Cyberintimidation et sextorsion : quand des adolescentes se donnent la mort

Cyberintimidation et sextorsion : quand des adolescentes se donnent la mort

Marie, une jeune française de 15 ans, s’est suicidée à la suite de cyberharcèlement. Pour la première fois en France, des parents portent plainte contre la plateforme TikTok, à laquelle ils reprochent d’avoir amplifié son mal-être, suscitant le débat sur les dangers liés aux algorithmes des réseaux sociaux auxquels s’exposent les adolescents.

Un algorithme « extrêmement puissant »

Marie a été retrouvée pendue dans sa chambre le 16 septembre 2021 à Cassis (Bouches-du-Rhône). Comme beaucoup de jeunes depuis le lancement de TikTok, elle utilisait régulièrement la plateforme. Quelques semaines avant de mettre fin à ses jours, elle y a publié une vidéo dans laquelle elle se livrait sur le fait d’être la cible de cyberharcèlement en lien avec son poids.

« Je demande à ce que toute la lumière soit faite sur la part de responsabilité de TikTok dans le suicide de Marie. »

– Me Laure Boutron-Marmion

À travers leur plainte déposée le 8 septembre 2023 contre le réseau social chinois pour « provocation au suicide », « non-assistance à personne en péril » et « propagande ou publicité des moyens de se donner la mort », ses parents et leur avocate, Laure Boutron-Marmion, font valoir que l’« algorithme extrêmement puissant » de TikTok aurait bombardé l’adolescente de vidéos en lien avec sa publication, ce qui aurait aggravé sa détresse. « Je demande à ce que toute la lumière soit faite sur la part de responsabilité de TikTok dans le suicide de Marie », à d’ailleurs insisté Me Boutron-Marmion à l’antenne de BFMTV.

Au Québec et dans le reste du Canada

Amanda Todd

Ce tragique événement n’est pas sans rappeler l’histoire d’Amanda Todd, adolescente du même âge, qui s’est suicidée en 2012 après avoir raconté, dans une vidéo YouTube, son cauchemar incessant : la jeune Britanno-Colombienne était victime de cyberintimidation et de sextorsion depuis plus de trois ans.

Amanda Todd – capture d’écran YouTube (Wikipédia)

« Bonjour. J’ai décidé de vous partager mon histoire. Tout a commencé quand j’échangeais avec des amis sur le net, avec la webcam, pour rencontrer et parler à de nouvelles personnes. Les gens à qui je parlais me disaient que j’étais jolie, parfaite, etc… Puis on m’a demandé de me dévoiler. Ce que j’ai fait… Un an plus tard, j’ai reçu un message sur Facebook, d’un garçon… Je ne savais pas comment il me connaissait. Il m’a dit: ‘si tu ne fais pas de spectacle pour moi, j’enverrai la photo de tes seins à tout le monde.’ Il connaissait mon adresse, mon école, mes parents, mes amis, les noms de famille, tout. Vacances de Noël… Quelqu’un frappe à ma porte à 4h du matin. C’était la police… ma photo avait été envoyée à tout le monde. Je suis alors devenue vraiment malade… Anxiété, dépression, trouble de panique. J’ai alors déménagé et j’ai commencé à prendre de l’alcool et de l’alcool.. Mon anxiété est arrivée… je ne pouvais pas être au plus mal. » Le calvaire d’Amanda, impliquant du harcèlement et du chantage de la part d’étudiants ainsi que d’étrangers, durera des années avant qu’elle décide de mettre fin à ses jours.

Un portrait actuel de la situation

Selon une étude de l’entreprise de protection en ligne McAfee, 78 % des jeunes Québécois victimes de cyberintimidation ne vont pas chercher de l’aide. Le quart des jeunes disent aussi dissimuler la situation à leurs parents.

150 %, c’est la hausse des signalements de sextorsion enregistrés dans les six derniers mois chez les jeunes Canadiens

– Cyberaide

L’organisme canadien Cyberaide rapporte cette année avoir enregistré une augmentation de 150 % des signalements de sextorsion faisant des victimes parmi les adolescents canadiens, dans une période de six mois.

Ainsi, non seulement les risques liés aux usages des plateformes populaires semblent démultipliés et échapper au contrôle parental, mais les mineurs sont exposés de plus en plus tôt aux risques liés aux réseaux sociaux. Une étude de l’agence britannique Nominet révèle en effet qu’avant l’âge de 5 ans, l’enfant moyen a, à son actif, 1500 images de lui sur les réseaux sociaux, ce qui contribue à constituer très tôt une base de données ouvertes et une empreinte numérique propres aux enfants, ainsi qu’une mine d’or pour les personnes malveillantes ou criminels du web.

Crédit Image à la Une : Kseniya Budko et Brian Ramirez (Pexels), montage CScience


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