Si de nombreux bénéfices sont associés au fait d’intégrer l’intelligence artificielle et divers processus d’automatisation, se lancer dans l’innovation en IA n’est pas sans risque, et peut représenter tout autant de défis pour une entreprise. Quelles sont les étapes à suivre pour « dérisquer » son projet d’intelligence artificielle ?
Selon l’Alliance Canadian Advanced Technology (CATA), en comparaison avec l’Allemagne ou le Japon, le Québec accusait en 2018 un retard d’une dizaine d’années en termes d’automatisation du secteur manufacturier, enregistrant un taux d’automatisation de plus ou moins 25 % au Québec, évalué à 55 % aux États-Unis et à 75 % en Allemagne.
Au Québec, le secteur manufacturier serait deux fois moins automatisé que son homologue américain, et trois fois moins qu’en Allemagne
– Alliance Canadian Advanced Technology (CATA)
C’est que l’IA a beau avoir fait ses preuves en matière d’amélioration de la productivité et de retour sur investissement dans plusieurs secteurs et pays, elle s’accompagne de risques pouvant intimider les entreprises qui débutent en la matière, expliquant le retard d’adoption au Canada.
C’est pourquoi il incombe aux entreprises de suivre diverses étapes clés dans le développement harmonieux et sûr de leurs projets en IA, visant à en réduire sinon en éliminer les risques associés à leur déploiement.
1. Connaître sa stratégie
Une entreprise qui rêve d’automatiser plusieurs processus ou opérations, allant de l’assurance qualité de son usine, au transfert d’information entre départements, en passant par l’optimisation en temps réel de sa production et de la prédiction des ventes, par exemple, aura intérêt à lancer un projet d’intelligence artificielle. Pour commencer, elle devra d’abord déterminer la stratégie que son projet devra servir, et ensuite en dégager les risques potentiels, non négligeables si elle s’aventure en terre inconnue, et ce, qu’il s’agisse d’une petite ou d’une grande organisation.
« La taille d’une compagnie n’est pas un facteur déterminant quant au degré de son risque (…) Les entreprises les plus exposées sont celles qui n’ont pas encore innové en IA et dont la notion du risque relié à ce type de projet ne leur est pas familière. Il y a alors plusieurs dimensions du risque à observer. »
– Mathieu Barreau, directeur aux affaires, communication et partenariats du Centre de Recherche Informatique de Montréal
« La taille d’une compagnie n’est pas un facteur déterminant quant au degré de son risque. C’est plutôt sa capacité à accepter le risque qui sera déterminante. Les entreprises les plus exposées sont celles qui n’ont pas encore innové en IA et dont la notion du risque relié à ce type de projet ne leur est pas familière. Il y a alors plusieurs dimensions du risque à observer », entame Mathieu Barreau, directeur aux affaires, communication et partenariats du Centre de Recherche Informatique de Montréal (CRIM).
« D’abord, il faut déterminer si le projet en tant que tel est réaliste et réalisable, avoir une bonne notion du marché ciblé, et savoir si ce que l’on souhaite réaliser existe déjà. Est-ce que cela posera un enjeu de compétitivité ou de productivité ? Ou s’agit-il seulement d’améliorer les postes de travail par l’automatisation grâce à l’IA ? Il faut répondre à toutes ces questions, très tôt dans le déploiement d’un projet en IA, afin de servir une stratégie », relate M. Barreau.
2. Identifier les cas d’usage
Lorsqu’on lui demande ce qui distingue les risques propres aux projets d’IA de ceux d’autres projets technologiques, l’expert explique que « Ce n’est pas tant le fait que ce soit nouveau, mais surtout le fait que ça évolue très vite. Le secteur de l’IA est très volatile, ce qui fait que ce qui n’existe pas aujourd’hui peut exister demain, et qu’il est très difficile pour le commun des mortels d’être au fait des dernières avancées et réalités. »
Ainsi, pour aider le porteur d’innovation à se doter d’un processus structurant et à mener à bien son projet d’IA, M. Barreau recommande de se tourner vers l’exploration de cas d’usage. « Souvent, les entreprises en quête d’accompagnement on d’abord une idée vague de ce qu’elles veulent accomplir. Il faut alors identifier les différents cas d’usage qu’il pourrait y avoir dans l’entreprise, en fonction de son modèle d’affaires, de son marché et de ses objectifs, puis hiérarchiser. C’est là qu’on aborde la question des données, à savoir si les entreprises ont la bonne data, si elles doivent se lancer dans la création de données synthétiques, si elles peuvent utiliser les données publiques ou collecter des données, etc. »
Par exemple, dans des secteurs plus complexes, tels que l’aéronautique, l’aviation, l’aérospatial et le secteur bancaire, où les standards de sécurité sont élevés, « il y a énormément de réglementations à considérer dans le développement des modèles d’IA ».
3. Analyser les données au préalable
L’analyse préalable des données est une étape cruciale. Elle n’implique pas de s’attarder seulement à la qualité des données, mais aussi à leur environnement, soit tout ce qui entoure la sécurité, le stockage et les droits d’utilisation des données. « On ne prendra jamais le risque de développer son projet sur la base de données dont on n’a pas garanti la libération des droits d’usage! »
4. Se doter des bonnes ressources
En ce qui concerne l’importance de prévoir les bonnes ressources, l’entreprise qui se lance dans le développement d’un premier projet d’innovation en IA doit impérativement s’entourer d’experts. « Pas forcément d’une grande équipe, mais au moins de gens qui savent y faire, puisque c’est souvent le savoir-faire et l’expertise qui sont manquants », note M. Barreau.
« Par exemple, pour un projet de recherche fondamentale, on peut choisir de s’associer à des universités ou des partenaires comme le Mila », amène l’expert.
5. Rassurer ses investisseurs
Enfin, M. Barreau mentionne que « 80 % des entreprises et PME québécoises qui mènent des projets en développement expérimental utilisent des organismes subventionnaires pour les réaliser », d’où l’importance de rassurer les investisseurs publics en dérisquant les projets sous divers aspects techniques et relatifs au marché potentiel.
À consulter :
2. Le dossier NUMERIA sur CScience :
Crédit Image à la Une : Kampus Production, Pexels