Au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), l’intelligence artificielle (IA) va désormais au-delà des outils de diagnostic et de traitement des maladies; on s’en sert pour la gestion du temps au bloc opératoire. En effet, un nouvel outil pourrait faire gagner des centaines d’heures au personnel et aux patients, dans un contexte où le réseau de la santé est surchargé depuis le début de la pandémie de COVID-19.
Opti est un système informatique dédié à l’équipe d’agentes administratives qui sont chargées de prendre les rendez-vous au bloc opératoire du CHUM.
Depuis quelques mois, le modèle d’IA prend en compte une vingtaine de paramètres communs dans la gestion du temps de ce département de l’hôpital universitaire.
Si l’outil doit encore être affiné, on estime à partir de données historiques qu’il pourrait ajouter 400 chirurgies de plus au bloc par année, soit à peu près 550 heures de plus.
Bien que l’administration attend que la phase 2 du projet soit conclue en septembre pour confirmer les bénéfices de l’ajout de ce modèle d’IA, on a confiance qu’il améliorera grandement les services à terme.
« Avant les [ agentes administratives ] prenaient un papier et un crayon et elles faisaient l’horaire du bloc [ à la main ]. Ça venait avec beaucoup de contraintes à gérer : la disponibilité des chirurgiens, de la salle, des patients, ou encore, le type de technologies utilisées selon la chirurgie et ainsi de suite », souligne Kathy Malas, responsable de l’innovation et de l’IA et adjointe au Président-directeur général du CHUM.
Sauver des centaines d’heures au bloc opératoire viendrait alléger les listes d’attente qui se sont allongées depuis le début de la crise sanitaire.
« Ça les aide à jouer au jeu de Tetris. L’outil peut prendre en compte les multiples variables qu’elles ont à gérer quotidiennement » – Kathy Malas, responsable de l’innovation et de l’IA et adjointe au Président-directeur général du CHUM
Effectivement, selon le site internet du ministère de la Santé et des Services sociaux, les patients doivent parfois attendre plusieurs semaines avant de pouvoir passer sous le bistouri de leur chirurgien. Par exemple, en date du 25 avril 2021, ce sont 148 patients qui étaient disponibles et en attente d’une chirurgie cardiaque. Ceux-ci doivent patienter en moyenne 8 semaines. Et la liste est longue partout : ils sont 651 à attendre en moyenne 19 semaines en urologie et 209 à se tourner les pouces pendant 14 semaines en moyenne en neurochirurgie.
CHOC DES CULTURES
Mme Malas, qui a supervisé l’implantation d’Opti auprès de l’équipe des 30 agentes administratives, reconnaît que cette opération n’a pas été sans embûches.
« C’est sûr que lorsqu’on introduit de l’innovation disruptive, il y a toujours des défis à relever. Il y a eu ce que j’appelle un choc culturel langagier, parce que les administratrices n’avaient pas les connaissances nécessaires sur l’IA pour comprendre ce que l’équipe d’experts leur expliquait et vice-versa. Les spécialistes de l’IA ne connaissaient pas non plus les réalités de la gestion d’horaire au bloc opératoire », affirme-t-elle.
Après avoir assumé le rôle de « traductrice » entre les équipes, cette dernière insiste qu’aujourd’hui la technologie a bien été adoptée par le personnel.
Pour Claude Talbot, président du syndicat des employé-es du CHUM (SECHUM), l’introduction d’un tel modèle d’IA n’a pas soulevé d’inquiétudes de la part du personnel.
« Tant que c’est un outil d’aide au travail, d’accompagnement, on a pas de problème avec l’IA. C’est certain qu’on va continuer à surveiller les projets de près, car il est important qu’en bout de ligne des postes ne soient pas coupés à cause de ça », soutient-il.
Mme Malas assure qu’à terme, Opti, ainsi que les 80 autres projets en IA au CHUM, ne couperont pas d’heures de travail ni de postes.
« Aucun de ces projets n’a remplacé l’humain, ils sont tous en soutien à l’humain », souligne-t-elle.
Depuis 2018, le CHUM a sa propre école d’IA en santé, afin de poursuivre les innovations dans ce domaine.