Prédire l’imprévisible : Quand la spontanéité des feux de forêt est savamment étudiée

Prédire l’imprévisible : Quand la spontanéité des feux de forêt est savamment étudiée

Bien que nous soyons souvent pris par surprise quand un feu de forêt et une évacuation sont annoncés, des scientifiques sont capables d’anticiper les zones propices aux feux et de prédire la manière dont les flammes se propageront. Les modèles mathématiques et l’intelligence artificielle participent alors à la gestion des incendies.

Un feu peut parcourir 5 km en seulement un jour, tandis qu’en trois jours, cette distance peut s’étendre jusqu’à 18 km, révèle un rapport de recherche de Ressources naturelles Canada. Ces conclusions émergent d’une étude couvrant 1980 communautés à travers le Canada, ainsi que d’une analyse approfondie des zones d’allumage, ces points névralgiques d’où les flammes peuvent se déclencher.

Cartographier la propagation des feux

Grâce à des modèles de simulation d’incendie avancés, l’étude de RNCan cartographie ces zones stratégiques et trace les itinéraires complexes que les feux peuvent emprunter pour se propager. « Avec l’augmentation en taille et en fréquence des feux de végétation, qui représentent une menace majeure pour les communautés à travers le Canada, cette étude apporte des perspectives nouvelles sur la dynamique des incendies », précise Yan Boulanger, chercheur scientifique en écologie forestière à Ressources naturelles Canada et affilié au Centre de foresterie des Laurentides. L’équipe du gouvernement fédéral fournit donc des informations cruciales pour la gestion des incendies et des risques associés pour les communautés et écosystèmes.

« Cette étude est fondamentale pour développer des stratégies de réduction des risques et de planification adaptées, équipant ainsi mieux les communautés face aux incendies de forêt. »

– Yan Boulanger, chercheur scientifique en écologie forestière à Ressources naturelles Canada

Selon M. Boulanger, « Cette étude est fondamentale pour développer des stratégies de réduction des risques et de planification adaptées, équipant ainsi mieux les communautés face aux incendies de forêt ». Le chercheur de Ressources naturelles Canada précise qu’un point clé de cette recherche est la variabilité des corridors d’incendie en fonction des sources d’allumage dans la formation des trajets de propagation des feux. L’équipe de Ressources naturelles Canada s’est également penchée sur la diversité des distances de propagation à travers différents écosystèmes.

Ces conclusions suggèrent l’importance des mesures préventives, d’autant plus que la saison des feux de 2024 pourrait être particulièrement virulente, en raison de l’hiver peu enneigé que nous avons traversé. En identifiant les zones à risque et les dynamiques complexes des incendies de forêt, cette étude offre des perspectives cruciales pour mieux équiper les communautés face à la menace croissante des incendies.

D’autres scientifiques ont recours à l’intelligence artificielle pour détecter et modéliser la propagation de ceux-ci dans le but d’informer la prise de décisions des services d’incendie lors de tels événements.

L’équipe de recherche dirigée par le professeur Moulay Akhloufi au département d’informatique de l’Université de Moncton fait appel à l’intelligence artificielle pour détecter l’ignition d’incendies à partir d’images satellites, de drones ou encore de caméras au sol. Ces méthodes, à la fois rapides et précises, ne dépendent donc pas de l’intervention d’avions ou de la capacité visuelle humaine aiguisée pour détecter un départ de feu sur des images.

« L’avantage de détecter les incendies avec l’intelligence artificielle est de faciliter les interventions. Même en présence d’obstructions visuelles, l’algorithme parvient à identifier un départ de feu grâces aux flammes ou à la fumée, là où la tâche serait complexe pour des humains. »

– Moulay Akhloufi, professeur d’informatique à la tête du laboratoire Perception, Robotics and Intelligent Machines (PRIME)

Grâce à l’algorithme élaboré au sein de l’équipe de l’Université de Moncton, il devient possible de prédire avec une grande précision la zone dans laquelle le feu se propagera dans les 24 heures suivant son déclenchement, en prenant en compte des facteurs tels que la direction du vent, l’humidité et la topographie. « L’avantage de détecter les incendies avec l’intelligence artificielle est de faciliter les interventions. Même en présence d’obstructions visuelles, l’algorithme parvient à identifier un départ de feu grâces aux flammes ou à la fumée, là où la tâche serait complexe pour des humains », explique le professeur d’informatique à la tête du laboratoire Perception, Robotics and Intelligent Machines (PRIME). Cela permettrait aux services d’incendie de déployer leurs ressources plus efficacement en ayant accès à de telles informations rapidement et en temps réel.

Les prémices de ce projet de recherche remontent à une quinzaine d’années, lors d’une collaboration avec une équipe basée en Corse en France. L’île méditerranéenne, déjà confrontée depuis des années aux ravages des feux estivaux, de même que les pays voisins, ont fourni de nombreuses données pour bâtir l’algorithme de l’équipe de recherche au Nouveau-Brunswick, qui s’appuie également sur des données en provenance des États-Unis. Depuis quelques mois, l’expertise du professeur Akhloufi suscite un vif intérêt à travers plusieurs provinces canadiennes, et de la part de divers organismes spécialisés dans la gestion des incendies.

M. Akhloufi ajoute que « l’intelligence artificielle a beaucoup à apporter dans la lutte contre les changements climatiques. Récemment, nous nous sommes également intéressés à l’océanographie. Il existe un véritable potentiel pour résoudre des problèmes sociétaux avec l’IA. » Depuis 2022, Alberta Wildfire a commencé à utiliser un outil alimenté par l’intelligence artificielle pour aider les agents de service à prendre des décisions et à utiliser les ressources de manière plus stratégique.

Les avancées des modèles mathématiques dans la détection et la propagation des incendies, bien qu’essentielles, ne remplaceront cependant pas les interventions humaines pour les éteindre.

Crédit Image à la Une : Matt Howard, Unsplash