Des technologies de pointe immersives qui révolutionnent plusieurs industries

Des technologies de pointe immersives qui révolutionnent plusieurs industries

Au centre de plusieurs projets de recherche et de développement, les technologies immersives en réalité augmentée et mixte trouvent leur application au sein d’industries et de milieux preneurs variés, révolutionnant tantôt la manière de former les travailleurs dans le secteur manufacturier, tantôt les pratiques en construction ou encore l’offre en divertissement.

Liette Lamonde, directrice générale de PROMPT, à la célébration des 20 ans du consortium, le 21 février 2024.

CScience a pu tester et voir de près trois de ces projets innovants, soutenus par le consortium PROMPT, important regroupement sectoriel en recherche industrielle (RSRI) spécialisé dans le secteur des nouvelles technologies et technologies de l’information au Québec, à l’occasion de la célébration de ses 20 ans. Animée par la directrice générale de PROMPT, Liette Lamonde, en plein cœur des installations des 7 doigts de la main à Montréal, symbole du mariage fécond de l’innovation technologique et du divertissement, la soirée rendait compte du fruit de la collaboration interdisciplinaire.

La RA pour former la main-d’œuvre dans le secteur manufacturier

L’entreprise DeepSight, qui prédit pour la réalité augmentée (RA) l’avènement d’une révolution comparable à celle des téléphones intelligents, a fait la démonstration de sa solution, combinant des lunettes de RA et sa plateforme d’assistance en temps réel, destinée à la formation de la main-d’œuvre dans le secteur manufacturier. L’innovation permet ainsi aux utilisateurs d’interagir à la fois avec leur espace physique, et des éléments virtuels qui le bonifient, simulant et projetant certaines conditions environnementales. Une manière innovante pour les travailleurs d’apprivoiser leur milieu de travail, sans être confrontés au même niveau de risque normalement occasionné.

« Bien que la RA soit principalement utilisée sur les tablettes et les téléphones intelligents à l’heure actuelle, nous observerons un changement sociétal avec la propagation des lunettes intelligentes. Loin de se limiter à un écran en 2D, la RA va modifier notre façon d’interagir avec le contenu, à mesure que le monde numérique se fond dans le monde physique », soutient DeepSight.

« Loin de se limiter à un écran en 2D, la RA va modifier notre façon d’interagir avec le contenu, à mesure que le monde numérique se fond dans le monde physique. »

– DeepSight

Parmi ses clients, l’entreprise compte Moderco, fabricant de cloisons mobiles, qui repose sur la solution pour former ses employés quant à la manipulation de systèmes électriques complexes.

« Préalablement, cette entreprise avait développé une application sur tablette. Donc l’utilisateur devait tenir sa tablette ou la placer un peu plus loin de lui, pour voir dans quel trou il allait devoir placer le fil. Désormais, il n’a plus besoin de tablette. Les lunettes détectent sa main, et cette même représentation visuelle, autrefois affichée sur tablette, se trouve à flotter autour de la main de l’utilisateur, qui tient un connecteur. On parle d’un fardeau cognitif réduit, qui en rend l’assemblage encore plus fluide », d’expliquer le cofondateur de DeepSight, Nicolas Bearzatto.

Moderniser la pratique et l’enseignement de la construction

Parmi les initiatives soutenues par PROMPT, on compte un projet visant à révolutionner la pratique et la formation dans le secteur de la construction au Québec, en favorisant « une approche durable », impliquant l’adoption de technologies de pointe comme l’automatisation des processus, l’intelligence artificielle, et le « BIM » (modélisation des données du bâtiment).

« Des pays tels que le Royaume-Uni, la Suède et la Norvège ont fixé des retombées ambitieuses du BIM en matière de réduction des coûts et de l’empreinte écologique, ainsi qu’une amélioration des délais de livraison de 30 à 50% pour les projets. Le Canada est à la traîne de ce mouvement international (…) »

– PROMPT

Mené par le Groupe de recherche en intégration et développement durable en environnement bâti (le GRIDD), en partenariat avec l’École de technologie supérieure (ÉTS), et une dizaine de partenaires dont Pommerleau, Canam et CIMA+, ce projet s’inscrit dans la mission de l’équipe multidisciplinaire de chercheurs du GRIDD, réputés en gestion de projet, en technologie de l’information, en psychologie industrielle et en environnement, visant à réaliser des projets de recherche utiles à l’industrie pour transformer la façon de pratiquer et d’enseigner la construction au Québec.

Le BIM, présenté comme une technologie de rupture de plus en plus adoptée par les industriels, transforme de nombreux secteurs tels que l’architecture, l’ingénierie, la construction et l’exploitation des actifs immobiliers.

« Des pays tels que le Royaume-Uni, la Suède et la Norvège ont fixé des retombées ambitieuses du BIM en matière de réduction des coûts et de l’empreinte écologique, ainsi qu’une amélioration des délais de livraison de 30 à 50% pour les projets. Le Canada est à la traîne de ce mouvement international, qui a des répercussions directes, non seulement, sur la compétitivité de l’industrie de la construction, mais également sur la valeur qu’elle crée pour la société canadienne et sur le potentiel de réduction de son empreinte environnementale. La recherche et l’éducation au Canada progressent également lentement, privant l’industrie de personnel hautement qualifié (PHQ) doté des compétences essentielles en BIM et d’approches novatrices en matière de construction (baptisé Construction 4.0) », défend PROMPT.

Le Quantascope

Relevant plutôt de l’industrie du divertissement, le Quantascope, projet de Wallrus Creative Technologies, également exposé lors de la soirée des 20 ans de PROMPT, et testé notamment dans des musées, se veut une expérience immersive reposant sur la réalité mixte, « connectant des mondes virtuels à des espaces physiques réels ».

