[TimeWorld IA] Une première journée entre l’espace, l’enfance et les données en entreprises

[TimeWorld IA] Une première journée entre l’espace, l’enfance et les données en entreprises

Découvrez les moments marquants de la première journée du 5 mai 2022. Les déclarations, les échanges des  tables rondes et conférences choisies par la rédaction pour vous faire vivre l’essence de cette journée de TimeWorld IA sur le campus MIL de l’Université de Montréal.

Dessin de Louise Delange

C’est ce jeudi 5 mai dès 9h que le congrès scientifique mondial Timeworld, organisé par Innovaxiom en présentiel à l’Université de Montréal – Complexe des sciences – Campus MIL, a ouvert ses portes.

Comme l’annonçait en entrevue le 27 avril dernier sur CScience IA Laurence Honnorat, l’organisatrice de l’événement, près de 4000 participants sont attendus à ce grand rassemblement mondial de l’intelligence artificielle sur 3 jours.

À l’ouverture des portes ce jeudi matin, un nombre important de vente de billets dernière minute, en plus des inscriptions de longue date, semblait confirmer une participation élevée.


16H45 – 17H30 | L’IA est-elle utile pour mieux comprendre le développement de l’enfant et mieux intervenir ?

Même si la Docteure Ouellet-Morin ne fait pas d’IA en tant que tel, elle travaille dans l’IA « perçue » sous l’angle de la psychopathologie développementale, afin de travailler de manière plus efficace dans le développement de l’enfant. Elle travaille à comprendre les difficultés individuelles des phénotypes complexes comme par exemple des symptômes anxieux, dépressifs chez l’enfant et l’adolescent.

Les facteurs interagissent entre eux et sont complexes puisque leurs influences varient au long de la vie, selon l’âge de l’individus et des étapes de sa vie. Il y a des influences linéaires, non-linéaires, réciproques etc …. On cherche à savoir comment ces facteurs de risque influencent des difficultés liées à des phénotypes complexes.

Dwyer & Koutsouleris dans une étude de 2021 expliquent que l’apprentissage machine en sciences sociales est utile et d’ailleurs souvent utilisé pour étudier le développement de l’enfant. C’est un soutien à la prise de décision, pour les cas liés à l’autisme, à la dépression. Ça peut être une façon d’aider les enfants à apprendre et maintenir leur engagement au regard de l’apprentissage. Tout ceci est valable au tout début de son développement mais ce n’est pas rare qu’une personne qui fait ce genre de recherche se pose la question par rapport à la pertinence de l’utilisation de l’IA dans le cadre du développement des enfants.

Dre Isabelle Ouellet-Morin

Les enfants et les adolescents pourraient bénéficier de l’utilisation de l’intelligence artificielle afin de faciliter la personnalisation des diagnostiques et de la sélection des traitements.

Le cas de l’intimidation par les pairs est intéressant car il peut aider à mieux comprendre en quoi elle influence le développement de la santé mentale de l’enfant. L’intimidation implique la violence intentionnelle, elle survient entre des jeunes pour lesquels il y a un déséquilibre de pouvoir (force, âge, popularité, nombre) où la victime voit qu’il serait difficile pour elle de s’en sortir. Ce n’est pas un phénomène rare. Des dizaines d’années de recherche nous disent que les expositions d’intimidation durant l’enfance résultent en problèmes de santé mentale et de comportement. L’idée est d’essayer de comprendre comment cette exposition de violence crée une vulnérabilité.

Au Québec, il existe beaucoup de données sur la victimisation par les pairs, car certains enfants qui étaient présents lors des débuts des recherches ont aujourd’hui 18 ans, et ont accepté de se faire prélever une fine mèche de cheveux pour calculer leur niveau de cortisol. L’expérience a démontré la corrélation surtout chez les garçons et ce, de manière non-linéaire. (Réf : Ouellet-Morin et Al Journal Académique child adolescent psychiatry)

Suite à ces recherches, la Docteure a commencé le développement de l’application mobile « +Fort version 2.0 » pour permettre de redonner du contrôle aux enfants, leur redonner de l’espoir, voir et soutenir leurs désirs d’autonomie. Elle sert à informer, comprendre et orienter leur démarche de résolutions de problèmes.

