« Now and Then » : la chanson issue des Beatles et de l’intelligence artificielle qui fait fureur

« Now and Then » : la chanson issue des Beatles et de l’intelligence artificielle qui fait fureur

La nostalgie et l’innovation sont au rendez-vous ce mois-ci avec le tout nouveau single des Beatles, intitulé « Now and Then ». Le 2 novembre dernier, le groupe musical le plus influent de son époque a sorti sa chanson finale, et cela grâce à l’intelligence artificielle.

Près de 50 ans après la dissolution officielle du groupe en 1974 et avec que la moitié des quatre membres encore parmi nous, les Beatles font fureur une nouvelle et dernière fois avec une chanson qui n’était pas censée connaitre le jour.

Lorsqu’il a été annoncé en juin dernier que le groupe le plus célèbre du monde utiliserait l’intelligence artificielle pour sortir son dernier single, Paul McCartney s’est dit à la fois terrifié et enthousiasmé par cette avancée technologique. « Nous verrons bien où cela nous mènera », a-t-il déclaré.

C’est la réflexion que mène généralement toute personne intéressée ou concernée par l’intelligence artificielle, et les retombées qu’elle peut avoir. Mais dans le monde de la musique, qu’implique réellement cette avancée technologique?

Afin d’y répondre, retournons d’abord quelques décennies en arrière…

Un manque technologique

En 1994, Yoko Ono remet aux membres des Beatles une cassette démo que son défunt époux, John Lennon, avait enregistrée avant sa mort brutale en 1980. Les Beatles décident alors de réenregistrer les chansons à partir du travail de Lennon datant des années 70. Paul McCartney, George Harrison et Ringo Starr réussissent, avec la technologie de l’époque, à produire les chansons « Free as a Bird » et « Real Love ».

Mais contrairement aux autres singles, le groupe est incapable de retravailler « Now and Then ». La raison? Ils n’arrivent pas à extraire la voix de Lennon de l’enregistrement, car le son du piano interfère avec la bande sonore. À cette époque, aucune technologie ne permet encore d’extraire les différentes trames d’un enregistrement. Résultat : les trois membres abandonnent finalement l’idée.

L’apprentissage automatique

Heureusement, 25 ans plus tard, le projet est de nouveau sur les rails, grâce à l’intelligence artificielle développée par le réalisateur Peter Jackson et son équipe technique lorsqu’ils travaillent sur « Get Back », le nouveau documentaire sur les Beatles.
Comme dans bien des domaines, l’intelligence artificielle reste un sujet quelque peu ambigu, en raison de sa complexité. Et la musique ne fait pas exception à la règle.

« En réalité, le procédé impliqué consistait à prendre une démo de John Lennon puis à sortir sa voix des décombres. Ils l’ont ensuite isolée et ont tout réenregistré. Ils ont donc séparé les pistes, ont gardé la voix de Lennon, et ensuite, c’était un enregistrement classique. »

– Philippe Goulet Coulombe, professeur au Département des sciences économiques à l’UQAM et expert en intelligence artificielle et musicien

Philippe Goulet Coulombe, professeur au Département des sciences économiques à l’UQAM et expert en intelligence artificielle et musique, explique en entrevue avec CScience que beaucoup semblent confondre les différentes technologies : « Quand le monde pense aux IA et musicien, ils vont plus parler d’utiliser l’intelligence artificielle pour créer une toune », amène l’expert, faisait référence à l’IA dite « générative », qui consiste à créer du contenu inédit.

« C’est une chose assez différente de ce que les Beatles ont utilisé pour faire leur chanson. En réalité, le procédé impliqué consistait à prendre une démo de John Lennon puis à sortir sa voix des décombres. Ils l’ont ensuite isolée et ont tout réenregistré. Ils ont donc séparé les pistes, ont gardé la voix de Lennon, et ensuite, c’était un enregistrement classique. »

Dans le monde de l’intelligence artificielle, l’apprentissage statistique permet aux applications et aux logiciels de prédire des résultats précis à partir de données basées sur la connaissance et l’expérience, sans avoir à être programmé. Il s’agit d’un type d’apprentissage machine.

Grâce à cela, les deux membres restants du groupe ont pu combiner les différentes pistes enregistrées au fil des décennies : la voix de John Lennon, le solo de guitare de feu George Harrison en 1995, le piano de Paul McCartney et la batterie de Ringo Starr.

L’ère de la démocratisation musicale

La chanson « Now and Then » est un cadeau quelque peu inattendu pour tous les fans des Beatles. Mais pour la communauté musicale, quel est l’impact de cette avancée technologique ?

D’après M. Goulet Coulombe, ce que les Beatles ont réalisé avec leur dernier titre est un pas important et crucial en ce qui concerne l’enregistrement d’une chanson ou d’un album.

Il ajoute qu’ « il y a beaucoup d’enregistrements d’archives qui vont potentiellement être utilisables, mais il y a aussi l’enregistrement live. Avec un band qui joue live, on a tout qui rentre, mais le problème c’est que la balance de sons est difficile à faire. D’ailleurs, il y a plusieurs sites internet qui permettent de faire ça. Maintenant, est ce que ça va avoir la même qualité qu’eux ont potentiellement ? Non, mais c’est quelque chose qui est de plus en plus courant. Ces outils-là vont démocratiser encore plus l’enregistrement. Cela veut dire que ce sera plus facile d’enregistrer tout croche et finalement sortir un produit qui est présentable », conclut l’expert.

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https://www.cscience.ca/2022/05/02/quand-la-technologie-se-substitue-aux-artistes-pour-creer/

Crédit Image à la Une : Possessed Photography (Unsplash) et archives