Le comité XR-Métavers de l’organisme Numana, catalyseur d’écosystèmes technologiques, vient de dévoiler son rapport d’étude sur les opportunités qu’amène la réalité étendue (XR) au Québec, lançant un appel à l’engagement des entreprises, OBNL, acteurs académiques et investisseurs pour l’essor prometteur de l’industrie des technologies immersives.
« Tout ça a commencé dans un chalet il y a trois ans, où l’on a réuni des bâtisseurs (de la) XR du Québec », raconte Alexandre Teodoresco, directeur du développement stratégique et de l’innovation chez Les 7 doigts de la main, et membre du comité XR-Métavers. C’est à l’issue de cette rencontre en maison de plaisance qu’ont pu s’établir les bases du projet, en ce qu’il qualifie de « pamphlet de vision pour le Québec : le Manifeste du Métavers Québécois », publié en 2022.
De là s’est formé le comité, donnant naissance au rapport « Réalité étendue et technologies immersives : opportunités et défis pour le Québec », téléchargeable à partir du site web de Numana.
« Ce document peut maintenant guider notre gouvernement pour la stratégie nationale, comme beaucoup d’autres pays innovants. Les technologies immersives, la XR, (ont) déjà un impact majeur dans de nombreuses industries, et le Québec doit garder sa position de leader. Pourquoi? Déja parce qu’on (le) peut! », de soutenir Alexandre Teodoresco.
Une croissance constante attendue pour les années à venir
Présenté par le directeur de projets de Numana, Florian Saugues, également membre du comité, en compagnie de Martine Rioux, collaboratrice sur le projet et chargée de projets numériques chez Scriba – Les mots décodés, à l’occasion du Salon Connexion, événement phare du journal Les Affaires, le rapport fait état de tendances favorables observées dans le secteur XR quant à l’accessibilité, l’interopérabilité et l’intégration de ses technologies, prévoyant l’avènement de nouvelles applications et de modèles socio-économiques émergents.
Le métavers serait capable de générer jusqu’à 5 G$ de valeur d’ici 2030
On y prédit que « Le secteur XR sera en croissance au cours des 15 à 20 prochaines années », et que le métavers serait capable de générer jusqu’à 5 G$ de valeur d’ici 2030, insistant sur « le potentiel de développement et de création de richesse pour le Québec », qui s’est déjà imposé comme leader technologique à l’international, notamment pour ses ressources et ses talents dans le secteur de la recherche et de l’innovation. « Au Québec (…) en 2022, le divertissement immersif comptait pour 31 % des revenus de ce secteur avec une croissance annuelle projetée de 13 % d’ici à 2025 », précise-t-on.
Trois axes d’intervention
Pour mettre à exécution le plan stratégique préconisé visant à faire de l’industrie un moteur de croissance économique, sociale et culturelle, le comité XR-Métavers établit trois axes d’interventions prioritaires.
1. Structurer l’écosystème XR du Québec : favoriser la collaboration et l’innovation
Face aux opportunités grandissantes offertes par l’industrie des technologies immersives et de la réalité étendue (XR), le Québec se trouve à un carrefour stratégique pour structurer son écosystème afin de favoriser la collaboration et l’innovation. Fort de la présence d’acteurs impliqués à tous les maillons de la chaîne, du développement à la commercialisation, le Québec dispose d’une base solide pour dynamiser son secteur des technologies immersives, pense le comité.
Son secteur académique reconnu mondialement assurerait également un flux continu d’idées novatrices et de recherche de pointe, nourrissant ainsi l’innovation dans ce domaine en plein essor. Avec un bassin de talents diversifié et qualifié, le Québec pourrait capitaliser sur sa main-d’œuvre hautement qualifiée pour répondre aux besoins croissants de l’industrie XR. En outre, le bilinguisme omniprésent constituerait également un avantage distinctif, permettant d’atteindre un marché mondial plus vaste et de favoriser la collaboration internationale. En misant sur ces atouts et en adoptant une approche collaborative entre les entreprises, les institutions académiques et les gouvernements, le Québec pourrait se positionner davantage comme un leader mondial dans le domaine des technologies immersives, créant ainsi des opportunités économiques significatives pour l’avenir.
Pour maintenir le rôle de leader dans les industries du numérique, assurer une forme de souveraineté numérique, développer la collaboration entre les secteurs et conquérir le marché francophone, le rapport détaille plusieurs recommandations d’intervention : « mettre sur pied un Comité transversal des acteurs XR pour le Québec ; mandater une organisation existante pour fédérer l’écosystème et le faire rayonner et attribuer du financement pour l’embauche d’une ressource dédiée à cette fonction dans cette organisation ; créer un lieu commun de rencontre et d’expérimentation (physique ou virtuel) pour rassembler tous les acteurs ».
2. Moderniser les infrastructures numériques : assurer les bases d’une croissance durable
Pour s’assurer de tirer pleinement parti des opportunités offertes par l’essor des technologies immersives et de la réalité étendue, le Québec devrait se concentrer sur la modernisation de ses infrastructures numériques, des réseaux plus fiables étant indispensables pour soutenir la demande croissante de contenus immersifs et de haute qualité. Avec une bande passante à géométrie variable, le Québec peut adapter ses capacités réseau aux besoins changeants de l’industrie XR, garantissant ainsi une expérience utilisateur fluide et immersive.
