L’architecte informatique en moi, dès qu’il est confronté à un problème majeur, se met en recherche de solution. Le problème, cette fois ? Je suis, comme n’importe quel humain sur cette planète, confronté à notre possible extinction. Et, la cause derrière cette éventualité ? L’activité humaine. Je me suis donc mis à réfléchir à une possible solution. Voici mon cheminement de pensée et certaines de mes idées sur le sujet.
Ce qui a initié ma réflexion
Le 14 mai 2021, dans un article du Devoir et partout sur les chaines de nouvelles, on annonçait que la mise en place de 60 puits de pétrole, au large des côtes de Terre-Neuve, était écologiquement acceptable pour le gouvernement fédéral.
Pourtant, Steven Guilbault, un environnementaliste qui a escaladé la tour du CN pour défendre l’environnement, et ministre de l’Environnement, ne semblait pas s’en offusquer outre-mesure. Comment cela était-il possible? Il me fallait me faire une tête et comprendre l’envers du décor.
La racine du problème
Une fois de plus, je tente d’appliquer ce qu’il m’a été donné d’apprendre par mes années de travail en informatique. À mon sens, il n’est plus possible de nier : les changements climatiques ne sont qu’un symptôme d’un plus grand mal; le modèle de consommation mondial.
D’un point de vue général, est-ce possible de remonter à la source, voire à la racine, d’un problème d’une telle ampleur ? Je crois que oui, de la même manière que l’on mange un éléphant; soit une bouchée à la fois.
Ainsi, la question se pose : pourquoi et comment un gouvernement élu par le peuple, est prêt à accepter un projet comme celui des 60 puits de pétrole, au large des côtes de Terre-Neuve ? Un projet qui contribuera à terme, à être un danger pour sa population ? Réponse : l’économie. Ce projet apportera des milliards et des milliards de dollars dans l’économie canadienne par la création de milliers d’emplois. Il s’agit donc d’un bénéfice à court terme beaucoup plus intéressant que les conséquences à long terme.
Pourquoi évaluons-nous la qualité de nos gouvernements par une gestion économique en croissance constante ? Un des éléments de réponse se trouve, selon moi, dans notre modèle électoral. Les élections aux quatre ans amènent nécessairement que les performances de nos élus soient évaluées sur du court terme.
Ainsi, j’ai bien peur que tant et aussi longtemps que les impacts des changements climatiques ne seront pas visibles à l’intérieur d’une plage de quatre ans, ils ne seront pas priorisés. Qui plus est, lorsque les électeurs votent, ils sont fortement influencés par l’état de leurs finances personnelles au début du mandat comparativement à la fin, donc, l’économie est un facteur déterminant qui oriente assurément le choix du vote.
Sur ce dernier point, il est intéressant de se demander sur quoi se base-t-on pour déterminer notre avancement au sujet de l’économie des ménages ? Est-ce la satisfaction générale ? Si vous ne le saviez pas déjà, je suis désolé de vous informer qu’en tant que ménages faisant partie d’une société consommatrice, nous sommes pleinement influencés par les grandes sociétés : pourquoi acheter un SUV plutôt qu’une petite voiture économique ou électrique? Pourquoi acheter du plastique ? Pourquoi acheter des produits suremballés plutôt que du vrac de qualité ? Pourquoi acheter des fruits de la Californie ou d’Amérique du Sud en plein hiver québécois ?
Je vous l’assure : Il y a une influence qui agit en sous-main.
Comment, en tant que société, sommes-nous influencés ?
Il est de plus en plus admis que tous nos goûts et pratiques de consommations sont influencés, voire manipulés. Que ce soit par une stratégie de prix, des publicités à grand budget ou l’utilisation de vedettes faisant la promotion de la toute dernière édition d’un produit, quelqu’un cherche à faire un profit, à vous influencer.
Ainsi, plus les sociétés sont grandes et engrangent de forts profits, plus elles ont les moyens de manipuler les masses, d’influencer les choix.
« De mon point de vue, les entreprises doivent profiter des virages verts et du grand nettoyage planétaire qui débute à peine, sinon les marchés ne seront jamais alignés avec les besoins de nos écosystèmes. »
Basés sur ce rapport de force, comment pouvons-nous, en tant que consommateurs, altérer dramatiquement nos habitudes de consommations et nos gestions de portes-feuilles, pour devenir des citoyens responsables ayant un impact positif sur la planète ?
De mon point de vue, les entreprises doivent profiter des virages verts et du grand nettoyage planétaire qui débute à peine, sinon les marchés ne seront jamais alignés avec les besoins de nos écosystèmes.
Les grands pollueurs ultra-riches
Il y a quelques années, mon travail m’a donné la chance d’être estomaqué par l’opulence d’une grande société pétrolière de l’Alberta. Cette dernière avait cru bon d’investir dans un lobby orné de marbre et de bois rares : que des matériaux nobles, exotiques et bien sûr, hors de prix! Lorsque je me suis informé sur le budget que la société avait en tête afin de couvrir les éléments informatiques et technologiques pour une année, j’ai été complètement décontenancé : « Nous avons un budget équivalent au forage d’un puit de pétrole » m’avait-t-on dit alors, « … Et combien ça coute, creuser un puit de pétrole? » m’étais-je enquis. « 100 Millions » me répondit-on, avec une nonchalance manifeste qui marque encore aujourd’hui mon imaginaire. Ils étaient 5 000 employés. Une fois de plus, cette petite histoire met de l’avant un modèle de dépenses exorbitant, totalement exagéré pour qui sait de quoi il parle. En référence, c’est presque dix à quinze fois plus qu’une entreprise moyenne.