« J’ai senti l’urgence d’aider et en étudiant l’intimidation par les pairs, j’ai pu développer l’application +Fort »

– Docteure Isabelle Ouellet-Morin

L’utilisateur se crée un profil très simple et rempli son journal. Une 50aine de stratégie sont comprises, et l’utilisateur peut les expérimenter. L’utilisation de cette application durant 4 à 6 semaines a permis aux jeunes de diminuer ses symptômes de dépression, d’anxiété ou de comportement antisocial lorsqu’exposé à des situations de stress.

L’outil utilise évidemment l’intelligence artificielle et nécessite des mises à jour régulières mais la donnée est là, facilement exploitable dans le but d’aider.


15H15-16H00  |  Comment faire atterrir l’IA dans les entreprises?

Entre espérance et engouement, faire atterrir l’IA est important pour le développement économique du Québec.

« Avant de débuter, l’entrepreneur doit se demander s’il est prêt pour l’AI « AI-ready » »

– Alain Lavoie, président et cofondateur de la Start-up LexRock AI

L’entrepreneur peut commencer par évaluer son niveau de maturité (AI readyness index) :

  • Non sensibilisé
  • Sensibilisé
  • Prêt
  • Compétent

Selon Tortoise Média, le Québec est 7ie au rang mondial dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Alain Lavoie

– Alain Lavoie, président et cofondateur de la Start-up LexRock AI

Pour l’entrepreneur, ses perspectives sont la croissance des revenus, la productivité en maximisant les processus, la main d’œuvre qui est une préoccupation d’actualité et la prévisibilité afin de faire une meilleure gestion. En 2015, arrive l’IA qui est le Saint Graal pour les industriels qui espèrent qu’elle va régler tous leurs problèmes. De la même manière que l’ont fait les technologies de l’information plusieurs années auparavant. Selon une étude du MIT, l’IA permets aux entreprises d’obtenir ou maintenir un avantage concurrentiel.

En revanche, ce n’est pas si simple. Il faut par exemple, analyser la donnée, la nettoyer etc … Il faut donc investir pour qu’elle soit exploitable. L’entrepreneur doit définir s’il souhaite être acteur ou utilisateur.

Pour l’universitaire, ses perspectives sont de former, rechercher et publier.

Comment concilie t’on les deux perspectives : celle du chercheur qui a besoin de temps, comme s’il faisait un marathon, et celle de l’industriel qui veut des résultats rapidement, comme s’il faisait un sprint?

Ça passe par un accompagnement, il faut une équipe de transfert technologique afin de faciliter les échanges entre les chercheurs et les entreprises. Il y a 268 000 entreprises au Québec, si les gouvernements pouvaient aider les entrepreneurs à faire cette transition, cela serait très utile.

Selon Alain Lavoie, « le but ultime étant d’utiliser la force actuelle en IA de façon à permettre à des entreprises d’ici de devenir des fleurons mondiaux grâce au savoir-faire québécois. »


13H45 – 14H30 | Peut-on faire de l’IA avec peu de données ?

Ayant accès à un grand nombre de données à Montréal, l’apprentissage profond s’y est beaucoup développé. Un des points marquants dans l’évolution de l’apprentissage profond a été celui fait par l’université de Toronto qui a démontré l’application des réseaux de neurones pour la reconnaissance d’objets. Entre 2012 et 2014, la recherche a fait des gains incroyables en termes de développement de grands modèles de langues, de la langue naturelle.

Vers la fin des années 2010, ont émergé des modèles de représentation de textes écrit en langage naturel comme « BERT » ou des algorithmes préalablement formés à l’aide d’une énorme base de données conçue pour générer du texte tel que « GTP-3 ». Ce modèle va générer du texte directement, c’est-à-dire qu’on lui donne quelques idées et il reproduit du texte cohérent.

Mais alors, la question se pose en recherche : lorsqu’on n’est pas Google, comment peut-on faire pour créer des systèmes intelligents avec relativement peu de données ?

Christian Gagné, Directeur de l’Institut intelligence et données, Université Laval

Christian Gagné, Directeur de l’Institut intelligence et données, Université Laval

Les chercheurs ont accès à plusieurs principes comme le Meta Learning souvent entrainé sur ImageNet pour pouvoir fonctionner avec moins de données. Il faut beaucoup de données pour les créer mais après, ils fonctionnent avec moins de données.

