Quand le génie humanitaire haïtien répond aux défis des pays émergents

Quand le génie humanitaire haïtien répond aux défis des pays émergents

Pour célébrer les 10 ans d’existence de l’Institut des Sciences, des Technologies et des Études Avancées d’Haïti (ISTEAH), l’événement Émergence du génie humanitaire et bilan des projets de l’ISTEAH en Haïti a été organisé à Polytechnique de Montréal. Le colloque a présenté les différents projets de génie humanitaire et de technologies appropriées de l’ISTEAH.

L’ISTEAH offre un enseignement scientifique et technologique aux étudiants des 2e et 3e cycles en Haïti. L’institution compte de nombreuses universités partenaires, dont Polytechnique Montréal, l’UQAM, l’UQTR, et différentes universités d’Europe et des États-Unis. Ces partenariats permettent à l’ISTEAH de bénéficier de l’expertise de plus de 220 professeurs pour leur enseignement bimodal, et d’offrir à des étudiants de régions éloignées en Haïti de suivre des cours par visioconférence.

« (…) nous devons trouver des solutions, non pas toujours à la pointe de la nouvelle technologie, mais qui sont aussi proches que possible du règlement de problèmes auprès des gens au nord, au sud, à l’est et à l’ouest. »

– Philippe Régnier, directeur de l’École d’Études en Entrepreneuriat de l’ISTEAH.

Un ouvrage pour l’innovation est les technologies appropriées

Le colloque a introduit l’ouvrage Handbook of Innovation and Appropriate Technologies for International Development « qui permet de faire un certain point de situation (et de) mettre de l’avant l’importance des technologies appropriées », explique Philippe Régnier, directeur de l’École d’Études en Entrepreneuriat de l’ISTEAH.

Ces technologies mises de l’avant dans l’ouvrage sont de grande importance selon M. Régnier, qui estime que « ce concept peut être lié aux enjeux de développement durable, pour lesquels nous devons trouver des solutions, non pas toujours à la pointe de la nouvelle technologie, mais qui sont aussi proches que possible du règlement de problèmes auprès des gens au nord, au sud, à l’est et à l’ouest. »

Le livre est divisé en trois grandes parties : les origines et l’évolution des technologies appropriées, le développement rapide des pays émergents en lien avec les technologies disruptives, et les innovations récentes et la numérisation multidirectionnelle des technologies appropriées.

Musandji Fuamba, enseignant à la Polytechnique Montréal et à l’ISTEAH, a écrit un chapitre portant sur « la manière dont on peut tirer profit des TIC (technologies en information et en communication) pour améliorer le vécu des citoyens, tant au niveau des conditions économiques que sociales ». Le professeur s’est intéressé au développement économique et social (DES) de la République démocratique du Congo selon quatre aspects : politique, économique, technologique et sociétal. Ses conclusions l’amènent à affirmer qu’un investissement annuel en TIC de 200 millions de dollars américains sur une période de dix ans permettrait de faire décoller rapidement l’économie de ce pays africain.

https://www.cscience.ca/2023/03/22/budget-2023-priorite-innovation/

Des projets de génie humanitaire

Le colloque a aussi mis de l’avant des projets technologiques réalisés dans différents pays au cours de la dernière décennie. Parmi ceux-ci, on retrouve la création d’une technologie de recyclage de pneus usagés. Dans des pays émergents tels que le Burkina Faso, les décharges de pneus sont un important problème : l’eau de pluie s’y accumulant attire des moustiques porteurs de maladies, dont la malaria. En réponse à ce fléau, des chercheurs de l’ISTEAH ont créé une technologie qui permet de transformer ces pneus en revêtement de sol, et qui ne nécessite pas de liants chimiques.

« 10% des médicaments qui sont distribués dans le monde sont des faux, et ces chiffres peuvent monter à 30-40% dans des pays émergents. »

– Olivier Volet, professeur à la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg.

Un autre projet de génie humanitaire vise la détection de faux médicaments. « 10% des médicaments qui sont distribués dans le monde sont des faux, et ces chiffres peuvent monter à 30-40% dans des pays émergents. On en retrouve sur le marché noir, sur Internet, mais aussi dans des hôpitaux et des pharmacies », décrit Olivier Volet, professeur à la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg, en Suisse.

Des prélèvements et analyses efficaces en laboratoire pour repérer ces faux médicaments existent depuis une trentaine d’années, mais ces technologies ne conviennent pas à des pays émergents. Sur une période de 15 ans, l’ISTEAH a donc contribué à la création d’un appareil meilleur marché qui produit peu de déchets, est réparable, n’utilise pas de solvant et consomme peu d’énergie (autour de 50 watts par utilisation).

L’utilisation d’images satellites en Haïti

Deux étudiants de l’ISTEAH réalisant un stage à la Polytechnique ont présenté leurs recherches sur l’application et l’utilisation de données issues d’images satellitaires et de drones. Leurs stages ont été rendus possibles grâce à IVADO, institut québécois de recherche en IA, qui finance annuellement quatre stages d’étudiants de l’ISTEAH venus étudier au Québec dans le cadre de leurs études supérieures.

L’étudiante Nathalie Théodore s’est penchée sur l’analyse d’images satellites en Haïti en lien avec les risques de catastrophes naturelles dans le pays. Ce type d’images permet « une surveillance des conditions météorologiques, une cartographie des zones à risque, une évaluation des impacts après une catastrophe et une surveillance des ressources naturelles », soulève l’étudiante de l’ISTEAH. Elle note également que le réseau de neurones (méthode d’IA) est le modèle le plus précis dans l’analyse de données de ce type d’images.

De son côté, l’étudiant Smithe Antenor s’est intéressé à l’application de ces images en bioalimentaire en Haïti, à savoir si elles permettaient de relever des problèmes dans ce secteur d’activité, soit l’un des plus importants au pays. Les images analysées n’ont toutefois pas permis l’obtention de résultats concluants, mais M. Antenor rappelle que d’autres cas de succès, à Taïwan et au Népal, par exemple, montrent la pertinence de l’analyse des images satellites en bioalimentaire.

Les projets variés et innovateurs de l’ISTEAH s’inscrivent dans la vision et la mission de l’institut, qui joue « un rôle actif dans le développement scientifique, technologique, économique et social d’Haïti. »

Crédit Image à la Une : Roxanne Lachapelle