Malgré les promesses de l’intelligence artificielle (IA) dans le milieu de la santé, les technologies associées en sont encore à leurs balbutiements. Convaincre les patients, mais aussi le personnel qui travaille en milieu clinique d’adopter ces innovations demeure une étape essentielle à leur bon déploiement.
« À quoi sert l’IA en clinique? » Il s’agit de la question qui a tourmenté le docteur Fabrice Brunet, président-directeur général du Centre hospitalier de l’Université de Montréal, comme il en a témoigné lors d’une conférence organisée le 23 novembre par L’École de l’IA en santé du CHUM et la communauté de pratique de l’IA en santé du CRCHUM.
À l’occasion de cet événement portant sur les défis de l’intégration de l’IA dans le milieu clinique et organisationnel, les panélistes provenant des secteurs de la recherche et de l’industrie ont été appelés à défendre leur vision de l’IA.
« Vous nous dites que collecter des données va améliorer les systèmes (…) mais quel est l’avantage pour les gens qui travaillent en milieu clinique ? Comment les convaincre d’effectuer cette collecte », a ainsi demandé le Dr Brunet à ses interlocuteurs.
C’est le gain en efficacité, en temps, ainsi que l’optimisation des services qui est le plus grand gage d’adoption de l’IA selon Cécile Petitgand, coordonnatrice de l’initiative d’accès aux données de la Table nationale des directeurs de la recherche du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec et associée de recherche au CRCHUM.
Celle-ci a cité en exemple un projet pilote en cours au CHUM en collaboration avec l’entreprise Gray Oncology Solutions, destiné à gérer les heures de rendez-vous des patients en cancérologie.
Les heures de consultation et la prise de rendez-vous sont gérées par un algorithme qui tient compte de la disponibilité des ressources humaines, de l’achalandage en clinique et des préférences des patients, ce qui permet de gagner du temps, selon Mme Petitgand.
LE PAPIER, UN MAL NÉCESSAIRE ?
Honni par plusieurs comme étant un symbole de l’archaïsme du réseau de la santé, le papier ne représente pourtant pas un obstacle à l’implantation de l’IA dans les centres hospitaliers selon les panélistes.
« Quand on dit que l’on va éliminer les fax et le “post-it” », le fait-on pour de bonnes raisons ? Est-ce bien nécessaire de se faire violence dans nos pratiques cliniques ? Il faut se demander pourquoi les gens utilisent encore le papier. C’est peut-être parce qu’on lui fait confiance », a souligné Mme Petitgand.
À ses côtés, Anne Nguyen, directrice de la stratégie et de l’innovation chez Logibec a abondé dans le même sens.
« Il faut mettre les choses en perspective lorsqu’on veut déployer de l’IA. Quel est le problème à régler ? On ne peut pas invoquer le “trop de papier” ou le nombre important d’heures supplémentaires travaillées par les infirmières. Car il s’agit là de problèmes structurels », a insisté cette dernière. Selon Mme Nguyen, c’est plutôt vers l’optimisation des ressources et des services offerts que l’IA peut être utile.
L’ÉTHIQUE TOUJOURS CRUCIALE
La présence d’un cadre éthique supervisant la transformation numérique du secteur de la santé est restée sans équivoque lors de cette discussion.
Se tenir au courant des bonnes pratiques et des normes imposées par Santé Canada et son pendant américain, la Food and Drug Administration, est essentiel pour les développeurs d’outils IA et leurs collaborateurs institutionnels, selon Frédéric Leblond, professeur au Département de génie physique de Polytechnique Montréal.
Par ailleurs, afin d’être en tête de file dans ce domaine, le CHUM a créé son Guide des principes d’innovation et d’intelligence artificielle responsables en santé, un recueil et questionnaire pour diriger les membres de son personnel et ses collaborateurs de l’établissement dans la poursuite de l’intégration de nouvelles technologies en son sein.
Image: Mosaic HEC