Une des pistes à explorer pour faire en sorte que le modèle fonctionne avec moins de données c’est ce qu’on appelle aussi des méthodes d’augmentation : créer des variantes avec peu de données, on multiplie l’effet de notre donnée.

On a aussi accès à l’apprentissage par transfert qui permet de faire converger des données et connaissances.

L’apprentissage profond est l’une des technologies essentielles du Machine learning, ce sont une série d’algorithmes capables de reproduire les actions du cerveau humain grâce à des réseaux de neurones artificiels.

Tout ceci est en constante évolution et amélioration.

Les outils Github Copilot qui fait de la programmation informatique automatiquement a de bonnes capacités pour synthétiser la donnée et Dall-e2 qui produit des images imaginées lorsqu’on lui dicte des mots, est impressionnant en termes de performance.

Les aspects conceptuels de l’intelligence biologique montrent qu’on n’a pas besoin d’1 million d’images ou d’interactions pour fonctionner convenablement et pour apprendre, un enfant non plus. C’est intéressant de faire appel à la statistique de données mais on devrait être capable d’apprendre avec moins de données. Il faut penser à avoir des données qui ont un sens commun.

“Ces modèles sont un sous-produit du capitalisme de surveillance, proposés par les géants du web.”

– Christian Gagné, Directeur de l’Institut intelligence et données, Université Laval

Les aspects environnementaux ne sont pas à ignorer : la quantité d’énergie nécessaire pour produire cette donnée est faramineuse. Aujourd’hui, l’infonuagique (i.e. cloud) représente 1 à 2% des ressources énergiques mondiales qui y sont consacrées contre 8% projetés en 2030.


10H45 – 12H15 | L’IA pourrait-elle prendre des décisions à la place des centres de contrôle ou de l’astronaute ?

Quel privilège d’être dans la même salle que des femmes et des hommes d’exception! En effet, un astronaute est un opérateur de machines complexes, qui œuvre dans des conditions extrêmes où la sécurité est primordiale, à une vitesse excessivement rapide. Ils sont choisis parmi des métiers différents comme astrophysiciens, vulcanologues, chirurgiens cardiaques, physiciens nucléaires, mathématiciens etc .. Puis ils sont formés à trouver des solutions innovantes. Leur diversité d’expertise est importante. Ces personnes sont donc d’une haute valeur pour la société et l’on ne peut pas se permettre d’échouer en les envoyant dans l’espace.

Au début des carrières de nos orateurs, David Saint-Jacques, Eileen Collins, Jean-François Clervoy, Julie Payette et Terry Virts, le terme « intelligence artificielle » n’existait pas. Leur première expérience avec l’IA remonte à la fin des années ’80 : David St-Jacques se souvient de la première fois qu’il a utilisé un GPS ; Eileen Collins lorsqu’elle a travaillé sur un logiciel permettant d’éviter des accidents de voitures ; Jean-François Clervoy et Terry Virts dans des films de science-fiction comme 2001:L’Odysée de l’espace, adolescents, ils se rappellent s’être posé la question si le genre de machines présentes dans le film existeraient un jour ?

Aujourd’hui, l’IA fait partie intégrante de la vie de tous. Cependant, même si l’IA nous permet d’économiser beaucoup de temps, elle n’atteint pas encore la perfection. Elle doit être entraînée, retravaillée, programmée et nourrie de données, en revanche, elle est stable. Les orateurs indiquent que pour la sélection d’astronautes, une partie du processus de recrutement fait appel à l’intelligence artificielle. Mais certains aspects, notamment de « les traits de personnalité », sont toujours examinés par un jury composé d’humains. L’IA permet de déléguer des tâches répétitives, dangereuses et difficiles. Par contre, le ressenti, les émotions, les joies, les peines, ne seront jamais transmis par des machines.

« On améliore l’intelligence artificielle tous les jours, mais on n’arrivera jamais à remplacer le cerveau humain à 100% »

– Julie Payette, astronaute

Dans une navette spatiale, un grand nombre de tâches est automatisé. Par exemple, lors des 90 premières secondes du décollage, il a été prouvé que l’humain n’est pas meilleur que la machine. Les pilotes ont donc interdiction de toucher à quoi que ce soit jusqu’à ce qu’ils entendent : « CSS (control stick stearing) -OK ».