Ainsi, qu’est-ce qu’une entreprise souhaitant extraire des millions de barils de pétrole du sous-sol marin, au large des côtes de Terre-Neuve, peut user afin de faire plier plusieurs paliers de gouvernements et d’influencer des organismes censés protéger l’environnement pour rendre leur projet acceptable ? Réponse rapide : user d’argent.
Il m’est malheureusement trop facile de m’imaginer qu’une petite structure administrative gouvernementale, avec des moyens et des budgets limités, puisse se faire inonder par des milliers de pages de recherches, des dizaines d’avocats et d’avis experts de toutes sortes, afin de plaider en faveur d’un projet pour soi-disant faire valoir ses avantages et démontrer que ce dernier est vert et bon pour l’environnement… Éventuellement, est-ce possible que les moyens pour réfuter les dires puissent manquer pour le commun des mortels, voire même pour certains ministères ? Malheureusement, personne ne possède une force de frappe
équivalente aux grandes pétrolières ou aux grandes minières dans ce jeu inégal.
À mon sens, il ne restera éventuellement que deux options aux gouvernements, soit : a) user des mesures de guerre, ou; b) user de leviers économiques spéciaux.
L’option des mesures de guerre
Nous sommes majoritairement trop jeunes pour nous rappeler ce qu’implique l’utilisation des mesures de guerre, mais l’Histoire nous donne quelques indices :
- Le gouvernement peut prendre le contrôle intégral de l’économie;
- Cette dernière est restructurée afin de répondre entièrement aux besoins du pays, qui dans le cas d’une guerre implique la confection d’uniformes, de rations et d’armements pour les troupes;
- La population en entier est impliquée dans cet effort;
- Cette initiative devient la seule et unique raison justifiant toutes les décisions;
- Tout autre production qui n’est pas alignée sur ce but est soit arrêtée ou intégrée d’une façon ou d’une autre.
Cette logique pourrait être appliquée aux changements climatiques, se faisant, cela voudrait dire que :
- Toutes les sociétés polluantes devraient réduire, voire stopper, leur production de GES;
- Tous produits produisant des GES (par exemple les voitures à essence, le plastiques, etc.) seraient bannis;
- Toute la consommation serait revue et indexée afin de rejoindre les cibles de réduction réelle;
- Toutes les initiatives, personnelles ou de sociétés devraient démontrer leur utilité à réduire les GES;
- La population serait forcée de réduire ses émissions et sa consommation de façon drastique, peu importe la situation financière des ménages. Tous seraient touchés et impliqués, de près ou de loin.
Il est facile de s’imaginer, à ce point, qu’il n’y aurait plus de choix, ni de libre-arbitre… Les choses seraient simplement imposées, pour le bien de l’humanité tout entière, cela dit.
L’alternative proposée : des leviers économiques imposés
La capacité financière d’entreprises telles qu’Apple, Google ou Total Énergies provient directement de la valeur de sa société en bourse.
Le modèle de marché d’échange a débuté en Belgique dans la seconde moitié du 15 e siècle (1460). Cela dit, le modèle actuel, (basé sur la croissance infinie, l’avarice et le profit à tout prix), quant à lui ne remonte qu’au début du siècle dernier. Ces valeurs sont toujours présentes aujourd’hui. Il est possible de les retrouver, entre autres, dans certains modèles d’investissement de capital de risque qui n’ont principalement de but que la croissance ultra-rapide et la revente, afin de toucher
un maximum de profit.
La question que je pose est la suivante : que se passerait-il si nous appliquions les valeurs de respect des droits humains, d’environnement et de carboneutralité au marché financier à travers le monde? Qu’arriverait-il si la valorisation des sociétés
était indexée en relation directe avec l’impact que celle-ci aurait sur la planète? Voire sur les droits humains?
Voici donc l’alternative que je propose :
Que les entreprises pollueuses (par exemple, une pétrolière), voit sa valorisation boursière être impactée négativement, et que, du jour au lendemain, elle soit amputée des milliards de dollars qui lui permettent de passer outre les règles et de faire des lobbies outrageux auprès des gouvernements ;
Que les entreprises possédants des solutions pour nettoyer la planète, endiguer les problèmes et améliorer le sort de l’humanité, voient, quant à elles, leurs valuations boursières être drastiquement augmentées, afin de les outiller pour faire les choses en grand, et rapidement ;
Ainsi, les argents investis seraient automatiquement redirigés vers des solutions au lieu d’empirer les problèmes.
Il me serait très agréable de voir de mon vivant des sociétés souhaitant nettoyer l’océan Pacifique ou convertir des champs pétroliers en forêts pouvoir faire du lobbyisme auprès des gouvernements, notamment au fédéral.
Le capitalisme utilisé comme accélérateur de résolution
L’option que je propose ici permettrait d’arrimer le meilleur côté du capitalisme : soit sa capacité de générer énormément d’activité économique par l’investissement de milliards de dollars annuellement avec des moyens et une méthode pour outiller des entreprises et des individus pouvant résoudre ces problèmes d’une importance capitale : c’est-à-dire de parvenir à nettoyer notre planète, et ainsi, nous doter d’une chance renverser la vapeur et diminuer les risques d’extinction de l’espèce humaine.
La force de cette solution se voit par la rapidité de nous doter des moyens de nos ambitions. Je souhaite vivement que cette idée puisse faire du chemin, car je crois que nos gouvernements se doivent de s’armer de courage et lier l’économie avec l’environnement une bonne fois pour toute.
Crédit Image à la Une : La pétrolière Equinor au large des côtes de Terre-Neuve. Source : 123rf.com