L’IA prend son envol dans le transport aérien

L’IA prend son envol dans le transport aérien

En aviation, les technologies digitales comme l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage machine évoluent, malgré la tolérance limitée aux risques propre à cette industrie. L’IA fait ses plus grandes percées dans les domaines de la sécurité, aux opérations, en maintenance, et la pandémie ouvre de nouvelles perspectives…

LA SÉCURITÉ PRÉDICTIVE

Du côté de la sécurité, les lignes aériennes utilisaient des algorithmes de vérification depuis des décennies. C’est-à-dire que l’on trouvait ce que l’on cherchait, par exemple dans une boite noire après un écrasement.

Comme nous l’avons constaté lors d’un panel d’AIxSpace, au mois de janvier, cette approche risque de changer grâce à des techniques sans supervision propre à l’IA. On génère actuellement des modèles qui contribueront à la sécurité prédictive.

« On peut penser au jour où l’analyse computationnelle des données se fera, non pas au sol après le vol, mais directement dans les airs par le pilote avec l’assistance de l’IA. » – Laurent Kokanosky, chef de produits, analyse des données de vol chez Safran Electronics & Defense

DES OPÉRATIONS OPTIMISÉES

Du côté des opérations, des solutions comme OptiFlight et OptiDirect de Safety Line permettent à des compagnies aériennes de profiter de l’intelligence collective et des données opérationnelles historiques de vol pour optimiser le plan de vol (encore papier dans bien des cas) avant et pendant le vol.

Le Waze des pilotes d’avion est implanté notamment chez Transavia, Air France et Air Asia depuis un an. Les résultats sont prometteurs : une économie moyenne de carburant de 80 tonnes sur une flotte de 30 avions, une diminution du CO2 (260 tonnes) et une économie de temps d’une minute par vol (30 heures sur 2 000 raccourcis proposés).

Ce logiciel sert aussi d’aide à la décision concernant les changements de vitesse à différentes altitudes durant le vol. Ce qui sauve encore plus de carburant ‘’climb fuel’’ (800 tonnes en un an chez Transavia en 2020). Enfin, l’optimisation des opérations au sol se fait avec des solutions comme Engine-Out Taxi.

« Les pilotes peuvent jouer un rôle important pour sauver du temps et du carburant, s’ils y sont engagés.» – Emeric Lazard, spécialiste des opérations aériennes chez Safety Line

LA MAINTENANCE

Les coûts d’entretien grugent une grande partie de la marge bénéficiaire des compagnies aériennes. Le potentiel de développement pour les solutions digitales est énorme; considérant que nous sommes passés de 12 paramètres enregistrés à 1 000 paramètres par seconde lors d’un vol sur un avion moderne.

Des milliards de données avec lesquelles on pourrait faire bien plus, selon Laurent Kokanosky, chef de produits, analyse des données de vol chez Safran Electronics & Defense. Cassiopée Alpha a vu le jour dans cette optique.

Comment faciliter l’utilisation des données détenues par des manufacturiers et des compagnies aériennes sur différents avions et avec des langages de programmation différents (Python, R, etc.)? L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de débloquer le potentiel de l’IA en matière de surveillance du comportement des avions.

En novembre 2020, China Southern Airlines a adopté cette plateforme sur l’ensemble de sa flotte qui compte plus de 600 avions. La plateforme de décodage et d’analyse des données de vol permet, par exemple, de faire diminuer le nombre d’interruptions de vol ou de prendre conscience du temps dédié à étudier les durées de vol atypiques afin de l’optimiser.

Autre particularité : la plateforme s’enrichit de la contribution des utilisateurs pour permettre d’alimenter ses propres outils de data science, de façon autonome sur son infonuage, et de construire son programme de maintenance préventive et prédictive.

Maintenance, tableau de bord. Une photo de Safran media library

Bombardier a, quant à elle, fait appel à la jeune pousse OVA (récipiendaire du prix OCTAS – Startup de l’année 2019) pour maintenir l’excellence de son contrôle de la qualité après avoir automatisé son processus de fabrication des composites dans un avion commercial.

Avec un plus grand nombre de pièces produites plus rapidement, le besoin d’inspection et de réparation avait crû de manière significative. L’approche a été de créer des interfaces et des environnements synthétiques (des jumeaux digitaux en 3D) pour permettre aux opérateurs de localiser les défauts plus rapidement que ne le ferait le robot de fabrication (en raison de la très grande taille des panneaux de fuselage combinée à leurs caractéristiques – sombres avec très peu de réflexion).

Il s’agit de fournir la localisation spatiale du défaut directement au dispositif de réalité augmentée qui, à son tour, guide l’opérateur. Avec l’aide de l’intelligence artificielle, la pièce de l’avion est fixée dans l’espace et les hologrammes peuvent être juxtaposés sur la pièce réelle de façon précise.  

La technologie de réalité augmentée s’est avérée suffisamment robuste pour une utilisation industrielle dans un environnement de production, chose plutôt rare encore de nos jours!

À long terme Bombardier vise à augmenter de 260 % l’efficacité de sa chaîne d’approvisionnement à travers le déploiement de StellarX, selon Harold Dumur, président et fondateur d’OVA.

LE CONTRÔLE AÉRIEN

L’IA fait son chemin également dans les aéroports et la gestion du trafic aérien. La mobilité aérienne avancée est appelée à évoluer pour s’adapter aux changements climatiques, à la congestion dans les villes et aux événements comme la Covid-19.

La Covid a d’ailleurs mis en lumière des opportunités pour l’IA en Aérospatiale.

« Avec la pandémie, l’accès aux infrastructures critiques est devenu encore plus critique. » – Ruby Sayyed, Chef Aviation, Technology & Innovation – Advocacy à l’Association internationale du transport aérien (IATA)

La pandémie a révélé la valeur ajoutée de la robotique ou de la réalité augmentée pour atteindre des endroits névralgiques. Des drones ont servi à l’inspection des infrastructures, à la surveillance des pistes ou à la livraison de médicaments (en Floride notamment).

Beaucoup d’aéroports étudient actuellement comment elles peuvent utiliser la réalité augmentée pour faire l’inspection des pistes aériennes.  Le rôle de l’humain est appelé à changer.

LA ROBOTIQUE

Enfin, l’IA contribue à rendre les robots plus sensibles aux environnements. Jerome LE NY, professeur associé à Polytechnique Montréal (Ivado), travaille avec son équipe sur des systèmes autonomes et des robots aériens (drones) pour les rendre plus utiles, plus intelligents et plus faciles d’interaction.

« Ce qu’on veut, c’est développer des coéquipiers autonomes, en qui on peut avoir confiance, capable de s’autoévaluer et d’émettre des rapports sur les tâches accomplies.» – Jerome LE NY, Ivado labs

Les applications sont nombreuses que ce soit, des groupes de drones pouvant cartographier automatiquement des infrastructures et des environnements éloignés pour détecter des feux de forêt, par exemple, ou des robots pouvant réparer dans des endroits dangereux.

L’analyse synthétique, la simulation, l’optimisation des opérations, la robotique et les modèles prédictifs auront des effets sur l’industrie de l’aviation pour des années à venir. Nous pourrions cependant nous attarder, une prochaine fois, aux barrières à l’entrée de l’IA en aviation puisque celles-ci constituent un frein important dans l’évolution du pipeline de projets technologiques en aviation.