Décès de François Laviolette : le Québec perd un pilier de la recherche en IA

Décès de François Laviolette : le Québec perd un pilier de la recherche en IA

Annoncée dans les réseaux sociaux par Lyse Langlois, directrice générale de l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA), la disparition de François Laviolette, chercheur en intelligence artificielle laissera un vide difficile à combler dans le milieu de la recherche.

« Repose en paix mon cher ami, nous allons poursuivre le travail », tels sont les quelques mots laissés sur Twitter par Lyse Langlois pour annoncer le décès de son collègue de l’OBVIA, survenu le 26 décembre dernier.

Aux yeux de la directrice générale de l’OBVIA, François Laviolette avait « de grandes capacités de vulgarisation ».

« Il était un excellent pédagogue et était généreux de son temps, nous confie-t-elle. Il a travaillé jusqu’à la fin de sa vie en rencontrant plusieurs chercheurs et en ayant toujours le désir d’aider. »

« Lorsqu’il était dans un comité, les chercheurs présents pouvaient librement poser des questions sur ses sujets de prédilection, il ne jugeait personne, il donnait un point de vue sincère en maintenant le dialogue. » – Lyse Langlois, directrice générale de l’OBVIA

UN HOMME INVESTI

L’empreinte de François Laviolette restera certainement indélébile. D’une part, pour l’abondance de sa littérature : au cours de sa carrière, le chercheur québécois a publié plus de 180 articles scientifiques, dont une centaine ces dix dernières années.

D’autre part, il a été impliqué dans l’élaboration de la Déclaration de Montréal d’où son intérêt pour les chartes et normes éthiques qui servent à mieux encadrer le domaine de l’intelligence artificielle et l’IA pour le bien commun.

Ensuite, il était de toutes les initiatives promouvant l’usage éthique de l’intelligence artificielle et l’apprentissage machine. Il était : directeur du Centre de données massives de l’Université Laval (CRDM) ; codirecteur du Groupe de recherche en apprentissage automatique de l’Université Laval (GRAAL)  qui se concentre principalement sur la théorie et les applications de l’apprentissage automatique ; chercheur collaborateur à l’institut d’intelligence et données de l’Université Laval et membre associé à l’Institut d’éthique appliquée (IDÉA), un regroupement multidisciplinaire de professeurs, de chercheurs et d’étudiants menant des recherches dans le domaine de l’éthique ; et chercheur responsable de l’écosystème IA à l’Observatoire international sur les impacts sociétaux de l’IA et du numérique (OBVIA).

UNE BOURSE FRANÇOIS LAVIOLETTE

Pour le remercier de son implication, ses collègues ont organisé un événement hommage à Québec, le 28 novembre, en présence de plusieurs personnes clés du secteur de l’intelligence artificielle.

« C’est aussi lors de cet hommage que nous avons lancé la Bourse François-Laviolette pour poursuivre ses travaux, annonce Lyse Langlois. Il a été très touché de ces gestes – hommage et bourses – et a remercié chaleureusement les gens présents qui étaient soit à distance soit en présentiel. »

120 000$ ont déjà été recueillis en dons afin de mettre en place des bourses aux étudiants gradués dans les domaines d’intérêt de Francois Laviolette.  Les bourses visent à soutenir des travaux interdisciplinaires sur l’éthique de  l’IA et sur l’interprétabilité des algorithmes. Le bourses seront lancées au printemps prochain.

DES RECHERCHES AUX APPLICATIONS CONCRÈTES

François Laviolette était surtout professeur titulaire au département d’informatique et de génie logiciel de l’Université Laval. Ses recherches portant sur l’intelligence artificielle ont contribué à enrichir la théorie PAC-bayésienne, une branche de la théorie de l’apprentissage visant à mieux cerner les algorithmes d’apprentissage automatique. Il s’est plus particulièrement intéressé à ceux liés à la génomique, à la protéomique [science qui étudie l’ensemble des protéines d’une cellule], à la découverte de médicaments, etc.

Chercheur prolifique, ses champs d’investigation n’ont cessé de s’étendre au cours des vingt dernières années : outre l’IA et la théorie d’apprentissage, il était spécialiste de la théorie des graphes, de la vérification automatisée de la bio-informatique et des méthodes à noyaux. Lors des dernières années, il s’est plus particulièrement intéressé au domaine de la santé et au potentiel de l’IA pour le bénéfice des patients.

DONNÉES MASSIVES POUR L’INDUSTRIE

Les secteurs des assurances et de la santé ainsi que les métadonnées environnementales ont bénéficié directement des avancées découlant des travaux du chercheur et de ses équipes.

OBVIA : rapport sur “l’Intelligence artificielle, solidarité et assurances en Europe et au Canada” – crédit photo : OBVIA

À cet égard, ses travaux sur les algorithmes d’apprentissage machine et l’exploitation des données massives favorisent le virage amorcé par l’industrie de l’assurance en données massives.

Il a participé à l’élaboration du rapport, publié en janvier 2020, « Intelligence artificielle, solidarité et assurances en Europe et au Canada », qui propose des bonnes pratiques en lien avec l’IA dans le secteur des assurances.

De même, à titre de cochercheur au CRDM il a pris part au partenariat avec Two Hat Security pour améliorer les algorithmes d’analyse de conversation et les métriques de toxicité de son logiciel Community Sift.

Ce partenariat doit conduire à la création d’algorithmes qui favoriseront l’étude de la nature des comportements toxiques, leurs répercussions sur les utilisateurs et proposeront des mécanismes pour les combattre.

Un autre projet de recherche d’envergure dont il a pris part est destiné à affiner le contrôle de la qualité et le diagnostic en médecine en faisant appel à la spectrométrie de masse [identification des molécules par mesure de leur masse] à très haut débit.

SENTINELLE NORD

Quant au programme de recherche Sentinelle Nord, il a pour finalité de déterminer l’état de santé des écosystèmes nordiques en analysant en temps réel des marqueurs microbiens clés.

Il s’appuie sur l’EcoChip, un outil de culture microbienne in situ qui évalue la croissance des microorganismes dans leur milieu naturel tout en mesurant en temps réel les métadonnées environnementales.

Au moyen d’approches analytiques basées sur la génomique, la bio-informatique, la localisation et l’apprentissage machine, l’équipe de chercheurs dont il a fait partie œuvre  pour fabriquer de meilleurs médicaments en améliorant le processus de recherche de structures moléculaires utilisant les éléments constitutifs des acides aminés.

Les modèles ainsi générés pourraient créer des médicaments contre les microbes. D’autres domaines, tels que la cancérologie, la neurologie, les maladies infectieuses et auto-immunes sont susceptibles de tirer parti de ces découvertes.

Tous ces travaux cités en exemple ne constituent qu’une partie des réalisations considérables de cet homme de passion. Plus que tout, il lui importait de soutenir les étudiants gradués sur des travaux consacrés à l’éthique de l’IA et en interprétabilité des algorithmes.

Lyse Langlois de conclure : «  Dans mon cœur, il est irremplaçable car il avait cette capacité de rallier les gens ; il laisse un legs important qui permettra à d’autres chercheurs de poursuivre ses travaux en apportant leur propre couleur. »

Nous partageons la tristesse de la famille de François Laviolette et leur transmettons nos sincères condoléances.

Crédit photo : IDEA

Pour en savoir plus sur les recherches de François Laviolette : cliquez ici.