Santé mentale des astronautes : le « Design Thinking » à la rescousse

Santé mentale des astronautes : le « Design Thinking » à la rescousse

Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, les astronautes sont au moins trois fois plus à risque de développer un trouble de stress post-traumatique. En adoptant l’approche du « Design Thinking », qui consiste à axer l’innovation sur l’utilisateur, on ambitionne de développer des solutions innovantes pour répondre aux problèmes de santé mentale, touchant tantôt les communautés éloignées sur Terre, tantôt les exilés de l’espace.

Le colloque « Univers numérique en santé – Ensemble vers l’innovation », qui se tenait le 19 janvier au Centech à Montréal, visait justement à « promouvoir la transformation numérique et l’innovation »,  en mobilisant plusieurs participants lors d’un atelier, afin « qu’ils puissent en retirer quelque chose de tangible et faire une différence chacun à leur échelle », a indiqué Natalia Tourbina, initiatrice de l’événement et dirigeante du Pôle de l’innovation et du numérique au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Innovation en médecine spatiale

L’astronaute de l’Agence spatiale européenne Samantha Cristoforetti, de concerta avec l’Agence spatiale canadienne (ASC), a présenté plusieurs façons dont les astronautes pouvaient prendre soin de leur santé mentale lors de leurs missions dans l’espace. Elle suggère notamment les vidéoconférences avec une équipe de soutien psychologique.

La médecine spatiale, telle que vue par l’ASC, développe des stratégies innovatrices assurant la prise en charge actuelle et future de la santé des astronautes en espace. « On doit prévoir les technologies qui protègent le corps humain dans ces environnements. On développe une vision pour construire des solutions qui vont protéger la santé des êtres humains allant dans l’espace », explique Cyril Mani de l’Agence spatiale canadienne.

L’ASC travaille entre autres sur des stations lunaires médicales, où « 80% des procédures faites dans un hôpital sont amenées dans un conteneur de 40 pieds », développe-t-il.

Centech, à Montréal. Photo: Roxanne Lachapelle

Centech, à Montréal. Photo: Roxanne Lachapelle

Un atelier pour repenser la santé mentale dans l’espace

L’isolement physique, les délais de communication avec la Terre – en allant vers la Lune, les délais varient entre une et deux minutes. Vers Mars, on parle plutôt de 22 à 44 minutes pour recevoir et envoyer une communication – et le fait d’être confiné dans un espace limité pèsent sur la santé mentale des astronautes. La question de l’atelier était de savoir « Comment maintenir une santé mentale lors d’épisodes prolongés d’isolement et d’éloignement, en prenant en compte les enjeux de délais de communication avec la Terre, et en assurant une cohabitation harmonieuse avec des collègues astronautes? », lance Cyril Mani.

Dans le cadre du colloque, l’atelier Hacking Health & Beyond, organisé par Hacking Health en partenariat avec l’Agence Spatiale Canadienne et Montréal INVIVO, a rassemblé près d’une vingtaine de participants qui ont appliqué les méthodes de Design Thinking et d’innovation ouverte pluridisciplinaire afin de trouver des solutions à ces enjeux. En équipe de quatre, les participants ont été invités à réfléchir aux besoins en santé mentale des astronautes et à co-créer une solution en lien avec ces défis, présentée sous forme de pitch.

Parmi les idées partagées, on relève la création d’un casque virtuel créant un univers 360°, dans lequel des astronautes pourraient voir des vidéos préenregistrées de leurs proches et se promener dans des lieux familiers : « Selon moi, plus les activités sont efficacement immersives, plus l’utilisateur est en mesure de fuir, de s’évader d’une réalité », avance l’un des participants. Par l’utilisation de l’outil, qui aurait une fonction d’IA, le casque pourrait aussi mesurer le niveau de santé mentale de l’utilisateur et ajuster des recommandations psychologiques transmises à l’astronaute.

Des participants en action. Photo: Roxanne Lachapelle

Des participants en action. Photo: Roxanne Lachapelle

D’autres équipes proposent la mise en place de routine contrant l’ennui, d’espaces de vie multisensoriels (qui pourraient notamment rappeler les odeurs propres à la vie sur Terre des astronautes), d’outils de jeux interactifs incluant des messages des proches et des conseils de spécialistes en psychologie, etc.

« C’est un exemple de comment on peut faire émaner et lancer des idées, autrement qu’en faisant des réunions : allons dans la co-création, mais rapprochons-nous des usagers et collaborons de manière multidisciplinaire, parce que c’est là que se trouve la richesse », conclut l’animatrice de l’atelier Nayla Pallard, qui est également conseillère d’innovation au Pôle de l’innovation et du numérique et co-leader Hacking Health.

Réalité virtuelle : voyager dans l’espace, les pieds sur Terre

Crédit Image à la Une : Monica Garniga, Unsplash