Mieux gérer la polypharmacie grâce à l’IA

Mieux gérer la polypharmacie grâce à l’IA

La polypharmacie, c’est la prise simultanée de plusieurs médicaments. Il s’agit d’un phénomène de plus en plus fréquent, surtout chez les personnes âgées. L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) estimait en effet qu’en 2016, plus du quart des aînés au Canada prenait plus de dix prescriptions par jour. Un comportement qui suscite de nombreuses interrogations de la part de la communauté scientifique, car il peut s’avérer dangereux pour leur santé. Bonne nouvelle, l’IA pourrait aider à mieux comprendre ce phénomène. 

Généralement, les pharmaciens sont bien au fait des interactions entre deux médicaments. Mais au-delà de ça, les données probantes manquent afin de déterminer les risques associés à ces combinaisons. Mieux cerner la polypharmacie et davantage l’encadrer, c’est la mission que s’est donnée une équipe de professeurs de l’Université Laval.

« On peut avoir une utilisation rationnelle des médicaments, parce qu’on a beaucoup de maladies à traiter. On peut aussi avoir une utilisation un peu moins appropriée, parce qu’on n’a pas bien identifié les situations problématiques, » souligne Caroline Sirois, professeure-chercheuse en pharmacie. Le projet multidisciplinaire auquel elle participe est le fruit d’une collaboration de 14 enseignants. 

Le groupe de chercheurs tentera donc de comprendre à quel moment une polypharmacie confère plus de risques que de bénéfices pour nos aînés. L’augmentation des possibilités de développer des maladies chroniques après 65 ans peut expliquer cette consommation importante de médicaments. 

LA CONTRIBUTION DE L’IA

Les professeurs utiliseront les données disponibles sur le Système intégré de surveillance des maladies chroniques du Québec. Il contient des informations sur les réclamations de médicaments et de services médicaux de la grande majorité des aînés depuis 1996. Ces renseignements peuvent indiquer entre autres les diagnostics posés, les types de médicaments ainsi que les causes de décès. 

C’est à ce moment que l’intelligence artificielle entre en jeu. « On va avoir une très grande quantité de combinaisons d’utilisation de médicaments. C’est sûr que nos méthodes actuelles ne sont pas capables de gérer toutes ces informations-là, » mentionne Mme Sirois. 

Le système expert basé sur l’IA proposera des combinaisons, des séquences et des durées de traitement associées à des effets bénéfiques ou négatifs, comme une hospitalisation ou un décès.

UNE ÉTUDE À TROIS AXES

Avec les résultats obtenus par l’IA, les chercheurs se pencheront également sur l’axe pharmacoépidémiologique de l’étude. En effet, ils évalueront si les éléments ressortis lors de la première étape peuvent devenir un indicateur pour la polypharmacie. 

Pour s’assurer que ces indicateurs sont adaptés à la santé publique, ils étudieront finalement l’axe éthique. Pour cela, ils auront l’aide d’experts en éthique. L’équipe devra donc déterminer si certains indicateurs font plutôt ressortir une pratique isolée, qui est peut-être moins appropriée. « Il faut que ce soit applicable à l’ensemble du Québec, et non juste à une région ou à un groupe en particulier, » précise Mme Sirois. 

DIMINUER LES COÛTS

En plus de diminuer les risques liés à la polypharmacie, les résultats obtenus pourraient répondre à une problématique de société. En effet, l’ICIS estimait en 2018 que 57,4 % des dépenses totales des régimes d’assurance médicaments au Canada étaient attribuables aux personnes de 65 ans et plus. 

« Si on fait déjà cette réflexion de société, en se disant qu’à partir d’un certain âge, qu’à partir de certaines conditions, on devrait réévaluer chacun des traitements, et bien ça pourrait surement aider la société à avoir un peu moins de coûts injustifiés pour les traitements médicamenteux, » indique Mme Sirois.