Le Quartier de l’Innovation, piloté par Damien Silès, en partenariat avec le Département d’études urbaines et touristiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a imaginé mettre en circulation une navette autonome électrique dans le quartier de la Petite-Bourgogne, à Montréal. Objectif: lutter contre l’insécurité alimentaire. Explications.
« Olli, où puis-je acheter des légumes frais ? Où se trouve le jardin communautaire ? ». Olli, c’est une navette autonome, imprimée en 3D et 100% électrique. Le véhicule attend de voir le jour dans le Quartier de l’Innovation, et plus particulièrement dans le quartier de la Petite-Bourgogne. Sa mission: aider les habitants à sortir du désert alimentaire. « Le quartier de la Petite-Bourgogne est un quartier, on le sait, défavorisé », témoigne Damien Silès, le directeur général du QI. « On parle de 68% des habitants du quartier qui n’ont pas accès à une source d’alimentation proche de chez eux », poursuit-il.
UN QUARTIER HÉTÉROGÈNE EN PROIE A DE FORTES INÉGALITÉS
Le quartier compte 10.000 habitants, « avec un profil socio-économique extrêmement diversifié », explique Benjamin Docquière, chercheur associé au projet, candidat à la maîtrise en études urbaines à l’UQAM. « On va avoir des parties du quartier très aisées, autour du marché Atwater et du Canal de Lachine, avec un salaire médian à plus de 100.000$ par année par habitant. Et puis, plus on va s’éloigner, vers la rue Saint-Jacques par exemple, plus on va retrouver des zones avec une forte concentration de logements à loyers modérés. Puis des HLM, des coopératives d’habitations et anciens logements non rénovés, où les habitants ont des revenus extrêmement faibles. Ainsi, on estime que 43% des habitants de la Petite-Bourgogne vivent en dessous du seuil de pauvreté canadien. C’est-à-dire avec moins de 2000$ par mois avant impôts », précise-t-il.
Par conséquent, l’écrasante majorité de ces personnes à faibles revenus se concentre dans les parties dites périphériques, selon le chercheur. « C’est-à-dire les zones du quartier qui sont les plus exclues du système alimentaire et du système de transports en commun » ajoute-t-il. Des populations en plein désert alimentaire, car « elles habitent à une distance physique de plus de 500 mètres d’une source d’alimentation abordable, saine et qui offre des fruits et des légumes à des prix abordables ».
OLLI POUR LUTTER CONTRE LES DÉSERTS ALIMENTAIRES
La navette autonome de Local Motors, a donc été pensée pour aider ces habitants à se rendre dans un supermarché abordable, mais également à se rendre vers toute l’offre communautaire disponible dans le quartier. « Olli pourrait les emmener au jardin communautaire pour leur permettre de rencontrer des personnes qui vont les aider à planter et cultiver leurs propres fruits et légumes par exemple. Ces habitants de la Petite-Bourgogne n’ont, aujourd’hui, pas forcément accès à l’agriculture urbaine ni à toutes les ressources qui peuvent les aider financièrement, comme la distribution gratuite d’aliments pour les revenus les plus faibles », indique Benjamin Docquière.
UNE NAVETTE CONTROLÉE PAR DES OUTILS D’IA
Equipée de radars et de sonars, Olli a été programmée pour suivre trois parcours différents. « Un parcours général et deux parcours de secours. Si Olli détecte une perturbation quelconque sur la voirie, elle peut permuter par elle-même sur l’un des deux autres parcours programmés dans sa mémoire », explique Benjamin Docquière.
Le parcours général au départ de l’angle rue Saint-Jacques et de la rue des Seigneurs passerait par l’ensemble des organisations communautaires du quartier pour rejoindre le “Super C” proche du marché Atwater.
« Olli serait une première au Canada », se félicite le Directeur général du Quartier de L’Innovation. « L’idée était de définir, avec la population, un parcours qui répondait à une problématique. Cette démarche est une première pour tout le monde, car elle englobe une innovation collective dans laquelle on écoute l’avis de tous pour arriver à un projet bien concret. Et ce qui est intéressant c’est qu’on pourrait le faire pour la première fois dans le centre-ville », poursuit-il.
Prêt à être lancé au printemps de cette année, le projet Olli est en suspens depuis le début de la crise. « Avec les nouvelles mesures sanitaires telles que la distanciation sociale, il est difficile de mettre 12 à 15 personnes debout dans une petite navette », explique Damien Silès. « L’arrivée de la pandémie a été l’occasion d’aller sonder le quartier sur les nouveaux besoins qu’ils pourraient avoir dans un contexte comme celui-là : aller au centre de gym, au centre culturel, à la bibliothèque, aller magasiner sur la rue commerçante. Qu’est-ce qu’on pourrait mettre à l’intérieur de la navette par améliorer leur quotidien ? Distributeur de pains frais à l’intérieur ? Livraison de médicaments ? », précise Benjamin Docquière.
UN LABORATOIRE MOBILE
Damien Silès voit la navette Olli comme un véritable « laboratoire mobile ». Un projet dans lequel il travaillerait avec des start-ups pour « greffer sans cesse de nouvelles innovations en IA ». Pour le DG du Quartier de l’Innovation et Benjamin Docquière, il est envisageable d’imaginer la navette entrer en interaction avec ses passagers et répondre à leurs questions.
« On peut programmer Olli un peu comme on en a envie. Une personne pourrait tout à fait entrer dans la navette et lui demander où acheter ses légumes, elle serait capable de lui indiquer sans problème qu’elle trouvera tel supermarché à tel arrêt », indique le chercheur associé du projet. « Et Olli parle plusieurs langues ! ».
Si la situation s’améliore, la navette Olli devrait voir le jour l’année prochaine. Un projet à suivre donc.