Pour faire suite au projet finlandais sur les bâtiments empathiques (Empathic Building), NUMANA explore la possibilité de créer des quartiers empathiques. À l’image du concept de villes bienveillantes, que pourra bien nous apporter l’empathie des quartiers ?
Empathie ou bienveillance, l’idée est la même et suggère une amélioration de la qualité de vie des habitants. On pourrait aller plus loin, et même parler de prévenance. Les solutions proposées améliorent nos conditions de vie, mais elles sont également proactives. En ce sens, ces applications deviennent prévenantes et viennent au-devant des besoins de la population.
PANEL D’EXPERTS – QUARTIERS EMPATHIQUES
Lors d’un webinaire organisé pour présenter le projet, NUMANA (catalyseur d’écosystèmes technologiques au Québec), a reçu des spécialistes dans le but d’expliquer ce nouveau concept et de montrer comment il peut être mis en application. Nous en avons retenu quelques propos.
François Bédard, responsable du comité pour les technologies empathiques chez NUMANA, a animé le panel. Celui-ci était composé de Tomi Teikko, fondateur d’Empathic Building, Ursula Eicker, titulaire de la Chaire d’excellence en recherche du Canada (CERC) sur les collectivités et les villes intelligentes durables et résilientes et Dr. Marie Puybaraud, responsable mondiale de la recherche chez JLL Work Dynamics.
Les bâtiments empathiques
L’application Empathic Building « rassemble des données à partir de capteurs IoT (Internet des objets), qui mesurent des éléments tels que l’occupation, la qualité de l’air et le positionnement. Puis, la solution crée une visualisation des initiatives possibles qui permettent d’améliorer la situation.
Dans la perspective d’une application, « améliorer la qualité de vie des habitants », consiste à « exécuter la meilleure expérience possible pour l’utilisateur final », affirme NUMANA. À l’intérieur des bâtiments empathiques, les environnements de travail deviennent plus fluides et plus intuitifs, ce qui a pour objectif de faire émerger « une main-d’œuvre plus motivée. »
Des bâtiments aux quartiers empathiques
On comprend alors que les premières réalisations visent, essentiellement, les immeubles à bureau. Or, lorsqu’on parle de bien-être dans un quartier, on s’attend à une autre approche. Par son projet de quartiers empathiques, l’entreprise cherche donc à développer (cette fois-ci), la dimension citoyenne, plus que la dimension professionnelle.
« Le but est de créer des environnements socialement inclusifs et moins polluants. »
Le finlandais, Tomi Teikko, cite en exemple, les bagues émises par la compagnie OURA qui surveillent « notre sommeil, notre fréquence cardiaque, nos activités, notre température et d’autres informations personnelles. » Une bague, encore plus discrète que la montre proposée par Apple, serait prometteuse pour un tel projet.
Ce type d’applications, souligne M. Teikko, comprend ce que les gens ressentent et créent des services adaptés pour améliorer l’environnement. Elles utilisent des algorithmes d’apprentissage profond (deep learning) qui interprètent des données biométriques.
NUMANA invoque notamment l’entreprise ReelyActiv qui offre des services aux montréalais. ReelyActive Parc est un laboratoire vivant utilisé par l’obnl GénieLab. L’organisme a pour but de favoriser l’accès à la culture numérique en fusionnant design, art et technologie.
Une approche responsable
Dr. Marie Puybaraud précise qu’« en bout de ligne, les projets doivent faire preuve de responsabilité » et qu’il s’agit surtout de bâtir des quartiers, qui respectent l’écologique, tout en faisant preuve d’inclusion. Deux notions à prendre en compte, « sans oublier la participation qui doit être consentante », précise-t-elle.
« Les solutions doivent traduire les objectifs de développement durable, en actions et les quartiers empathiques sont un bon exemple. »
Dr. Marie Puybaraud, responsable mondial de la recherche chez JLL Work Dynamics
Ursula Eicker précise que pour un quartier, devenir empathique consiste à faire ressortir le caractère social et enrichissant des villages. Les solutions visent à trouver les lieux propices à des rencontres, à créer des espaces verts et à partager des ressources locales.
Une ville de Suède en exemple
Dr. Eicker cite en exemple Hammarby Sjöstad, un éco-quartier de la ville de Stockholm (Suède), qui se distingue grâce à sa collecte de déchets automatisée.
Au début des années 90, Hammarby Sjöstad avait la réputation d’être une zone industrielle et résidentielle délabrée, polluée et dangereuse. Aujourd’hui, Hammarby Sjöstad est l’un des quartiers résidentiels les plus agréables de Stockholm et l’un des quartiers de rénovation urbaine les plus réussis au monde.
Ce site ayant été réalisé sous forme de ré-urbanisation totale, Marie Puybaraud suggère une approche plus adaptative aux environnements existants, dans le respect de l’histoire des villages.
Conseils pour la mise en place du projet
Tomi Teikki ajoute alors qu’il serait souhaitable de procéder de manière itérative. « Nous devons aller vite, tester rapidement les fonctions et si quelque chose ne fonctionne pas, aller avec une autre solution », dit-il.
« Dans une perspective technologique, la grandeur n’est pas un obstacle, ainsi, on peut passer du bâtiment, au quartier, à la ville, puis au pays empathique. »
Il s’agit également, d’adapter, en temps réel, les services selon les besoins exprimés par les habitants ou les utilisateurs. Dr. Marie Puybaraud ajoute qu’il faudra également prévoir les tables rondes et des comités de co-création pour développer des solutions intégrées.
François Bédard ajoute que les technologies doivent être orientées de manière à comprendre les comportements des utilisateurs. Montréal est un endroit parfait pour mettre en place le projet des quartiers empathiques et NUMANA souhaite proposer une matrice à la ville.
Comme modèle, le regard se tourne également vers Toronto, pour leur projet Sidewalk. La ville de Toronto souhaitait faire progresser un nouveau modèle de développement urbain inclusif le long de son front de mer Est. Le projet a dû prendre fin en raison des contraintes liées à la pandémie. La solution évaluait, entre autres, « les niveaux les plus élevés de durabilité, d’opportunités économiques, d’abordabilité du logement et de nouvelles mobilités. »
Hormis l’impression de contrôle qui peut se dégager de telles initiatives, nous nous attendons, en tant que citoyen, à un juste traitement des données et NUMANA souligne, effectivement, l’importance de travailler avec des données anonymisées.
En somme, le projet poursuit un idéal similaire à celui de l’esprit de village, qui tisse naturellement des liens d’entraide, à l’intérieur d’une collectivité. L’objectif principal vise l’amélioration de la gestion de l’énergie à l’intérieur des espaces publics, en conciliant l’intervention de la collectivité à son bien-être.