligence artificielle, reconnaissant les avantages et bienfaits de cette puissante technologie, surtout lorsqu’il est question d’exploration spatiale.

Elle voit cependant certains inconvénients se rapportant à l’utilisation de l’IA à des fins pratiques et rapides. Elle explique : « Mon problème avec l’intelligence artificielle est que les gens utilisent des mots à la mode et sensationnels comme s’il s’agissait d’une boîte magique qui allait résoudre tous les problèmes du monde. »

De plus, elle estime que l’IA encourage la paresse chez les gens et nous incite à nous méfier des intentions qui se cachent derrière l’utilisation de l’intelligence artificielle.

D’ailleurs, Mme Jemison souligne qu’il existe une certaine désensibilisation de la part de population à l’égard de l’exploration spatiale. Selon elle, la facilité et la commodité qu’elle nous procure diminuent notre reconnaissance envers la recherche scientifique.

« Il n’y a pas assez d’appréciation de ce que signifie la recherche fondamentale de l’espace. Une grande partie de ce que nous avons aujourd’hui ―les téléphones portables, Google Map, Siri, etc.― est attribuable aux avancées relevant de l’espace, et nous oublions que c’est grâce à la communauté scientifique et à la NASA que tout cela est possible. »

Selon elle, les aventures spatiales des « cow-boys de l’espace » ―les milliardaires Jeff Bezos, Elon Musk et Richard Bronson, qui monopolisent l’attention et la reconnaissance des médias― ne sont pas le reflet de la science. Au contraire, d’hier à aujourd’hui, ce sont les individus travaillant dans l’ombre qui sont les véritables explorateurs de l’espace.

Et Parmi eux, on compte, bien entendu, les femmes.

Les femmes en STIM

Une carrière astronomique

mae jemison montreal

Mae Jemison à Montréal

Animée par Martine St-Victor, directrice générale d’Edelman Montréal, et Ravy Por, associée en intelligence artificielle et données chez Deloitte, la conférence a mis en lumière les exploits ainsi que les expertises d’une femme afro-américaine qui a tout simplement dépassé les limites terrestres. De quoi être source d’inspiration pour de nombreuses femmes.

« Ne vous laissez jamais limiter par l’imagination des autres ; ne limitez jamais les autres à cause de votre propre imagination limitée. » Cette citation reflète le parcours d’une femme pionnière, qui a su transcender les limites imposées par la société à laquelle elle appartenait. Née en Alabama en 1956 et élevée dans la ville de Chicago, Dre Jemison est une scientifique dans l’âme et ce, depuis son enfance. Ayant obtenu son diplôme en génie chimique à l’université Stanford en 1977, elle a poursuivi ses études en médecine internationale au Collège Cornell à New York ainsi qu’au Kenya, où elle obtient son doctorat en 1981.

« Ne vous laissez jamais limiter par l’imagination des autres ; ne limitez jamais les autres à cause de votre propre imagination limitée. »

– Dre Mae Jemison

Quelques années plus tard, Mae Jemison devient médecin militaire pour le Peace Corps en Afrique de l’Ouest et contribue au développement d’un vaccin contre l’hépatite B.

C’est en 1987 qu’elle propose sa candidature à la NASA dans le but de devenir astronaute. Sur 2 000 candidatures, la Dre Jemison est sélectionnée et en septembre 1992, elle participe à la mission spatiale Endeavour en tant qu’ingénieure. Elle devient alors la toute première femme afro-américaine à franchir les frontières de la Terre.

La disparité scientifique

La science a longtemps été considérée comme un monde réservé uniquement aux hommes. Pourtant, au cours de l’histoire, de nombreuses femmes ont marqué le monde grâce à des découvertes majeures. La physicienne Marie Curie en est un bon exemple.

Néanmoins, le fossé entre les sexes a longtemps suscité des débats sur la place et la reconnaissance des femmes dans la communauté scientifique.

Alors, en ce mois de l’histoire des femmes et plus de 30 ans après la participation de Mae Jemison à la mission spatiale Endeavour, où en sommes-nous aujourd’hui en termes de disparité entre les sexes en science ? Si la proportion de femmes a augmenté dans les dernières décennies, la progression se fait lentement.

Effet, d’après l’ONU, les femmes représentent que 20% de l’industrie spatiale. Une tendance qui se maintient depuis maintenant près de 30 ans. De plus, la Fédération Internationale d’Astronautique rapporte que sur plus de 600 astronautes, 73 sont des femmes. Autrement dit, elles représentent que 11% des spationautes à travers le monde.

Cependant, la NASA annonce une prochaine mission historique baptisée Artemis, dont l’un des objectifs est de faire atterrir la première femme sur la Lune en 2026. L’équipage sera d’ailleurs composé à parts égales de neuf filles sur 18 passagers.

En ce qui concerne la recherche scientifique, on estime que 34.5% des chercheurs sont des femmes d’après une étude réalisée par le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) sont des femmes.

Aux États-Unis, on recense que 28,4% des travailleurs en science sont des femmes. Du côté de la France, le nombre d’étudiantes inscrites dans des profils scientifiques a chuté de 61 % en 2021 par rapport à 2019.

Cependant, cette disparité entre les sexes dans les sciences reste intersectionnelle, car il existe des domaines scientifiques où le taux de femmes dépasse de loin celui des hommes. La biologie, la médecine et la psychologie sont toutes des profils très populaires auprès des femmes.

En effet, 80,1% des psychologues du Québec sont des femmes.

De plus en 2021, deux étudiants sur trois inscrits dans les facultés de médecine francophones du Québec sont des filles, soit 70 % de l’ensemble des étudiants. De plus, près de la moitié des médecins de la province sont des femmes. On remarque également que de plus en plus de femmes exercent dans des spécialités autrefois considérées comme réservées aux hommes, telles que la neurologie, où l’on compte actuellement 136 femmes sur 438 spécialistes.

Malgré certaines carences, ces chiffres restent encourageants pour l’avenir des femmes dans la communauté scientifique.

Crédit Image à la Une : Mae Jemison à Montréal