« Vers un Québec innovant » : Rehausser l’intérêt des PME pour la R-D

« Vers un Québec innovant » : Rehausser l’intérêt des PME pour la R-D

Pour le Conseil de l’innovation du Québec, il est temps de mettre en place de nouvelles stratégies pour favoriser la recherche en innovation au Québec. Leur plus récent rapport propose des solutions pour en maximiser les retombées économiques.

Stimuler, soutenir et optimiser la recherche et développement (R-D) dans les PME du Québec à coût zéro. Tel est le mandat confié au Conseil de l’innovation du Québec (CIQ) par le gouvernement provincial, mandat qui a mené à la publication d’un rapport le 23 avril dernier intitulé « Vers un Québec innovant ».

La demande tombe en contexte de déclin des investissements dans la R-D par les PME, déclin qui remonte maintenant à plus d’une décennie.

« Au Québec, les dépenses en R-D des entreprises déclinent par rapport au PIB (…) Moins 25% depuis 2020, alors que pour le reste des pays de l’OCDE, on a vu une hausse des dépenses de 32%. »

– Luc Sirois, Innovateur en chef du Québec

« Au Québec, les dépenses en R-D des entreprises déclinent par rapport au PIB », explique l’Innovateur en chef du Québec, Luc Sirois, en conférence de presse. « Moins 25% depuis 2020, alors que pour le reste des pays de l’OCDE, on a vu une hausse des dépenses de 32% ».

Inverser la tendance pourrait offrir de forts bénéfices. Selon les données présentées par le CIQ, les PME qui ont mené des projets de R-D au cours des huit dernières années ont eu 13% d’actif, 25% de chiffre d’affaires et 27% de rentabilité en plus que les PME qui n’en font pas.

Il existe déjà des moyens pour stimuler l’innovation au Québec, notamment par des prêts, des subventions et crédits d’impôt, ainsi que de l’aide indirecte aux entreprises offerte à travers des groupes d’experts et du partage d’information.  Mais selon les résultats d’un sondage réalisé auprès de plus de 750 entreprises dans le cadre de ce rapport, ces moyens restent peu utilisés par les PME, que ce soit par manque de connaissances ou en raison de leur trop grande complexité.

Moins de fondamental, plus de prêts

Capture d’écran : Conférence de presse du CIQ lors du dévoilement du rapport « Vers un Québec innovant », le 23 avril 2024.

Pour inciter les PME a recommencer à investir dans la R-D, le rapport propose 13 recommandations dirigées exclusivement envers les entreprises (la recherche publique est donc exclue de ces recommandations). Parmi elles, l’une des mesures phares suggère de diminuer le ratio des prêts offerts aux PME pour de la recherche fondamentale, tout en augmentant celle pour la recherche appliquée et la transition vers la commercialisation. « Le contexte québécois est une économie de PME qui créent de la richesse en créant des produits qui appliquent la science fondamentale, soutient Luc Sirois. Mais elles manquent de savoir-faire et de ressources financières pour le faire. »

Une mesure qu’appuie l’historien et sociologue des sciences Yves Gingras. « Les PME n’ont pas les moyens pour faire de la recherche fondamentale, c’est davantage le travail de la recherche académique universitaire ou de la recherche gouvernementale. Un tel changement est donc rationnel, car ce n’est pas le travail de notre industrie. »

Une autre mesure fiscale suggère au gouvernement québécois de prioriser les prêts au lieu des subventions. « Les aides gouvernementales sont là pour aider l’innovation », explique Sylvie Pinsonnault, membre du comité de travail ayant produit le rapport. « Sachant que le budget est limité, on maximiserait l’impact et protégerait les investissements en considérant des prêts à conditions favorables, plutôt que des subventions. Leur remboursement pourrait ensuite permettre de réinvestir dans un autre projet innovant. »

Une autre mesure appuyée par le professeur Gingras : « C’est très encourageant, le gouvernement est habitué à tout donner aux entreprises, tout en ayant rarement quelque chose en retour. Et les crédits d’impôt déjà existants sont tellement complexes que plusieurs ne les demandent pas, à moins qu’ils emploient un spécialiste pour démêler le tout. De tels prêts seraient beaucoup plus simples. »

Concentrer l’expertise

À ces mesures économiques s’ajoute aussi la nécessité de renforcer les connaissances des dirigeants d’entreprises dans le domaine de la R-D. « Au Québec, peu d’entreprises embrassent l’innovation, car les dirigeants manquent de compétences », explique Sophie D’Amours, rectrice de l’université Laval et présidente du conseil d’administration du CIQ, en conférence de presse du 23 avril. « Il faut renforcer l’écosystème de mentorat et de formation pour les professionnels qui ont envie d’intégrer l’innovation dans leurs entreprises, pour qu’ils maîtrisent mieux la gestion, la finance et le réinvestissement dans l’innovation. »

Toutefois, pour Yves Gingras, il reste un flou important autour de certaines des mesures proposées, notamment le développement de laboratoires d’innovations dans des secteurs stratégiques à travers le regroupement ou la transformation de structures existantes. Pour Sophie D’Amours, « Les écosystèmes au Québec sont dotés de plusieurs groupes d’expertise, mais on considère que c’est le temps de les réunir, de les faire travailler ensemble pour accélérer les secteurs stratégiques. » Or, selon M. Gingras, « On dirait qu’on tente ici de réinventer la roue. Il existe déjà un groupe dont le but est de faciliter le développement de nouvelles solutions technologiques au service de l’industrie, c’est le centre de recherche industriel du Québec (CRIQ). Or, on ne mentionne le CRIQ nulle part dans ce rapport. »

Reste maintenant à voir comment le gouvernement donnera suite à ces recommandations, le rapport étant maintenant entre les mains de Pierre Fitzgibbon, le ministre québécois de l’Économie et de l’Innovation.

Crédit Image à la Une : Conférence de presse du CIQ lors du dévoilement du rapport « Vers un Québec innovant », le 23 avril 2024.

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