L’omniprésence de l’IA dans l’agroalimentaire

L’omniprésence de l’IA dans l’agroalimentaire

Le 12 août dernier, Marie-Claude Bibeau, ministre fédérale de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, a annoncé des investissements de plus de 10 millions de dollars afin d’aider les entreprises québécoises du secteur à croître et créer des emplois. Cette somme permettra entre autres au secteur de se tourner vers de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle. Cette transition pourrait avoir de grands impacts, de la ferme jusqu’à nos assiettes.

Le secteur agroalimentaire détient une place essentielle dans l’économie québécoise. Selon le MAPAQ, il représentait en 2018 plus de 500 000 emplois. Cela représente près de 12 % des emplois dans la province. Ces travailleurs s’occupent principalement de la production, de la transformation et de la distribution des aliments. L’intégration de nouvelles technologies permet l’optimisation de chacune de ces étapes.

L’IA DANS LES CHAMPS

Dans un avenir proche, les fermes collecteront plus de 4 millions de données par jour. L’IA permet aux employés de traiter ces données et de prendre de meilleures décisions. Elle contribue à améliorer les récoltes, gérer la maintenance, simplifier les opérations et la gestion, réduire les coûts de fonctionnement et la consommation d’eau et d’énergie. Elle évite également aux fermiers d’effectuer certaines tâches répétitives, chronophages et peu intéressantes. Cet aspect est essentiel alors que ceux-ci cherchent à améliorer leur qualité de vie.

Les travailleurs ont désormais accès à de nombreux objets connectés, tels que des caméras, des capteurs, des stations météorologiques intelligentes, et des drones. Grâce à des algorithmes, de la reconnaissance faciale et de la vision par ordinateurs, ils peuvent identifier l’état et les besoins des champs, en temps réel. Un fermier peut donc prendre des décisions à distance, via son téléphone intelligent. 

On constate aussi une amélioration de la qualité des produits cultivés. Par exemple, de nouveaux outils basés sur l’IA permettent d’analyser les sols et de déceler plus facilement la contamination, la prolifération des microbes et les mutations génétiques nuisibles. La détection de maladies chez les animaux est également possible et permet alors d’éviter la propagation.

L’innovation dans les champs vient toutefois avec quelques contraintes. En effet, selon une étude du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, les fermiers seraient principalement réticents à cause du coût de l’acquisition et de la maintenance de ces technologies, de leur rentabilité incertaine, et de leur évolution constante et rapide.

ASSURER LA QUALITÉ DES ALIMENTS 

L’usage de la technologie ne s’arrête pas aux champs. En effet, avant d’être distribués, la plupart des aliments sont transformés. Tout d’abord, des travailleurs effectuent un contrôle afin d’assurer la qualité des produits. La technologie de séquençage rapide et à haut débit est alors d’une grande aide. Puisque son coût diminue constamment, cette innovation est de plus en plus présente dans le secteur agroalimentaire. Elle permet d’obtenir des données relatives aux séquences d’ADN sur les pathogènes et d’autres micro-organismes présents autant dans les aliments que dans les environnements de production et de transformation. Ainsi, ces informations permettent aux employés d’en savoir plus sur l’hygiène et la contamination des aliments.

Un peu plus loin dans la chaine de transformation, l’IA aide à faire un contrôle de l’emballage des aliments. En effet, leur qualité et leur aspect représentent l’une des principales causes de gaspillage alimentaire. Des solutions existent toutefois pour remédier à ce problème. Par exemple, l’entreprise suédoise Tetra Pak fait appel à un système d’IA afin d’analyser chacun des produits sortant de la chaine de production, à l’aide d’une photo. Il détecte donc plus rapidement et efficacement la présence d’une défaillance.

UNE DISTRIBUTION OPTIMISÉE

Les nouvelles technologies peuvent également contribuer à l’efficacité de la distribution. Au niveau des magasins alimentaires, on estime que leurs gestionnaires prennent en moyenne entre 1000 et 1500 décisions chaque jour. L’apprentissage automatique leur permet donc de mieux anticiper la demande de leurs produits, d’écouler leur stock et ainsi, de limiter le gaspillage.

Par exemple, des écrans numériques pourraient remplacer les étiquettes d’identification des produits dans les allées d’épiceries. Ce changement permettrait d’optimiser la gestion des prix. Dans un texte d’opinion rédigé pour La Presse, Sylvain Charlebois, professeur titulaire à la Faculté en management et en agriculture de l’Université Dalhousie, mentionne qu’en temps réel, « nous pourrions bientôt assister à une baisse de prix en matinée pour stimuler une demande et une remontée en après-midi, si les stocks s’épuisent ».  

L’entreprise britannique Ocado est un excellent exemple de l’usage de la technologie dans le secteur agroalimentaire. Ses centres de distribution sont à la fine pointe de la technologie. Grâce à un système d’IA, il est possible de connaitre en tout temps l’emplacement de chaque article et la disponibilité des produits, en plus de contrôler les stocks en temps réel. Des capteurs permettent même de suivre le déplacement des caisses dans l’entrepôt.

Si tout se déroule comme prévu, Ocado fera son entrée au Québec en 2021. En effet, un centre de distribution de l’épicier IGA, situé à Pointe-Claire, bénéficiera de ces nouvelles technologies. Les robots ultrarapides pourront remplir un panier de 50 articles en seulement cinq minutes. À cela s’ajoute un système de livraison fonctionnant avec des satellites. Ainsi, les clients pourront recevoir leur commande en quelques heures, dans un secteur allant de la région d’Ottawa jusqu’à la ville de Québec. Ce nouveau centre pourrait également employer jusqu’à 1500 personnes.

IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX

En 2018, l’organisme Moisson Montréal a recueilli près de 15,6 millions de kilos de denrées, afin de les remettre aux gens plus démunis. Malgré tout, 172 000 kilos ont été jetés, 52 000 kilos ont été recyclés, et 320 000 kilos ont été compostés. L’intelligence artificielle pourrait permettre de réduire ce gaspillage alimentaire.

L’an dernier, lors d’un hackaton organisé par TechAide, certains participants ont développé des outils permettant de faciliter les décisions de l’organisme. Ceux-ci aideraient Moisson Montréal à mieux comprendre leurs données. Ils offriraient également des prévisions quant aux quantités de dons, surtout en ce qui a trait aux denrées périssables, celles qui représentent la plus grande source de gaspillage.

Le secteur agroalimentaire cause de nombreux problèmes environnementaux, et ses principaux acteurs en sont de plus en plus conscients. Pour les épauler, la Caisse de dépôt et placement du Québec et la société d’investissement S2G Ventures ont annoncé le 23 septembre dernier la création d’un partenariat de co-investissement. Au cours de trois prochaines années, un investissement allant jusqu’à 166 millions de dollars ira aux sociétés de capital de risque qui cherchent à rendre ce secteur plus durable et respectueux du climat. 

La ferme d’hiver est d’ailleurs un bon exemple de l’utilisation de l’IA pour réduire les impacts environnementaux liés à l’alimentation. En effet, cette entreprise fait appel aux nouvelles technologies et à l’agronomie afin de diminuer la dépendance aux importations. La culture maraîchère requiert des conditions climatiques spécifiques. C’est ce que la ferme d’hiver tente de recréer dans son écosystème intérieur entièrement contrôlé, grâce à l’IA et une ingénierie de pointe. Comme quoi la technologie peut représenter une solution pertinente tant au niveau agroalimentaire, qu’économique et climatique.

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