[AMOUR + TECHNO] Sexologie spatiale : le plaisir jusqu’aux cieux

[AMOUR + TECHNO] Sexologie spatiale : le plaisir jusqu’aux cieux

Alors que les premiers voyages dans l’espace datent de plus de 60 ans et que le tourisme spatial se développe plus rapidement que jamais, nombre de chercheurs se penchent sur une facette souvent mise de côté de notre conquête de l’espace : la sexologie spatiale. Regard sur les défis et les possibilités qu’entraîne la sexualité humaine dans l’espace.

La sexologie spatiale est « l’étude scientifique de l’intimité et de la sexualité extraterrestres », explique Maria Santaguida, candidate au doctorat en psychologie à l’Université Concordia. L’intérêt pour cette sexualité particulière se fait de plus en plus sentir : les recherches, les articles, les conférences, les projets de tournages pornographiques spatiaux (non réalisés à ce jour) se sont multipliés au cours de la dernière décennie.

Considérant cet intérêt, en plus de la longueur des différents projets d’exploration spatiale et de l’importance de la sexualité pour l’humain, le besoin de s’attarder à la sexologie spatiale est flagrant.

« Nous devons débuter (à réfléchir aux questions sur la sexologie spatiale) maintenant pour nous assurer que nous aurons demain les connaissances nécessaires : le temps presse, l’ère du tourisme et de la colonisation de l’espace est à nos portes. »

– Maria Santaguida, candidate au doctorat en psychologie à l’Université Concordia

Mme Santaguida estime que « la sexologie spatiale est essentielle afin de limiter les risques liés à l’intimité et à la sexualité spatiale et de faciliter l’expression sécuritaire et complète de notre érotisme au-delà de la Terre. Cela étant dit, il faut du temps pour mener des recherches sur les facteurs humains, ainsi que pour concevoir une formation et des lignes directrices pour les futurs voyageurs spatiaux. Nous devons débuter (à réfléchir à ces enjeux) maintenant pour nous assurer que nous aurons demain les connaissances nécessaires : le temps presse, l’ère du tourisme et de la colonisation de l’espace est à nos portes. »

La sexologie spatiale: trouver une approche réaliste, pas à pas

Dans un article de 2008 de Space.com, le porte-parole de la NASA, Bill Jeffs, du Johnson Space Center à Houston, avance qu’il n’y « a rien à discuter » en matière de sexologie spatiale, et que la NASA n’étudie pas cet aspect. On mentionne aussi que « personne ne prétend savoir si “cela” s’est déjà produit dans l’espace. »

Près de dix ans plus tard, l’astronaute Jerry Ross confiait également au magazine Forbes qu’à sa connaissance, « personne n’a eu de relations sexuelles dans la Station Spatiale Internationale. » Cet inconnu incertain plane encore à ce jour.

En 2021, l’astronaute allemand Matthias Maurer affirmait « ne pas avoir parlé (de sexologie spatiale avec ses collègues) puisqu’il s’agit d’un environnement professionnel. » Les échanges d’idées sur la façon de gérer et de vivre leurs désirs sont inexistants, et « il n’y a pas de formation officielle sur la sexualité dans l’espace », rapporte l’article de DW.

L’omission du sujet de l’intimité au sein des agences spatiales est indéniable. Considérant leur intérêt plutôt limité quant à l’idée de se pencher sur des questions de sexologie spatiale, est-il réaliste de penser que des géants comme la NASA finiront par changer d’avis et commenceront à s’y intéresser davantage, comme le demandent les chercheurs?

« Maintenant que de nombreux scientifiques ont souligné l’importance de la sexologie spatiale et de la santé reproductive dans l’espace, nous croyons que des agences spatiales, telles que la NASA, agiront en fonction de ces informations et prendront les mesures appropriées. »

– Maria Santaguida, candidate au doctorat en psychologie à l’Université Concordia

« Absolument, croit Maria Santaguida. En 2022, la NASA a informé MIC.com que “si un besoin futur d’étude plus approfondie sur la santé reproductive dans l’espace était identifié, la NASA prendrait les mesures appropriées“. Maintenant que de nombreux scientifiques ont souligné l’importance de la sexologie spatiale et de la santé reproductive dans l’espace, nous croyons que des agences spatiales, telles que la NASA, agiront en fonction de ces informations et prendront les mesures appropriées. »

Ces mesures sont nombreuses, et nécessitent la construction de modèles et de réflexions qui « envisagent les réalités humaines qui sont complexes et en constante évolution. » Entre autres, la prise en considération des facteurs de bien-être, de santé, de psychologie, de biologie, de société et de culture se doit d’être incluse dans les discussions autour de la sexologie spatiale.

