Faire de la médecine de précision, c’est une des promesses de l’intelligence artificielle (IA). Grâce aux algorithmes, on peut désormais développer des traitements faits sur mesure pour les patients. Cependant, cette technologie demande une importante quantité de données médicales pour être efficace. C’est pourquoi un consortium pancanadien vise à rassembler les forces vives des milieux de la santé et de l’IA au sein d’un même réseau, permettant ainsi de faire des pas de géant en recherche.
La Digital Hôpital Découverte Plateforme (DHDP) se veut être un « écosystème des données fédérées », explique Alexandre Le Bouthillier, cofondateur d’Imagia.
La plateforme est le fruit d’une collaboration entre cette société luttant contre le cancer grâce à l’IA et l’Institut de recherche Terry Fox.
En développement depuis deux ans, la DHDP fait des remous dans le milieu de la recherche médicale. En effet, elle compte déjà sur des investissements de 200 M$ provenant de ses 97 partenaires (159 M$) et du Fonds d’innovation stratégique du gouvernement canadien (49 M$).
FONCTIONNEMENT ET OBJECTIFS
En créant une « boucle » entre le milieu de la recherche médicale, des industries et des instituts gouvernementaux (particulièrement les hôpitaux), la plateforme représente une forme de fiducie de données en santé.
« Nous voulons développer des outils utiles pour les chercheurs cliniciens qui ne sont pas nécessairement experts en IA » -Alexandre Le Bouthillier, cofondateur d’Imagia
Ainsi, le concept pourrait par exemple rendre disponible le potentiel de la reconnaissance visuelle, une forme d’IA qui permet d’analyser des images médicales afin d’établir des diagnostics, aux professionnels de la santé.
Pour ce faire, les établissements de santé partageraient des données statistiques extraites à partir des informations médicales fournies par leurs patients. Ces données seraient ensuite accessibles aux chercheurs partout au pays.
L’avantage d’un tel système est qu’il assure une diversité des données de recherche, non seulement du point de vue des populations échantillonnées, mais aussi en termes d’équipement et de paramètres impliqués dans le contexte de la collecte des informations médicales.
De plus, le cofondateur d’Imagia croit que la plateforme offrira plus d’autonomie aux chercheurs en leur donnant accès à un écosystème plus ouvert que ce qui existe actuellement.
Pour l’instant, deux réseaux de consommation de données, la plateforme EVIDENS d’Imagia et CanDIG, sont établis au cœur de la DHDP.
« Nous sommes à développer le service de certification de la DHDP et à définir les normes qui permettront de rendre opérationnelle l’innovation ouverte dans les institutions membres de la DHDP », peut-on lire dans un document explicatif sur le projet.
PROTECTION DES DONNÉES
Le fait de rassembler au même endroit des informations tirées des données médicales provenant de neuf provinces pose-t-il un risque de sécurité en matière de protection de la vie privée des Canadiens?
Selon M. Le Bouthillier, c’est justement le service de certification présentement en développement qui mettra en place un audit continu de la DHDP.
« Nous pourrons savoir qui accède aux informations, à quelles informations ceux-ci accèdent et par quels moyens. Nous nous assurerons ainsi que la consultation des données se fait toujours en concordance avec les contrats de divulgation signés par les patients » -Florent Chandelier, chef de la technologie chez Imagia
Dans une courte vidéo présentée par M. Le Bouthillier, son collègue souligne que les hôpitaux participants au réseau conserveront le contrôle entier de leurs données et que la responsabilité quant à l’accès à celles-ci leur sera incombé.
«Les fonctions de régisseur (traduit de stewardship en anglais) resteront toujours entre les mains des institutions», résume M. Chandelier.
En ce qui a trait à la propriété intellectuelle sur les données, le cofondateur d’Imagia affirme que la DHDP empruntera un modèle de redevances «qui assurera un partage équitable entre les partenaires».
Car, il faut souligner que l’implication active des entreprises privées est à privilégier selon les dirigeants du projet.
«La DHDP se veut un consortium inclusif et nous encourageons la participation d’entités tant publiques que privées. Le rôle des entreprises pharmaceutiques, biotechnologiques, de dispositifs médicaux et de technologies de l’information est essentiel à la réussite de la DHDP, car les découvertes attendues de la recherche nécessiteront des véhicules de commercialisation», souligne-t-on dans le document explicatif cité plus haut.
«Les acteurs de l’industrie peuvent participer de diverses manières, notamment en fournissant des ressources en nature, comme des données, ou des contributions en espèces sous la forme de recherches parrainées par l’industrie. Les multinationales peuvent également envisager de participer à l’espace préconcurrentiel. Les start-ups à but lucratif ainsi que les autres entités à but lucratif sont encouragées à prendre part à la DHDP.»