Tout juste auréolée du Prix Coup de cœur, remis le 25 novembre dernier, par l’Association pour le Développement de la Recherche et de l’Innovation du Québec (ADRIQ), lors du 31e Gala des Prix Innovation, la PME Patates Dolbec poursuit sa quête de performance. Elle utilise l’intelligence artificielle (IA) pour optimiser le tri de ses pommes de terre.
« Lorsque j’ai participé au Gala de l’ADRIQ, j’étais impressionné car la crème de la recherche appliquée était présente… en santé, par exemple, avoue Hugo d’Astous, directeur général de Patates Dolbec. J’ai éprouvé une réelle fierté d’être capable de présenter un projet à côté de tous ces scientifiques. Nous ne sommes que des agriculteurs et cultivons et emballons des patates ! »
Depuis 2016, l’entreprise familiale québécoise Patates Dolbec, située à Saint-Ubalde, a pris conscience que ses méthodes de tri de la pomme de terre étaient perfectibles.
Avant 2016, ce travail fastidieux était fait à la main jusqu’à l’introduction de trieurs optiques. Néanmoins, ce système dit « expert » n’était fiable qu’à 70 %. Il restait à l’entreprise, qui emploie environ 150 employés, encore beaucoup de triage à effectuer à la main.
« Nous voulions atteindre 100 % de performance pour éliminer le travail fait à la main car nous n’avons pas de main-d’œuvre pour effectuer ce travail. Il est peu valorisant et est réalisé par des travailleurs étrangers. » – Hugo d’Astous, directeur général de Patates Dolbec
À l’été 2020, une réflexion a donc été menée pour utiliser l’Intelligence artificielle (IA). Le constat est alors sans appel : l’association des technologies – algorithmes et caméras – peut remplir de façon avantageuse certaines missions moins bien réalisées par l’humain. « L’IA et les caméras voient mieux si une patate est bonne ou mauvaise », confirme Hugo d’Astous.
La surface de la patate doit être « conforme à une norme et chaque défaut est référencé, explique-t-il. Nous avons recensé 25 défauts à gérer. »
L’entreprise familiale fournit ses légumes à des grossistes. Elle n’oublie pas qu’en bout de chaîne, se trouvent des clients très soucieux de la qualité des tubercules : les restaurants ou les vendeurs du Marché central à Montréal, à titre d’exemple.
Tout l’enjeu pour la direction de l’entreprise consiste, par conséquent, à traquer quotidiennement les principaux défauts, comme des taches vertes dues au soleil. Les pommes de terre sont aussi sensibles aux virus et aux parasites. Un petit point noir apparaît parfois sur la peau de la pomme de terre. Il s’agit de la marque des rhizoctones bruns, des champignons qui peuvent entraîner des pertes de rendement jusqu’à 25 %.
AUTRE DÉFI : ADAPTER L’EXISTANT AUX NOUVELLES MÉTHODES DE TRAVAIL
D’autres défauts se font jour également sur l’équipement : des dommages surviennent lors de chocs avec les machines. Pour éradiquer au maximum tous ces défauts, l’entreprise s’appuie sur les capteurs vidéo qui enregistrent des milliers de données analysées par des algorithmes conçus par la société québécoise Vooban.
De son côté, Patates Dolbec continue « d’entraîner » les algorithmes en sélectionnant des milliers de tubercules portant la même imperfection et en intégrant les clichés des différentes déclinaisons de ce même défaut afin que l’algorithme puisse le reconnaître, de façon très fine, et trier le légume en conséquence.
La mécanique semble bien rodée, depuis six mois, néanmoins il reste un défi à relever qui ne découle pas de l’IA, de façon intrinsèque, mais de paramètres connexes : « Nous devons adapter la mécanique une fois que la décision est prise par l’algorithme de trier telle ou telle patate d’une façon ou d’une autre. »
« Quand la patate est éjectée, la poussière peut gêner les caméras. Notre défi est celui de nombreux industriels : il est davantage mécanique. Il n’est pas du tout lié à la programmation de l’algorithme. » – Hugo d’Astous, directeur général de Patates Dolbec
PRIVILÉGIER UNE SOLUTION LOCALE
La société Vooban, spécialiste de l’intelligence artificielle et de l’Internet des objets, a été chargée par Patates Dolbec d’adapter ses algorithmes aux équipements existants.
« J’ai rencontré des membres de Vooban et j’ai eu le sentiment que cette équipe pouvait collaborer avec nous et livrer ce que nous demandions, poursuit le directeur général. Nous avons choisi de financer une première étape avec des objectifs mesurables et à chaque phase nous avons vu que nous étions compatibles et que nous avions des valeurs communes, alors nous avons continué. »
L’entreprise apporte sa contribution à tout moment dans le projet en intégrant tous les éléments clés dans le système d’IA « pour être capable d’avoir une machine qui atteint 95 % d’efficacité ».
La proximité s’est avérée essentielle dans la réussite du projet : « Comme les équipes de Vooban sont à Québec, l’un des responsables vient toutes les deux semaines pour ajuster le projet. Cela aurait été difficile à faire avec une entreprise plus éloignée, car il faut aussi adapter l’équipement à tout l’environnement mécanique et, évidemment, il est nécessaire de le faire sur place… »
Crédit photo : Youtube / Patates Dolbec