Le rapport indique que le développement d’un banc d’essai quantique, tel que celui déployé et exploité par Numana, offre des perspectives prometteuses pour la sécurisation et l’optimisation des communications numériques, renforçant ainsi la position du Québec en tant que pôle d’innovation technologique.
Le quantique, les avancées en cybersécurité et en efficacité des systèmes de communication
Le Québec devra rester à la pointe de la technologie en investissant dans la recherche et le développement pour soutenir la compatibilité et l’interopérabilité des appareils XR, en investissant dans des infrastructures numériques robustes et évolutives, pour établir les bases d’une croissance durable dans le domaine des technologies immersives.
Pour ce faire, le comité recommande de « faire évoluer les réseaux de télécommunications en continu pour permettre aux possibilités technologiques de se déployer réellement ; tenir compte des recommandations à venir de la part de deux autres comités (dirigés) par Numana (le Réseau de futures générations et le comité qui se consacre aux quartiers empathiques) ».
Rappelons que les quartiers empathiques s’inspirent du concept des villes bienveillantes pour lequel la Finlande s’illustre, et où les bâtiments intelligents pourraient communiquer entre eux, mesurer les émissions de CO2 et la qualité de l’air, et aider à constituer un environnement bénéfique pour la santé et le bien-être.
3. Assurer la croissance économique du secteur XR : soutenir la recherche, le développement et l’entrepreneuriat
Pour garantir la croissance économique soutenue du secteur XR, le comité prévoit que le Québec devra mettre l’accent sur le soutien à la recherche, au développement et à l’entrepreneuriat. Avec une culture de recherche et développement en continu déjà bien établie, la province est idéalement positionnée pour stimuler l’innovation dans le domaine de la réalité étendue. En outre, étant donné le caractère complexe du modèle d’affaires XR, qui implique souvent des investissements importants dans le développement de contenu et de plateformes, le Québec peut jouer un rôle clé en fournissant un soutien financier et logistique aux entreprises émergentes et aux start-up.
En encourageant la collaboration entre les entreprises, les institutions académiques et les organismes gouvernementaux, le Québec peut favoriser un écosystème propice à l’entrepreneuriat et à la création d’emplois dans le secteur XR. De plus, en abordant les défis liés à la diffusion complexe des contenus XR, tels que la compatibilité des plateformes et les modèles de distribution, le Québec peut positionner ses entreprises pour réussir sur le marché mondial en développant des solutions innovantes et en facilitant l’accès aux marchés internationaux. En capitalisant sur ces avantages, et en mettant en place des politiques et des programmes de soutien ciblés, le Québec peut jouer un rôle de premier plan dans la croissance et le développement durables de l’industrie XR, renforçant ainsi sa position en tant que pôle d’innovation technologique.
Pour atteindre ces objectifs, il faudrait « investir dans la création d’un jumeau numérique modulable (‘bac à sable’ numérique), accessible à tous les acteurs de la chaîne XR (…) afin de permettre de créer, tester, inventer, démocratiser et s’approprier les outils, valoriser les partages de communs et de ressources ; financer des projets d’expérimentation et de prototypage, spécifiques du XR, jumelant plusieurs partenaires collaborateurs à l’intérieur du jumeau numérique (…) dans le but de permettre de rassembler, fédérer, favoriser la réalisation de preuves de concept et d’en simplifier l’accès pour faire en sorte qu’un plus grand nombre d’acteurs puisse y contribuer, bonifier, accélérer les développements ; mettre en place des appels à projet de recherche collaborative et ouverte pour soutenir un ou plusieurs centres de recherche autour de groupes d’entreprises ayant des intérêts communs dans le domaine (…) afin de permettre l’émergence de projets plus structurants pour le Québec qui réuniraient plusieurs partenaires. »
Des défis d’innovation à relever
Le rapport relève certaines mises en garde quant aux défis inhérents au développement d’environnements sociaux immersifs, relatifs, notamment, aux enjeux de sécurité et d’inclusion, auxquels le secteur devra porter une attention particulière.
« La protection de la vie privée et la sécurité des données personnelles sont des enjeux majeurs dans le développement des environnements immersifs. Bien que nous laissions déjà des traces de notre passage en ligne et hors ligne, le phénomène est amplifié et pose de nouveaux défis. Les grandes entreprises technologiques collectent déjà une quantité massive de données personnelles sur les utilisateurs (et parfois même les non-utilisateurs). Ces données servent au ciblage publicitaire et à la personnalisation du contenu, mais elles peuvent aussi être utilisées à des fins malveillantes. En ligne, l’anonymat n’est jamais garanti. »
Le comité cite une étude de l’Institut Rathenau (2024), rappelant que « Le harcèlement en ligne des femmes est déjà un problème important. Dans une enquête internationale menée auprès de jeunes femmes âgées de 15 à 25 ans, 55 % d’entre elles ont déclaré avoir subi une forme de harcèlement en ligne. Cette tendance pourrait s’intensifier dans les environnements immersifs. »
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Crédit Image à la Une : Riki32 (Pixabay)