Cybercriminalité : Au Canada, près d’un crime sur deux relève du numérique

Cybercriminalité : Au Canada, près d’un crime sur deux relève du numérique

La cybercriminalité représente près de la moitié des crimes commis au Canada, et pas moins de 60 % des PME du Québec rapportent en avoir été victimes, une réalité où le facteur humain joue un grand rôle de responsabilité.

La cybercriminalité est un enjeu majeur qui ne connaît pas de frontières. En effet, ce problème mondial ne cesse de s’aggraver et de s’étendre en raison des progrès fulgurants de la technologie numérique au cours des dernières années. C’est ce qui a motivé la Banque Nationale du Canada et le Mouvement Desjardins à renouveler leur partenariat avec la Chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité, créée en 2018, en reconduisant leur financement d’un million de dollars pour une autre période de cinq ans.

Le 29 novembre dernier, pour marquer l’occasion, l’Université de Montréal a tenu une table ronde réunissant quatre professionnels et experts de la cybercriminalité. Les panélistes étaient Benoît Dupont, titulaire de la Chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité; André Boucher, responsable de la sécurité informatique à la Banque Nationale du Canada; Julien Hivon, directeur principal du programme de cybersécurité au Mouvement Desjardins; et Julie Paquin de l’Autorité des marchés financiers.

Le facteur humain

Au cours de ce panel animé par la rédactrice en chef de CScience, Chloé-Anne Touma, c’est le facteur humain qui était au cœur de la discussion, notamment en ce qui a trait à la cyberhygiène des entreprises et de leurs employés. L’animatrice a d’ailleurs rappelé que 95 % des situations où la sécurité des données sont compromises étaient attribuables à l’erreur humaine.

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Un portrait des cybercrimes et des nouvelles tendances

Dans les pays occidentaux, près de la moitié des crimes rapportés, soit entre 40 et 45%, relèvent du numérique. C’est ce qu’a révélé le professeur Benoît Dupont, expliquant que si la criminalité a toujours existé, certaines formes en ont été exacerbées par la technologie, dans ce que l’on appelle la « cyber-facilité ». La fraude, la consommation et la diffusion de matériel pédopornographique en sont quelques exemples.

Cependant, le passage vers la technologie numérique a ouvert la voie à de nouvelles formes d’escroquerie, telles que le piratage de systèmes informatiques. Aujourd’hui, 60% des PME du Québec ont été victimes d’une cyberattaque dans les dernières années.
Ajoutons à cela l’hypertrucage, communément appelé « deepfake », qui consiste à prendre illégalement l’identité d’une personne, que ce soit en s’appropriant son apparence ou sa voix, grâce à l’intelligence artificielle.

La tendance crypto

Mais selon Julie Paquin, coordonnatrice du Centre d’analyse et de renseignement à l’Autorité des marchés financiers au Québec, c’est la fraude à l’investissement dans les cryptoactifs et les jetons non fongibles (NFT) qui fait actuellement ravage. Alors que les cas d’autres formes d’escroquerie en ligne ont doublé depuis la pandémie, celle-ci est six fois plus fréquente depuis la crise sanitaire.

« Au Québec, les gens sont de plus en plus autonomes dans leurs investissements (…) Ils vont se renseigner auprès des amis, de la famille, des réseaux sociaux ainsi que des annonces d’informations non-validées. »

– Julie Paquin, coordonnatrice du Centre d’analyse et de renseignement à l’Autorité des marchés financiers au Québec

Les plus susceptibles de tomber dans le piège sont les jeunes, puisqu’ils passent énormément de temps en ligne et, selon Mme Paquin, « sont tentés de croire que les investissements dans les cryptoactifs peuvent être très rentables ».

https://www.cscience.ca/2023/11/28/la-montee-de-la-cyberintimidation-entre-harcelement-et-misogynie/

Plusieurs personnes ont même été victimes de fraude amoureuse via des sites de rencontre. Alors qu’ils cherchaient l’âme sœur, certains internautes se sont ainsi retrouvés impliqués dans un investissement frauduleux. Les publicités frauduleuses sur les investissements, qui circulent en permanence sur les plateformes numériques et les moteurs de recherche, font aussi de nombreuses victimes.

D’après Mme Paquin, « Au Québec, les gens sont de plus en plus autonomes dans leurs investissements », ce qui les rendrait plus vulnérables. Elle a indiqué que « 42 % des répondants (d’un sondage) avaient déjà acquis un produit d’investissement seul. Donc sans l’intermédiaire d’un expert, comme un conseiller financier (…) Le problème, c’est là où ils vont s’informer pour choisir dans quoi ils vont investir. Ils vont se renseigner auprès des amis, de la famille, des réseaux sociaux ainsi que des annonces d’informations non-validées. »

L’union fait la force

Devant la menace grandissante, la Chaire de recherche en prévention de la cybercriminalité, la Banque Nationale du Canada et le Mouvement Desjardins ont décidé d’unir leurs forces. « On a tout intérêt à travailler ensemble pour lutter contre les cybercriminels. C’est la Banque Nationale qui gagne, et Desjardins y gagne aussi », explique Julien Hivon du Mouvement Desjardins.

La mission de la Chaire est d’avoir un impact concret, en sensibilisant le public et en offrant des services d’aide aux victimes, et cela au travers du facteur humain.

« On a trois grands modes d’intervention, a expliqué Benoît Dupont. On soutient beaucoup les étudiants, on octroie des bourses pour que des étudiants puissent mener des travaux de recherche, de maîtrise et de doctorat. On a distribué 400 000 $ en bourses. Donc, ça, c’est quand même très significatif parce que ça incite les étudiants à se consacrer à cet enjeu. Ça permet de développer une expertise qui profitera aux organismes publics et privés que l’ils pourront intégrer avec ces connaissances acquises. »

Puis, de là, les partenaires mènent des recherches conjointes sur des sujets tels que les rançongiciels, et mettent en place des programmes de sensibilisation et de prévention contre la cybercriminalité.

Enfin, ils mobilisent leurs connaissances en publiant des notes synthèses et en organisant diverses activités, telles que des conférences.

Selon M. Boucher, la mise en œuvre des travaux de la Chaire de recherche est essentielle pour maîtriser la situation : « C’est une offre de valeur qui est tangible, concrète, avec laquelle on peut vraiment faire quelque chose. On cherche des partenaires stratégiques qui sont novateurs. Des équipes font une différence aujourd’hui, et ne font pas qu’émettre des idées. C’est important de le souligner! »

Crédit Image à la Une : Chloé-Anne Touma, Benoît Dupont, Julie Paquin, Julien Hivon et André Bouché (Photo : Martine Coulombe)

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