L’idée n’est pas toute neuve, mais l’intelligence artificielle (IA) et l’analyse prédictive deviennent aujourd’hui de plus en plus efficaces pour venir en aide aux personnes dépressives. Dans ce sens, une équipe de l’Université Concordia a conçu un algorithme capable de détecter les personnes anorexiques sur les réseaux sociaux.
« C’est un prototype de recherche qui n’est présentement branché à aucun média social » précise d’emblée Leila Kosseim, au début de notre entrevue. Cette professeure du Laboratoire de linguistique computationnelle (ClaC) du département d’informatique et de génie logiciel de l’Université Concordia a dirigé les travaux pour concevoir cet outil d’apprentissage profond.
Ce dernier est le résultat d’un travail réalisé dans le cadre de la compétition internationale Computational Linguistics and Clinical Psychology, qui se tient une fois par an. Les organisateurs du concours ont livré aux candidats un grand nombre de billets issus du site communautaire Reddit. Certains de ses billets avaient été écrits par des usagers souffrant d’anorexie, d’autres non. Le but du concours était de mettre en place un système capable de déceler le plus rapidement possible quels usagers étaient sujets à l’anorexie.
« La particularité de cette tâche là, c’est qu’il ne s’agit pas d’une classification binaire. On doit ici classifier un usager en fonction d’une séquence de billets. (…) On avait un équilibre à atteindre entre identifier de façon précoce l’anorexie, avec le risque de se tromper, ou attendre d’avoir beaucoup de billets pour être sûr du résultat, mais dans ce cas précis cela peut être trop tard. »
DIFFICILE D’EXPLIQUER LES RÉSULTATS
Est-ce que cela fonctionne ? Visiblement oui, et même plutôt bien, l’équipe de Concordia a même eu le meilleur score parmi les participants de la compétition, « mais nous n’étions pas nombreux, précise humblement Leila Kosseim.
Pour le moment, donc, aucun système comme celui-ci n’est utilisé par des professionnels de la santé mentale ou sur les médias sociaux pour prévenir les signes d’anorexie. Selon la professeure du ClaC, « le gros problème avec ces réseaux de neurones profonds, c’est qu’ils donnent souvent de bons résultats mais il très difficile pour un utilisateur de comprendre pourquoi cette décision a été prise ». En réalité, les modèles d’apprentissage profond comme celui-ci sont même considérés comme des boîtes noires. Pour convaincre le système de santé d’utiliser ce genre de système, il faudrait d’abord être en mesure de pouvoir expliquer précisément leurs résultats, ou au moins prouver leur efficacité sur le long terme.
Un des deux étudiants qui a participé à la conception de cet algorithme a d’ailleurs repris les recherches sur ce projet, justement pour tenter de fournir une interprétation des choix faits par l’algorithme.
PRÉVENIR AUSSI LES PENSÉES SUICIDAIRES
C’est ce qu’est capable de faire un autre outil doté d’intelligence artificielle, développé par le Dr Zachary Kaminsky, titulaire de la chaire DIFD (Do It For Daron) Mach-Gaensslen pour la recherche sur la prévention du suicide à l’Institut de recherche en santé mentale du Royal à Ottawa. L’année dernière, il a testé un algorithme en analysant (avec leur accord) pendant trois mois les tweets de 70 étudiants de l’Université Carlton – qui participaient à une étude sur la santé mentale.
L’algorithme a précisé trouvé les deux personnes sur le groupe qui avaient confié en interrogatoire avoir déjà pensé à mettre fin à leur jour, et il a même signalé les élèves qui se sentaient seuls ou déprimés. Des résultats très encourageants qui pourraient se révéler très utiles, face à un nombre croissant d’adolescents en détresse psychologique sociale, causée par les restrictions liées à la pandémie de Covid-19.