Big Pharma : quand l’IA copilotera la recherche

Big Pharma : quand l’IA copilotera la recherche

Faire évoluer la biologie et la pharmacologie à leur « prochain niveau » : c’est le futur rendu possible par l’informatique et les mathématiques, selon Yoshua Bengio, cofondateur du Mila. Ce dernier croit que l’apprentissage automatique pourra guider les chercheurs vers des médicaments plus efficaces, et même décider de la direction que devrait prendre la recherche.

La figure de proue de l’intelligence artificielle (IA) au Canada a fait ces commentaires à l’occasion d’un webinaire présenté mercredi sur l’utilisation de cette technologie dans le domaine de la recherche pharmaceutique.

Non seulement les algorithmes facilitent de plus en plus le travail en laboratoire, mais ceux-ci viendront éventuellement piloter la façon dont seront élaborées les expériences scientifiques.

« La manière de procéder en science est encore artisanale lorsqu’il est question des hypothèses à explorer. C’est en partie l’intuition et l’expérience des chercheurs qui vont déterminer les approches qui seront adoptées. L’informatique et les mathématiques nous offrent désormais des indices sur la façon dont nous pouvons trouver des chemins vers la connaissance scientifique », a affirmé M. Bengio.

Le professeur faisait, entre autres, allusion à l’apprentissage actif, un modèle d’apprentissage machine semi-supervisé.

« En apprentissage machine classique, on utilise un jeu de données que l’on nourrit au modèle et on tire les résultats de ce processus. Toutefois, les modèles d’apprentissage actifs peuvent nous proposer les prochaines données pertinentes à intégrer afin d’améliorer les résultats », a-t-il expliqué.

Essentiellement, ces modèles peuvent donc déterminer les prochaines expériences qui devraient être menées par les scientifiques, par exemple dans le cadre de recherche clinique pour le développement d’un nouveau médicament.

EXPLOSION CAMBRIENNE

Les autres panélistes présents lors de cette présentation préparée par le Consortium québécois sur la découverte du médicament abondaient visiblement eux aussi dans ce sens, ne cachant pas leur fébrilité par rapport à ce sujet.

« Nous nous trouvons devant une explosion cambrienne en ce qui concerne les découvertes [assistées par l’IA] », a lancé Kimberly Powell, vice-présidente au département des soins de la santé chez Nvidia.

Cette dernière faisait ainsi référence à l’apparition soudaine, il y a plus de 500 millions d’années, d’une grande diversification des classes et des espèces animales, végétales et bactériennes afin d’illustrer le potentiel de l’IA dans le domaine de la recherche pharmacologique.

« C’est incroyable ! Tout se passe si rapidement. Avant, on parlait de percées qui arrivaient chaque mois, maintenant c’est presque chaque semaine qu’une nouvelle approche en IA révolutionne hypothétiquement le secteur pharmaceutique. » – Kimberly Powell, vice-présidente, département des soins de la santé, Nvidia

Pour contextualiser ses propos, celle-ci a indiqué que chaque jour 10 téraoctets de données dans le milieu de la santé sont produits dans le monde, soit l’équivalent de 2 000 000 chansons de qualité moyenne au format MP3.

En effet, ce secteur, que ce soit en recherche ou dans l’octroi de soins, représente près de 30 % de la donnée globale.

Ainsi, même si nous n’en sommes qu’aux balbutiements de l’utilisation de l’IA dans la recherche pharmaceutique selon Mortem Sogaard, vice-président et directeur du département des sciences émergentes chez Pfizer, la plupart des panélistes s’accordaient à dire qu’il était nécessaire de favoriser une plus grande collaboration possible entre les acteurs du milieu, incluant les grands laboratoires pharmaceutiques, les centres de recherches universitaires et les établissements de santé.

Le ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, a insisté sur l’importance de cette « collaboration » afin de fournir un « bon environnement » pour attirer les talents en recherche lors de sa présentation vidéo d’ouverture au début du webinaire.

Celui-ci a déjà tenu des propos similaires dans le passé, allant même jusqu’à proposer d’appâter l’industrie pharmaceutique avec les données médicales des Québécois détenues par la Régie de l’assurance maladie du Québec.

Cette idée avait alors créé un tollé auprès de l’opposition politique à l’Assemblée nationale qui s’était alors inquiétée des conséquences qu’aurait une telle politique, surtout en matière de protection des renseignements personnels.

Crédit photo : Pexels / Pixabay