Lors d’une émission C+clair de CScience IA, avec l’innnovateur en chef du Québec Luc Sirois et le scientifique en chef du Québec Rémi Quirion, les craintes de la désinformation ont été partagées.
Dans une ère où l’opinion est reine, où elle dénonce, remue et déstabilise les repères objectifs, comment ne pas craindre une remise en question des vérités acquises et plus encore de la vérité elle-même ?
FAIRE LA PART DU VRAI ET DU FAUX
Le doute commence à surgir dans toutes les sphères scientifiques.
« Les opinions se multiplient et finissent par se polariser là où un intérêt collectif s’est manifesté. »
On se rallie et on parle alors de complot. Une attitude vieille comme le monde, c’est certain, mais qui prend des proportions et des détours bien nouveaux dans la sphère médiatique numérique.
Face au doute et à la polarisation des opinions, on peut imaginer la formation de groupes de réaction et ce problème est d’ordre politique à l’intérieur d’une société. Les oppositions idéologiques bien que saines et relevant de nos libertés individuelles ne devraient pas être conduites par des opinions, encore moins par des influences robotisées.
S’INFORMER GRÂCE À TWITTER : LES RISQUES
La dimension politique d’un média comme Twitter n’est plus à confirmer. C’est le média par excellence des messages politisés. Or, c’est encore une toute nouvelle arène politique et les stratèges qui ont vite compris les détours devancent parfois la compréhension des citoyens face à ce système.
La promesse d’origine de Twitter, « Que faîtes-vous ?» (« What are you doing?»), invitait les utilisateurs à raconter ce qu’ils font au moment même où ils le font. Mais la plateforme a évolué et l’échange d’information est devenue la principale activité sur le site. La promesse s’est modifiée.
Twitter devient alors le lieu où l’on se raconte ce qui se passe sur le moment et qui mérite d’être connu des autres. La plateforme change sa promesse d’affaires qui devient alors « Quoi de neuf ?» et plus encore «Que se passe-t-il ?»
UN ÉCHANGE BIAISÉ
Passant de faits personnels et anodins aux nouvelles, Twitter a évolué progressivement de l’anecdote au flux d’information à retenir. Alors, de manière organique, l’échange de nouvelles rapides ou brèves et de liens vers des articles devient le lieu de notre information quotidienne.
Or, cet échange de nouvelles se fait aujourd’hui non seulement entre humains mais également entre humains et robots sans qu’on ne puisse en faire la différence.
« 2/3 des liens Twitter vers des sites populaires sont effectués par des robots. »– Pew Research Center.
Ces des deux tiers sont très inquiétants car ils expliquent la quantité phénoménale d’information biaisée que nous recevons quotidiennement sur notre fil d’actualité. Ce chiffre indique le degré de désinformation présent à l’intérieur d’une plateforme conçue à l’origine pour effectuer bien autre chose.
Le microblogging ou microblogage formulé à l’aide de courts messages se transforme en redirection vers des articles, avec photo idéalement, pour illustrer le message. La mission de départ de Twitter et sa promesse ont résolument pris une direction troublante. De plus, la présence imperceptible d’interactions robotisées soulève des craintes.
RÉAGIR À LA DÉSINFORMATION
Aider les lecteurs à développer leur sens critique
Alors qu’il devient quasiment impossible de faire la différence entre une nouvelle envoyée par un internaute humain et celle envoyée par un robot, notre sens critique est bel et bien mis à l’épreuve.
Le 30 janvier 2019, l’honorable Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien et du Multiculturalisme a annoncé une enveloppe de 7 millions de dollars pour soutenir un certain nombre d’organismes en vue de promouvoir la connaissance civique des médias numériques. Ces entreprises doivent avoir pour objectif d’aider les citoyens à renforcer leur résilience face aux méfaits en ligne.
« En réponse à la hausse de la désinformation en ligne et sur les réseaux sociaux, notre gouvernement s’est donné comme priorité d’aider les citoyens à acquérir les outils et les compétences nécessaires pour évaluer de façon critique l’information en ligne. »— L’honorable Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien et du Multiculturalisme
Or, on peut se demander si cette approche sera nécessaire pour pallier la désinformation. Le nouveau citoyen numérique pourra-t-il être suffisamment équipé pour ne pas être trompé par les fausses nouvelles?
Par ailleurs, le Patrimoine canadien a également investi 19,4 millions de dollars (pour quatre années de 2019 à 2023) dans un programme de recherche sur la citoyenneté numérique. L’orientation de cette approche vise, en partie, à aider les Canadiens à comprendre la désinformation en ligne. Il s’agira d’en suivre l’évolution.
Des systèmes de décodage de fausse nouvelle
La détection informatique des fausses nouvelles vient pallier les efforts critiques du citoyen. En effet, aussi instruits et sensibilisés que nous puissions être face à la désinformation, il y a des feintes algorithmiques que nous ne pouvons contourner simplement avec notre sens critique.
Les grandes chaînes d’information utilisent aujourd’hui des systèmes de vérification des faits (Fact-Checking) programmés pour décoder les fausses nouvelles par une analyse systématique des chiffres, des sources, en d’autres termes du niveau d’objectivité des nouvelles transmises de façon numérique.
Mais pourrons-nous faire confiance aux grandes plateformes d’information et aux médias sociaux dans leur implantation de systèmes de vérification des faits ? Par ailleurs, une éducation et une sensibilisation collective face aux risques de la désinformation seront-ils assez puissants pour contrer les manigances des propagandistes de tout genre ?
BIBLIOGRAPHIE
Boyadjian, Julien ; Les usages politiques différenciés de Twitter; Esquisse d’une typologie des « twittos politiques »; Politiques de communication; Presse Universitaire de Grenoble; 2021.
Gouvernement du Canada; Patrimoine Canada; Aider les citoyens à renforcer leur pensée critique et leur résilience face aux dangers de la désinformation en ligne; Communiqué de presse, le 2 juillet 2019.
Huyghe, François-Bernard; Fake News, Manip, Info et Infodémie en 2021, site Fake News.
France Info; Vrai ou Fake; plateforme France Info; 2021.
Décodeurs, les; Le Décodex, un outil de vérification de l’information; Le monde; 2021.