Simon Dubé, chercheur postdoctoral à l’Institut Kinsey, croit au besoin de créer un programme de recherche en sexologie spatiale qui « comprendrait une équipe diversifiée de chercheurs, d’experts et d’intervenants transdisciplinaires travaillant sur des projets allant d’entretiens avec des astronautes et d’expériences dans des environnements analogiques, à des études biopsychosociales de l’impact des dangers spatiaux sur notre système reproducteur et notre bien-être sexuel. De tels projets incluraient également la création et le test de protocoles pour l’expression sûre de l’intimité et de la sexualité humaines dans l’espace. »

L’amour dans l’espace, pour le meilleur et pour le pire

Les recherches concrètes sur les effets potentiels de la reproduction et de la sexualité humaines dans l’espace sont particulièrement limitées. Entre autres, il est difficile de savoir si les facteurs de stress entrainés par les longs voyages en espace (dont l’isolement social, confinement, troubles du sommeil, changements alimentaires, etc.) ont un effet sur la fertilité des hommes et des femmes. Il est également complexe de mesurer les effets de la pression extrême sur les personnes enceintes, ou encore de comprendre les réactions physiques et psychologies d’un acte sexuel dans l’espace, comme aucun astronaute n’en a officiellement eu dans ce contexte.

Cependant, on retrouve parmi les risques anticipés de la sexologie spatiale « les effets néfastes de l’exposition aux radiations, des changements gravitationnels et du stress sur notre système reproducteur. Cela inclut également les risques liés au harcèlement, aux agressions, à la dynamique du pouvoir toxique, aux grossesses (ectopiques), aux anomalies du développement, au manque d’accès aux partenaires intimes, etc. », note M. Dubé.

À l’inverse, il est envisageable d’estimer les nombreux bénéfices qu’entraîneraient l’intimité et la sexualité spatiales. Autoriser ces pratiques permettrait de « nous installer dans de nouveaux mondes et de mieux résister aux vols spatiaux de longue durée », soulève Simon Dubé. Selon lui, ceci permettrait aux professionnels de l’espace d’avoir des enfants au-delà de la Terre, mais aussi de leur amener de nombreux autres bénéfices, dont une atténuation du stress, un ajout d’une source de plaisir, une possibilité d’établir des relations intimes, etc.

Une approche plus permissive (et entourée par de plus amples recherches) au niveau de la sexologie spatiale « peut également aider les voyageurs spatiaux à sentir qu’ils peuvent contribuer à des programmes spatiaux qui tiennent compte de leurs besoins et de leur bien-être (et contribuer à) la normalisation de la vie dans l’espace », ajoute-t-il.

« La technologie fait partie de tous les aspects de l’exploration spatiale. (Elle) peut aider à connecter des partenaires à distance, fournir une stimulation sexuelle hygiénique et discrète et aider à différentes phases de notre cycle de reproduction, du dépistage et de la fécondation des embryons à la grossesse et à la naissance. »

– Maria Santaguida, candidate au doctorat en psychologie à l’Université Concordia

La technologie émerge aussi comme un aspect essentiel à prendre en compte pour améliorer cette future potentielle future forme de sexologie : « La technologie fait partie de tous les aspects de l’exploration spatiale. En ce qui concerne l’intimité et la sexualité dans l’espace, la technologie peut aider à connecter des partenaires à distance, fournir une stimulation sexuelle hygiénique et discrète et aider à différentes phases de notre cycle de reproduction, du dépistage et de la fécondation des embryons à la grossesse et à la naissance », conclut Maria Santaguida.

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https://www.cscience.ca/2023/07/20/amour-techno-robots-sexuels-nos-partenaires-de-demain/

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Crédit Image à la Une : Montage CScience