Afin de rendre l’intelligence artificielle (IA) plus « verte », des chercheurs de l’Institut québécois d’intelligence artificielle (Mila) ont développé un code informatique qui détermine la consommation en gaz carbonique de différents modèles d’apprentissage machine. Les scientifiques espèrent ainsi offrir à leurs collègues un outil qui leur permettra de choisir plus judicieusement où ils développeront leurs algorithmes.
L’IA peut aider à la préservation de l’environnement et à combattre les changements climatiques. En effet, comprendre les mécanismes climatiques complexes est désormais une possibilité grâce aux bases de données connectées analysées par les modèles d’IA.
Toutefois, la puissance de calcul requise pour affiner ces modèles demande souvent une importante consommation d’énergie, à laquelle est liée une empreinte écologique potentiellement néfaste.
LOGICIEL EN SOURCE LIBRE
C’est pour cette raison que deux chercheurs du Mila ont créé Code Carbon, un logiciel informatique en source libre « qui s’intègre de manière simple et transparente dans la base de code Python ».
« Près de 99 % du développement de l’IA, ce sont des modèles ratés, des successions de tests et d’expériences, qui à la fin du processus donnent un modèle fonctionnel. Toute cette recherche demande du temps de calcul (sur des superordinateurs) qui consomme de l’électricité », explique Victor Schmidt, étudiant au doctorat au Mila et co-créateur du code.
Le logiciel estime la quantité de dioxyde de carbone (CO2) produite par les centres de données dans le cadre de leur exploitation par un modèle d’IA. Pour ce faire, le code prend en compte le type de matériel informatique utilisé, sa localisation géographique et le réseau électrique sur lequel le centre de données est branché.
« Prenons en exemple le Québec qui produit une énergie « propre » grâce à l’hydroélectricité; on peut calculer qu’on produit 20 grammes de CO2 au kilowatt/heure. En Iowa, ça grimpe à 736 grammes de CO2 au kw/h parce qu’on utilise surtout du charbon pour générer de l’électricité. C’est presque 40 fois plus de CO2 » –Victor Schmidt, co-créateur de Code Carbon.
Ainsi, la plateforme de Code Carbon incite les chercheurs à optimiser l’efficacité de leurs codes et les conseille sur la manière de réduire leurs émissions en choisissant leur infrastructure cloud dans des régions utilisant des sources d’énergie à faible empreinte carbone.
L’initiative est issue d’une recherche de M. Schmidt et de trois de ses collègues sur les émissions de dioxyde de carbone causées par l’apprentissage machine, publiée en octobre 2019.
Depuis, le logiciel a reçu l’appui de la firme BCG GAMMA, du Haverford College, de Comet.ml et, bien entendu, du Mila.
L’IMPACT DE L’IA SUR L’ENVIRONNEMENT
« L’IA est une technologie exceptionnelle et essentielle pour le bien commun, mais il faut cependant être conscients de son impact environnemental croissant. C’est l’ambition de CodeCarbon. Nous souhaitons inciter la communauté d’experts de l’IA à mieux évaluer, à révéler et surtout à réduire son empreinte carbone », affirme par communiqué Yoshua Bengio, fondateur de Mila.
Le paradoxe entre le pouvoir transformateur de l’IA et la voracité énergétique des algorithmes d’apprentissage machine n’est pas passée sous le radar des experts.
La Commission québécoise de l’éthique en science et en technologie a dédié un article complet à ce sujet. Certaines informations rapportées pourraient donner une douche froide à ceux qui voient en l’IA une solution miracle au combat contre les changements climatiques.
Effectivement, on y cite un article du journal Nature, dans lequel on estime que la consommation d’énergie des technologies de l’information et des communications et de l’IA, « qui représente actuellement environ 1 % de la consommation d’énergie mondiale, pourrait grimper jusqu’à 20 % vers 2030 ».
De plus, les ressources informatiques et la consommation d’énergie déployées dans l’entraînement d’un seul algorithme d’apprentissage profond seraient cinq fois plus polluantes que le cycle de vie complet d’une voiture, selon une recherche du College of Information and Computer Sciences University of Massachusetts Amherst.
C’est un enjeu qui préoccupe M. Schmidt et ses collaborateurs. « L’IA peut servir à visualiser les impacts des changements climatiques, à détecter les feux de forêt, les inondations ou le smog. Il ne faudrait pas que l’impact environnemental de l’IA soit plus grave que ce que l’on veut combattre. »
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