Cela prend du temps pour que l’humain comprenne qu’il doit faire confiance à la machine. Sur les F16 par exemple, un mécanisme qui empêche les avions de piquer au sol est intégré au système de pilotage. Il y a 15 ans, plusieurs pilotes ont perdu la vie. Car, n’y faisant pas encore confiance, ils ont contourné ce mécanisme et finalement, l’avion s’est écrasé. Le dilemme : avoir confiance que la machine va comprendre ou savoir quoi faire.

« On fait confiance aux ingénieurs pour des choses très dangereuses alors pourquoi pas l’IA »

– David St-Jacques, astronaute

foule conférence IA

Un salle remplie pour écouter les astronautes

Faire une chose automatique, systématique, binaire reste simple. Mais dès l’instant où on y rajoute une multitude de données, est-ce qu’on est prêt à accepter de ne pas pouvoir intervenir ? Une des forces de l’IA c’est le traitement de grandes quantités de données. Et ceci est sous-estimé par un grand nombre d’utilisateurs qui ne voient pas encore les bénéfices de celle-ci.

« On ne compte pas le nombre de fois où l’automatisme a sauvé la situation »

– Jean-Francois Clervoy, astronaute

De nombreuses questions ont été posées par les participants à la conférence, les astronautes panelistes sont tous sont d’accord pour dire qu’ils confieraient leur vie à l’IA, avec un bémol sur l’aspect émotif. Mais au fond, est-ce que l’émotion est utile pour prendre des décisions drastiques ?

« Les pilotes ne voient pas toute la donnée. L’IA est fondamentale pour un astronaute, car un humain ne peut pas tout intégrer. »

– David St-Jacques, astronaute


9H15-10H00 | Une conférence d’ouverture teintée d’espoir

Laurence Honnorat

Laurence Honnorat qui souhaite la bienvenue à #TimeworldIA

Durant cette conférence d’ouverture, on entend que l’IA suscite la crainte mais surtout l’espoir. Craintes d’une utilisation malveillante de l’IA mais surtout l’espoir que l’IA puisse libérer l’humain de tâches répétitives ou trop complexes d’appréhension. Nous verrons aujourd’hui les multiples facettes de l’IA : scientifique, politique, économique, du monde des affaires, académique et artistique.

« Construire un avenir meilleur grâce aux données »

– Luc Rabouin, responsable du développement économique et commercial, du savoir, de l’innovation et du design

Montréal investit dans la recherche et la formation de la relève, contribuer à l’avancement des connaissances pour le bénéfice des sociétés pour l’excellence et l’agilité des sciences de la donnée.

« Je vous invite à co-signer la déclaration de Montréal pour le développement de l’IA qui a déjà 2600 signataires en appui au développement et à la recherche fondamentale. »

– Carole Jabet, directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec en santé (FRQ-S)

timeworld IA conférence ouverture salle pleine

Salle pleine à la conférence d’ouverture

Cet événement permettra de faire un état des lieux sur l’IA dans le monde ainsi que de déterminer avec les experts invités ce qu’il reste à faire :

  • Dans les univers scientifiques : les mathématiques, la chimie et la physique = IA mesurée ;
  • Dans les univers réfléchis : la sociologie, la psychologie et la philosophie = IA perçue ;
  • Dans les univers vivants : la médecine et la biologie = IA du vivant ;
  • Dans les univers artistiques = IA de l’art.


9H20 : Ouverture perturbée par des manifestants

Manifestation au TimeWorld

Manifestation au TimeWorld

Comme cela était annoncé sur Twitter, l’ouverture des conférences a été perturbée par des manifestants qui se sont introduits dans le grand amphithéâtre aux cris de “Ni condos, ni campus”.

Il s’agirait d’un collectif de locataires du quartier de Parc-Extension, où se situe le campus MIL de l’Université de Montréal. Les manifestants sont venus condamner l’embourgeoisement du quartier et la hausse inabordable des loyers du fait, selon eux, de l’arrivée des entreprises et centres de recherche en intelligence artificielle sur le territoire depuis cinq ans.

Les perturbations n’ont duré que quelques minutes avant que la conférence d’ouverture puisse reprendre son cours normal.

Pour un résumé de notre couverture de la journée de Vendredi 6 mai à Timeworld, cliquez ici.

CScience IA est partenaire officiel de l’événement.