« Contrairement à la réalité virtuelle, la réalité mixte se rapporte à la création des environnements qui existent dans le virtuel, tout en ayant des assises dans le réel. »

– Emile Arragon, cofondateur de Wallrus Creative Technologies

« Notre technologie Quantascope permet la création de mondes virtuels liés à des espaces physiques réels afin de créer une sensation naturelle et intuitive d’immersion, ainsi qu’une transition fluide entre les deux mondes (…) Depuis le début du lancement de la plateforme Wallrus en 2015, nous avons développé une expertise dans l’agrégation et la gestion de flux de données riches en provenances de sources externes. Notre projet La vie secrète des monstres représente notre première tentative de synthétiser l’expertise que nous avons développé avec notre plateforme logicielle ainsi que l’expertise acquise dans des projets de créativités technologique pour des clients comme Bell, National geographic et autres. La vie secrète des monstres est une expérience unique à la croisée du jeu vidéo et de l’installation d’art public où le participant est appelé à interagir avec un mystérieux monstre projeté sur un mur de la ville à travers un contrôleur physique. Nous voulons permettre à la foule de participer en ajoutant un volet d’expérience collective interactive. »

La vie secrète des Monstres © Wallrus Creative Technologies

Interrogé par Cscience devant le kiosque de Wallrus, Emile Arragon, l’un de ses cofondateurs, a expliqué que « Contrairement à la réalité virtuelle, la réalité mixte se rapporte à la création des environnements qui existent dans le virtuel, tout en ayant des assises dans le réel. Accessibles via des lunettes Apple Vision Pro, par exemple, on aura alors un espace virtuel calqué sur la réalité, ou encore, des objets virtuels transposés dans l’environnement réel, mais dans le dernier cas, on parle alors de réalité augmenté. Nous, ce qu’on a décidé de faire, c’est d’aller plus loin, en créant des environnements 100 % virtuels, mais qui sont parfaitement superposés à la réalité », de préciser l’ambassadeur de Wallrus.

Dans le cadre de son activité « Le monde des monstres », offerte près de la station de métro Saint-Laurent en avril dernier, Wallrus proposait aux participants de chasser des monstres grâce au Quantascope sur une zone de 10 000 pi2.

Parmi les autres champs d’application de cette technologie, le développeur cible également la représentation de restauration de ruines, et la reconstitution d’événements traumatiques tels que des catastrophes naturelles. « Notre projet pilote qui débutera l’été prochain a Beauceville consiste à reproduire les conditions des inondations qui y ont eu lieu, à travers une expérience immersive où des sinistrés se racontent, dans un musée extérieur.

Stimuler l’innovation interdisciplinaire

Le choix des trois projets financés par PROMPT, mis à l’honneur lors de la soirée fêtant son 20ème anniversaire, n’était pas laissé au hasard, se voulant illustrer les retombées de l’innovation et du maillage interdisciplinaires.

« Je pense que l’initiative de PROMPT vise justement à favoriser ce type de collaboration entre diverses industries. Lorsqu’on parle du numérique, ou encore du milieu des communications, on parle de technologies qui trouvent leurs applications dans tous les domaines, d’entamer, en entrevue avec CScience, la directrice générale de Polytechnique Montréal, Maud Cohen. L’objectif est vraiment de démocratiser l’accessibilité à la recherche qui se fait dans les universités, ou encore à travers des projets comme ceux des étudiants issus de Polytechnique Montréal et de HEC Montréal. C’est très diversifié, et là, il s’agit de rendre le fruit de cette innovation plus accessible de manière concrète au sein des industries. »

« Quand on se compare aux états-Unis, on se rend compte de faiblesses quant à notre capacité de mise à l’échelle (…) »

– Maud Cohen, directrice générale de Polytechnique

La DG pense également que la rétention des talents dans le secteur des technologies passe par des initiatives comme celles de PROMPT, mais aussi par l’injection de plus d’investissements. « Quand on se compare aux états-Unis, on se rend compte de faiblesses quant à notre capacité de mise à l’échelle ( le « scale-up »), notamment quand il s’agit de produire massivement, ou de suivre toutes les étapes de réglementation pour une petite entreprise. Pensons à l’industrie pharmaceutique, où le développement d’un médicament sollicite des investissements massifs dès le départ. C’est souvent pour cela que les petites biotech se font racheter par les Big Pharma qui, elles, ont les moyens de faire la deuxième portion du travail. Mais l’agilité de l’innovation s’opère à une plus petite échelle. On observe une situation homologue en technologies. »

Biotechnologie : encore mieux positionner le Québec et le Canada dans le marché mondial

Rappelons que secteur des technologies et des start-up, notamment en IA, a pourtant bénéficié de beaucoup d’investissements des gouvernements provincial et fédéral au cours des dernières années, non pas sans essuyer de critiques, ni éviter l’exode de certaines de ces entreprises, englouties par d’autres marchés. Mais pour la DG de Polytechnique Montréal, le constat des retombées des investissements n’est jamais immédiat, parce qu’on parle d’ « un continuum de ‘lab au marché’. Aujourd’hui, on assiste à la démonstration du passage de la recherche vers l’étape appliquée, puisqu’elle est prête à être avancée sur le marché, alors qu’on a souvent tendance à perdre patience à l’étape de la recherche fondamentale. »

Reste à voir si le déficit record du budget de Québec, déposé mardi par le ministre des Finances, Éric Girard, ralentira les élans du soutien manifesté au secteur de façon marquée durant les cinq dernières années.

Crédit Image à la Une : DeepSight combine les lunettes de RA et sa plateforme d’assistance en temps réel pour former la main-d’œuvre dans le secteur manufacturier. (Capture d’écran : PROMPT)